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Courrier international - 3 janv. 2008
Article
AFRIQUE - 2008, année des désaccords économiques
Les Accords de partenariat économique (APE) entre l'Union européenne et certains pays africains ont pris effet le 1er janvier 2008 sur fond de polémique. L'Observateur Paalga estime que ces APE vont porter un coup dur aux fragiles économies africaines.
Pour cerner un tant soit peu les contours assez difficiles de la question des APE, il faut remonter aux conventions successives de Lomé, qui établissaient un accès préférentiel des produits des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) au marché commun européen, permettant ainsi à la banane antillaise ou camerounaise, à l'ananas ivoirien, etc., de s'écouler plus facilement.

Des facilités qui ont duré plus de vingt-cinq ans mais qui juraient de plus en plus avec le nouvel environnement mondial, notamment le tout-libéral voulu par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), dont certains membres sont attachés à la suppression pure et simple des "avantages" que l'Europe accorde jusqu'à présent à ses partenaires économiquement moins avancés. [Les APE ont pour objectif théorique de remplacer les conventions de Lomé puis l'accord de Cotonou et doivent fixer un cadre au commerce entre l'Union européenne et les pays signataires de ces APE.]

Prosaïquement donc, et alors que les négociations de l'OMC dites du cycle de Doha sont bloquées depuis des années du fait des grandes puissances, il s'agira, pour les 79 pays ACP, de se plier aux injonctions de l'Organisation en ouvrant leurs marchés aux produits européens avec un démantèlement progressif de leurs barrières douanières. En contrepartie, nos marchandises pourront bien sûr elles aussi entrer sans entraves sur le marché du Vieux Continent. Mais ce sera désormais sans bénéficier d'un statut préférentiel. Théoriquement, c'est du donnant, donnant, du gagnant, gagnant. Théoriquement ! Car dans ce combat entre le pot de fer et le pot de terre, le second va forcément y laisser des plumes.

Une dérogation de sept ans ayant été accordée par l'OMC en 2001, c'est en principe ce 1er janvier 2008 que devaient entrer en vigueur ces fameux Accords de partenariat économique, mais on sait depuis quelques mois que ce ne sera pas le cas, en tout cas pas globalement. Le moratoire avait été, on le sait, rendu nécessaire par l'état d'impréparation manifeste de nos économies à intégrer le commerce mondial. Les sept années devaient donc servir à les réformer et à les ajuster pour une meilleure adaptation aux règles de l'OMC, et les pourparlers ont effectivement débuté en 2002 à Bruxelles. Mais sept ans après, force est de reconnaître que les lignes n'ont pas véritablement bougé.

Les Européens vont donc inonder nos pays, déjà envahis, de leurs produits et tuer (quand il en existe) nos industries naissantes, qui ne peuvent être compétitives devant la déferlante occidentale. Et que dire de nos agriculteurs, qui seront soumis à la concurrence directe, inégale et parfois déloyale des producteurs européens ? Les cotonculteurs sont déjà, si on ose dire, bien payés pour le savoir. Comment par exemple satisfaire aux normes sanitaires, de compétitivité, de traçabilité, etc., pour exporter en Europe ?

Il est vrai que, dans cette affaire, les problèmes des uns ne sont pas ceux des autres. Les Européens ont si bien compris que leurs partenaires sont divisés, en six groupes de négociations et à l'intérieur de ces groupes, qu'ils les jouent les uns contre les autres, proposant à la tête du client des APE à la carte. Si par exemple, un pays comme le Burkina n'a presque rien à gagner dans la mouture actuelle, d'autres comme le Ghana et la Côte-d'Ivoire espèrent bien tirer leur épingle du jeu (de dupes ?) et ont ainsi paraphé l'accord intérimaire.

Il y a eu jadis la domination politique des anciennes puissances tutélaires sur fond de pillage de nos ressources. Hélas, à cette domination politique a fait place une autre, plus insidieuse, plus subtile, plus pernicieuse contre laquelle il n'y a pas grand-chose à faire. C'est la domination économique, dont les APE ne sont que le dernier avatar, car tout laisse à penser qu'ils auront des conséquences désastreuses sur nos économies et seront une menace sérieuse pour le développement de pays parmi les plus pauvres au monde.

L'OMC et les Européens vont le montrer avec ces APE de malheur, même s'il faut se garder d'absoudre à bon compte nos dirigeants, qui sont rarement des exemples de bonne gouvernance politique et économique, de sorte que, APE ou pas, les choses ne sauraient évoluer dans le bon sens s'ils sont les prédateurs de leurs propres peuples.
Editorial
L'Observateur Paalga
 © Courrier international 2008 | ISSN de la publication électronique : 1768-3076    
Tag(s) : #Politique Africaine
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