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“L’immigration zéro n’est ni possible, ni souhaitable”

Le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du codéveloppement, Brice Hortefeux, répond aux lecteurs de Metro

Les lecteurs de Metro face au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux 
 
Les lecteurs de Metro face au ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux  Photo: photos : nicolas richoffer/metro
 
 
Photo: photos : nicolas richoffer/metro
 
 
Photo: photos : nicolas richoffer/metro
 
Et aussi
 

C’est un ministre fatigué par un planning surchargé qui a rencontré notre petite délégation mercredi au nouveau ministère de l’Immigration. Avec un “il faudrait que l’on serre un peu le timing” de bienvenue, le ton était donné. Pourtant, au fil de la conversation, nos lecteurs ont découvert un ministre soucieux de convaincre et d’expliquer. Pris au jeu, Brice Hortefeux veut charmer son auditoire. L’entretien aura finalement largement dépassé le temps  alloué, et le ministre est reparti pour une réunion à l’UMP... en retard.

- Le nouveau ministère

Gérard Messens: Votre ministère intègre la notion d’identité nationale. Comment la définiriez-vous?
C’est une première : ce ministère réunit à la fois les questions d’immigration, d’intégration, de codéveloppement et d’identité nationale. C’était un engagement précis et fort du président de la République lors de la campagne : préserver la cohésion de notre société de demain, dont l’équilibre est aujourd’hui fragile. L’originalité de ce ministère est d’affirmer que l’identité nationale est un bien commun que l’on doit défendre, sans pour autant nier l’apport de l’immigration à cette identité que notre pays s’est forgée.

Marthe Bassene: Quand même, un ministère qui intègre à la fois immigration et identité nationale, ça n’est pas un peu antinomique?
Mon objectif est simple : maîtriser l’immigration et conforter la cohésion, c’est-à-dire l’équilibre, de notre communauté nationale. Je vous rappelle que la population étrangère immigrée n’est concentrée que sur trois Régions : Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca. Ensuite, le taux de chômage des étrangers en France est d’environ 20%, contre 8% pour l’ensemble de la population. Troisièmement, tous les experts estiment qu’il existe un déficit d’un million de logements dans notre pays. Si l’on continue à accueillir à tout va, ce sera dans de très mauvaises conditions pour les immigrés eux-mêmes ! Par ailleurs, la démographie entre en ligne de compte : nous avons aujourd’hui un taux de fécondité supérieur à deux enfants par femme, contrairement à certains de nos voisins comme l’Espagne et l’Italie. Cela veut dire qu’aujourd’hui, nous n’avons pas de pression démographique qui rende nécessaire une immigration massive. Dernière raison, et c’est nouveau : les pays d’émigration eux-mêmes nous disent : “Attention, vous allez piller nos forces vives.” Par exemple, le président du Bénin n’est pas favorable à ce qu’il y ait plus de médecins béninois qui exercent en France qu’au Bénin. Il a parfaitement raison !

- La politique des flux migratoires

Said Benihya: Quel type d’immigration recherchez-vous?
On délivre  165 000 titres de séjour par an, dont 92 000 au titre de l’immigration familiale, et 11 000 au titre de l’immigration économique. Il y a donc déséquilibre, et l’objectif est d’arriver à la parité entre ces deux catégories.  On sait qu’il y a aujourd’hui dans notre pays des secteurs qui manquent de main-d’œuvre : le BTP, l’hôtellerie-restauration, l’informatique, les services à la personne. 470 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues soit parce que la formation n’est pas adaptée, soit parce que les Français ne veulent pas exercer ces activités. J’ai réuni les différentes branches professionnelles pour mesurer les besoins. Grâce à une immigration choisie et concertée avec les pays d’origine, tout le monde sera gagnant, notre pays comme les migrants.

Metro: On parle de la mise en place de quotas?
Oui : la France doit pouvoir choisir qui elle souhaite accueillir, ou non, sur son territoire. 74% des Français sont favorables à cette politique de quotas selon un sondage récent. Pour instaurer des quotas, il faut réfléchir à une modification de notre Constitution, ce que nous faisons.

Said Benihya:Les étudiants étrangers peuvent-ils faire partie du plan d’immigration économique
La France accueille chaque année 46 000 étudiants étrangers. Et je tiens à ce que nous restions une terre d’accueil pour ces jeunes — à condition qu’ils viennent réellement étudier. Nous venons de mettre en place une carte de séjour “compétence et talents”, qui donnera la possibilité à un étranger qualifié de travailler sur le territoire pendant trois ans. Ce sera renouvelable une fois dans certains cas, mais nous voulons encourager un retour dans le pays d’origine après six ans en France. Je crois à l’immigration économique à durée déterminée, afin de ne pas piller les élites des pays en voie de développement.

- Le projet de loi sur l’immigration

Metro: Votre projet de loi fait couler beaucoup d’encre…
Ce texte est protecteur : quand nous proposons un test de langue, suivi d’une formation de deux mois, c’est pour permettre à la personne de ne pas être isolée, de connaître au moins les mots de français usuels nécessaires à la vie quotidienne.  On a aussi proposé un seuil de revenu, qui provienne du travail, et non de l’assistance. L’Assemblée nationale l’a fixé à 1,33 Smic, c’est-à-dire en deçà du salaire médian des ouvriers en France. C’est une question de bon sens : faire venir des personnes sans se soucier de leurs revenus, ce serait les jeter en pâture aux marchands de sommeil ou aux trafiquants !

Marthe Bassène: La Commission des lois du Sénat vient de rejeter le fameux amendement sur les tests ADN. Vous le regrettez?

Ces “tests ADN” ont été proposés par l’Assemblée nationale pour que des étrangers, s’ils le souhaitent, puissent prouver leur filiation. Le Sénat, lui, se prononcera la semaine prochaine. Aujourd’hui, certains sénateurs s’interrogent. C’est normal : il y a un débat parlementaire. La volonté du gouvernement, c’est de parvenir à un dispositif équilibré, bien encadré, présentant toutes les garanties nécessaires, en s’inspirant de ce que font les 12 pays européens qui proposent déjà ces tests.

Stéphane Chedeau: Comment être efficace en France s’il n’y a pas de concertation européenne
En effet, avec l’espace Schengen, il est important d’avoir une politique commune d’immigration. Ce sera une priorité de la présidence française de l’Union européenne l’an prochain. Il faut mettre en place un pacte européen sur l’immigration, avec le refus des régularisations massives, la définition commune du droit d’asile et le renforcement du contrôle aux frontières par l’agence Frontex.

Stéphane Chedeau: Pourquoi dites-vous que les régularisations massives ne marchent pas?
C’est simplement un constat. En 1997, Lionel Jospin a pris la décision de régulariser 80 000 sans-papiers. Immédiatement, les bénéficiaires ont dit autour d’eux : “Venez, cachez-vous, au bout d’un certain temps, vous aurez le titre de séjour.” Résultat, le nombre de demandeurs d’asile a été multiplié par quatre entre 1997 et 2002. C’est la démonstration d’un échec : toute régularisation massive entraîne inéluctablement un appel d’air. Preuve en est : l’Italie et l’Espagne ont décidé de renoncer à ces régularisations. Cela ne veut pas dire pour autant que nous voulons une immigration zéro. Ce n’est pas possible, et ce n’est pas souhaitable.

- L’immigration illégale

Gérard Messens: Que comptez-vous faire contre l’immigration illégale?

Il y a entre 200 000 et 400 000 clandestins illégaux en France. Je l’ai dit très clairement : tout immigré en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, de manière volontaire ou, s’il le faut, contrainte. Et, simultanément, tout étranger en situation légale, qui travaille, qui accepte nos valeurs, qui parle notre langue, qui respecte nos lois, doit bénéficier d’un effort d’intégration. C’est l’un et l’autre. Chaque pays a le droit de déterminer qui il veut ou qui il peut accueillir. Et c’est effectivement une rupture avec les politiques passées.

Gérard Messens: Pourquoi ce chiffre de 25 000 expulsions?
Depuis 2002, plus de 100 000 clandestins ont été reconduits dans leur pays. C’est un message à l’égard de la population en situation irrégulière sur notre territoire, mais c’est aussi un message à l’égard des candidats à l’immigration dans les autres pays : il faut venir de manière légale. Mais ce n’est pas le seul volet de la politique de régulation des flux migratoires. Il y a aussi le combat contre les marchands de sommeil, l’action contre les passeurs qui exploitent la misère, la lutte contre le travail illégal. Désormais, les employeurs sont sanctionnés – 275 ont été interpellés depuis le début de l’année. Le travail au noir pénalise les immigrés légaux. Et moi, je suis le ministre des immigrés légaux.

Marthe Bassene: La mort d’une Chinoise qui s’est défenestrée lors d’une perquisition a créé beaucoup d’émotion.
Nous regrettons bien évidemment cet accident tragique. Mais je tiens à le rappeler : ce n’était en aucun cas en relation avec la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Il s’agissait d’une visite de police, à la demande de la justice, dans le cadre d’une plainte pour vol.

Stéphane Chedeau: L’expulsion est toutefois un acte violent…
Attendez. Moi, je suis pour les retours volontaires ! Je vous rappelle que l’aide au retour, c’est un pécule de 3 500 euros par couple, plus 1 000 par enfants, pour aider et accompagner les immigrés en situation irrégulière au retour. Cela a bénéficié à 1 000 personnes il y a deux ans, à 2 000 personnes l’an dernier et à 2 500 cette année. Je préfère de loin cette solution aux expulsions. De même, nous venons de créer un compte épargne “codéveloppe-ment”, qui favorise les investissements dans les pays d’origine. Toute ma politique ne se résume pas aux expulsions mais vise aussi à aider les pays terres d’émigration afin qu’ils puissent offrir un avenir à leur jeunesse.

L’UMP espère maintenir les tests ADN

• La commission des Lois du Sénat a supprimé mercredi l'amendement qui instaurait la possibilité de tests ADN pour les candidats au regroupement familial, qui avait été adopté par l'Assemblée nationale une semaine plus tôt. Pour que cette décision soit entérinée, elle doit encore être approuvée par les sénateurs, qui examineront le projet Hortefeux à partir du 2 octobre.
• Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale Jean-François Copé a plaidé hier sur LCI pour la réintroduction de cet amendement.
• Une fois adopté par le Sénat, le texte ne reviendra pas à l'Assemblée : déclaré en urgence (une seule lecture par chambre), il sera définitivement voté après un compromis entre députés et sénateurs. 

Tag(s) : #POLITIQUE FRANCAISE
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