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Interview de Maître Agathe Affougnon Ago au sujet de la paralysie de la justice :« La démocratie béninoise est à genoux » [13 juillet 2007]

Me Agathe Affougnon Ago, avocat à la Cour lance dans cette interview accordée au Quotidien « Le Matinal », un cri d’alarme au chef de l’Etat Yayi Boni afin qu’il puisse prendre à bras le corps le problème qui affecte le système judiciaire. Après avoir porté un regard très inquiet sur l’évolution de la situation et ses implications dans les établissements pénitentiaires, elle estime que la démocratie béninoise est amputée de l’un de ses piliers : la justice. « La démocratie est à genoux », a-t-elle commenté. ...
Le Matinal : Quelle appréciation faites-vous de la paralysie qui affecte les juridictions du pays ?

Me Agathe Affougnon Ago : C’est une situation qui a d’énormes conséquences sur toutes les activités du pays. La démocratie est en panne, à genoux. C’est l’image du Bénin qui est entachée. Ceci en ce sens qu’il s’agit de l’un de trois piliers de l’Etat de droit qui est non opérationnel. Quel que soit le problème que les citoyens ont aujourd’hui, ils ne peuvent pas s’adresser à aucune juridiction. C’est suffisamment grave et dangereux pour la cohésion sociale. Si la justice n’est pas restaurée nous allons tout faire, mais il restera sous nos pieds un grand vide. Nous en tant que porte-parole des justiciables, nous estimons que ce n’est pas normal que la justice d’un pays soit paralysée depuis des mois. On risque de connaître une année morte. L’an dernier, la situation était moins alarmante, car les greffiers travaillaient trois jours sur cinq. Cette fois-ci, c’est une paralysie pure et simple et illimitée. Il faut avoir peur pour les jours à venir. La majorité des services de nos juridictions sont au point mort. Seul le parquet fonctionne. Les Magistrats sont à leur poste, mais n’ont pas de dossiers à traiter. Le Magistrat instructeur ne peut pas recevoir un inculpé et introduire son dossier. Vous constatez que les établissements pénitentiaires sont pleins à craquer. Il y a péril en la demeure. Le chef de l’Etat doit réagir très vite, car on s’aperçoit que c’est un dossier qui dépasse les compétences des ministres qui se sont succédés à la tête de la justice depuis l’arrivée de Yayi Boni. Le problème est crucial, car notre démocratie est en danger. L’un de ses piliers est inexistant.

Que faut-il craindre ?

Le pire. La situation peut repousser les investisseurs qui ne voudront pas venir s’installer dans un pays où la justice ne fonctionne pas. Prenons l’exemple, du différend qui oppose les réseaux Gsm Areeba et Telecel au gouvernement. Ils ont le droit d’intenter une action en justice s’ils jugent arbitraire la décision du gouvernement. Mais ils ne peuvent rien actuellement. Si vous avez besoin de votre casier judicaire ou de votre certificat de nationalité, je ne vois pas comment vous pouvez l’obtenir. Voilà un fait qui doit choquer. Et tenez-vous bien, le trop plein des prisons risque d’entraîner des cas de décès. Puisque les conditions de détention sont de plus en plus inquiétantes. Et demain n’est pas la fin de l’enfer. Ce qu’il faut faire observer, c’est que dès qu’il y aura reprise, on va procéder à nouveau à la datation des dossiers, qu’ils soient traditionnels, civils, ou administratifs. Car, il existe près de 5000 dossiers sans date. Des audiences qui devraient avoir lieu n’ont pu se tenir. Tout cela prendra du temps, et il faut compter avec les vacances judiciaires qui sont pour le 15 Août prochain. Cela revient à dire que l’année sera morte. Ce qui n’est pas propice pour l’avenir du Bénin. La crise affecte certainement les cabinets d’avocats

Les avocats gémissent dans leurs cabinets. A partir du moment où vous ne pouvez pas introduire le dossier d’un client, rien ne bouge. Des charges sont incompressibles. Certains collègues sont obligés de mettre leur personnel en chômage technique. Nous lançons un cri d’alarme aux autorités étatiques et surtout au Président de la République. Il faut que ce dernier prenne en main ce dossier. On l’a vu s’ingérer personnellement dans des affaires moins importantes que celle-ci. Il est très utile et urgent qu’il s’attaque au problème. Ce n’est pas seulement au chef de l’Etat que je lance un appel, mais à tout le monde. On doit pouvoir trouver le bon bout. Les greffiers et les agents d’appui qui sont en grève ont des revendications pertinentes. Mais d’un côté comme de l’autre, il faut regarder l’intérêt de la nation et des justiciables. Dans un langage de chez nous on a coutume de dire de regarder l’enfant et la chicotte.

Propos recueillis par Fidèle H Nanga

Tag(s) : #Politique Béninoise
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