LETTRE OUVERTE A L ‘INTELLIGENTSIA BENINOISE
Par Benoît ILLASSA
23 mars 2008
« Dans la vie il y a deux catégories d’individus: ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi, et ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et se disent: pourquoi pas ? » (George-Bernard SHAW)
Excellences, Honorables, Majestés, Vénérables, Nababs béninois,
Je viens, très humblement, me soumettre à vos illustres personnes dont la quintessence du pouvoir honore et magnifie nos populations, dans la perspective avouée de trouver réponses à ces quelques questions qui minent mon être profond et me renvoient à vous, quel que soit le cheminement intellectuel auquel je me livre. Je voudrais m’en quérir de votre très grande « sagesse » et jouir de vos illustres réponses si vous m’en croyez digne.
06 avril 2006 - 06 avril 2008. Voici deux ans que son altesse, le roi Boni 1er, a prêté serment, devant Dieu et devant les Hommes, pour conduire la destinée des sept millions de béninois que nous sommes. Moins de deux ans plus tard, tous les partis politiques de notre pays (G13 + G4) qui totalisent 43 Députés à l’Assemblée Nationale ont tiré la sonnette d’alarme sur les errements du régime dit de « changement ». Les syndicats représentatifs du pays les ont précédés dans la dénonciation des tares du régime actuel.
Dans ce concert de dénonciation pacifique, il manque à l’appel:
- Les artistes béninois qui, historiquement, ont toujours chanté les louanges du roi du moment;
- La Société civile dont la grande majorité est désormais inféodée au pouvoir actuel, perdant ainsi toute crédibilité et tout sens de responsabilité;
- L’intelligentsia béninoise qui s’est muée dans un silence inquiétant. Pire, certains de ses membres ont perdu tout sens critique qui caractérise l’intellectuel par rapport au commun des mortels. D’autres ont simplement décidé d’aller boire à la rivière du roi omnipotent Boni 1er. Suivez mon regard ! C’est donc sur l’élite béninoise que nous avons décidé de nous attarder.
Au quotidien, on vous affuble de titres qui vous rendent si fiers et flattent votre ego. Cependant, compte tenu de la situation actuelle de notre pays, comment justifiez-vous les honneurs qui sont dus à ces titres ? Telle sera ma première question.
Chaque société a, sans nul doute, son élite, ses privilégiés, ses souffre-douleur et ses bouffons mais je me demande si les titres qui vous servent à bomber le torse et à écraser vos semblables autour de vous, vous conviennent tout compte fait. Quelle est l’utilité de ces titres dans la situation apocalyptique que traverse notre pays ?
J’ai beau chercher dans ma mémoire et me demander en quoi, par exemple, vous êtes Excellents, en quoi vous êtes Honorables, en quoi vous êtes Vénérables et j’en passe… mais, j’arrive toujours aussi incroyablement que cela puisse paraître à la même conclusion : en rien du tout!
Comme sous le PRPB, la FCBE veut phagocyter le peuple béninois. Tout béninois qui n’est pas estampillé FCBE n’a point de salut. Vous êtes cadre dans l’administration béninoise et vous n’êtes pas adhérent FCBE, votre carrière est bloquée. Comme sous le PRPB . Bientôt, tous les cadres béninois qui ne partagent pas la marche forcée de FCBE devra aller monnayer ses compétences ailleurs. La caporalisation est en marche et l‘élite béninoise reste muette.
Nous savons désormais que, dès 1975, bien des béninois avaient commencé à pressentir l’échec du régime du PRPB . Pourtant, jusqu’en 1989, aucun intellectuel béninois n’a dénoncé, de l’intérieur, l’aventure de la révolution commencée en octobre 1972 dans une certaine euphorie générale. C’est ainsi que, de 1972 à 1990, aucun dignitaire du PRPB n’a démissionné. Il est tellement si difficile d’abandonner ses privilèges ! Les communistes béninois du PCD furent les seuls intellectuels à oser défier le régime moribond des pseudo-révolutionnaires.
En quoi êtes-vous donc si Honorables, Vénérables, si Grands et Excellents ?
Les libertés fondamentales sont bafouées par les gouvernants sans que vous ne trouviez rien à dire. Les personnalités politiques de tout premier plan sont intimidées dans notre pays, le Bénin:
- Un ancien Président de la République a dû recourir à la presse internationale pour dire son dégoût du gouvernement des change menteurs;
- Un autre ne regarde plus les télévisions nationales à cause du culte de la personnalité du régent;
- Un troisième à dû fuir la capitale économique de notre pays pour se réfugier dans sa région natale pour éviter l’espionnage permanent dont font l’objet ses visiteurs;
- Un ancien Président de l’Assemblée Nationale, ancien Premier Ministre, fait l’objet d’espionnage permanent des renseignements généraux qui ne se cachent même plus !
Malgré tous ces faits avérés, les intellectuels béninois se taisent.
Vous qui avez certes fait de longues et ardues études mais cela vous donne-t-il pour autant le droit de manquer d’éthique, de morale et de sens patriotique ?
Vous est-il permis de vous moquer du peuple et des Institutions que vous êtes supposés représenter en adoptant une politique de grande désinvolture telle que vous le faites actuellement?
Le constat est poignant : les services qui vous sont confiés ressemblent pour la grande majorité à de grands dépotoirs.
Il manque, dans certains cas, la simple photocopieuse pour dupliquer un document et rendre service à un compatriote.
Aucune mesure n’est prise pour informatiser notre administration, ne serait-ce qu’archiver les tonnes de documents qui s’accumulent sans aucun soins dans les dépotoirs que sont devenues ces administrations. Du fait de votre amnésie collective, nous ne sommes, après plus de 40 ans d’indépendance, même pas au stade élémentaire de la saisie des données informatiques.
Aucune mesure de base n’est prise pour le simple entretien au quotidien des locaux. Bien au contraire, l’argent qui vous est alloué pour la maintenance des ces derniers sert à vos fins personnelles.
Malgré ces données de base qui sont inscrits dans le cadre de vos prérogatives, vous sortez pourtant de chez vous, tous les matins, pour vous rendre au travail, dans vos grandes tenues d’apparats (costumes cravates), l’air sérieux, on croirait vraiment de bons et loyaux citoyens au service de leur pays ; mais en fait : la 4 X 4 dans laquelle vous courez vous pavaner au quotidien pour afficher votre réussite sociale, la 4 X 4 que vous vous êtes offerte au mépris de la condition de notre pays, au mépris de l’aigreur des sans voix et des démunis n’est pour vous que le moyen d’asseoir votre grande médiocrité.
A défaut de travailler pour mériter votre salaire comme le font ceux que vous regardez de haut, quand vous jouez le rôle de personnes respectables à qui les égards sont dus, vous vous compromettez dans des histoires de corruption, de vols, de détournements de fonds, de trafics de drogues, de trafic d’influence en tout genre, etc. La réduction du train de vie de l’état échappe à vos considérations.
Malgré vos petites magouilles, la vérité finit toujours par triompher et un jour on vous voit sous votre vrai jour, celui d’un petit voleur effronté et d’un magouilleur de bas étage que vous êtes en fait.
Qu’à cela ne tienne, au quotidien vous signez avec l’occident, des contrats les plus incroyables et les plus rocambolesques qui contribuent à appauvrir notre pays.
Ce qui est pourtant grave par-dessus tout, c’est que vous êtes des pères de familles, des parents. Étant donné que le sentiment de honte ne vous habite plus, étant donné que vous n’avez plus d’amour propre, ni de conscience, vous inoculez par-dessus tout le vice à vos enfants, vous les gavez de préjugés et de suffisance. Vous empoisonnez de fait la société avec une progéniture de futurs voleurs et d’êtres sans valeurs morales, sans éthique notoire.
S’il fallait sans doute faire de longues études pour arriver à ce niveau de bassesse et d’incivisme caractérisé, je crois que vous remportez sans aucun doute la main haute, la palme du déshonneur.
Vous déshonorez notre pays, vous déshonorez vos familles, vous déshonorez vos fréquentations, vous déshonorez votre personne, vous déshonorez vos enfants, vos amis, vos concitoyens, vous êtes le déshonneur du Bénin.
Quel désespoir d’avoir de tels parents ! Le peuple se meurt pendant que vos amis et vous singez l’occident.
Le peuple croupit dans la misère pendant que vous gaspillez le peu d’argent que nous avons.
Le peuple est délaissé dans sa misère et vogue comme un navire fou dans l’océan tumultueux d’une culture occidentale démente et absurde.
Malgré tout, quand je vous regarde au travers de l’image et des apparences d’hommes sérieux, réfléchis, mesurés de grands stratèges du mensonge et de l’esquive que vous offrez autour de vous , j’ai beau vous regarder du haut de vos titres ronflants, je n’éprouve, à l’évidence, qu’un très grand dédain tant vous inspirez le plus profond mépris.
J’ai beau me demander en quoi vous êtes Honorables, Excellents, Grands ? Je ne vois, aussi incroyable que cela puisse paraître, que ce lien invisible, cette relativité qui vous lie à ceux qui n’ont rien, ce lien qui vous lie à la misère.
Vous êtes Honorables, Majestueux, Grands, Excellents, sans aucun doute possible pour vous, mais vous ne l’êtes que vis-à-vis de la misère des béninois. Vous êtes donc, par la force des choses, Honorables, Excellents, Grands, Nababs, Vénérables Majestueux uniquement de manière misérable.
Dans les réunions avec vos alter ego, pour vous le signifier, puisque vous n’en avez pas conscience, on vous évite comme la peste et on vous réserve bien volontiers les places du fond.
Les égards, vous en voulez certes, mais vous n’êtes que peu de choses car vous frisez un peu plus le ridicule tous les jours quand, en arrivant dans votre grande poubelle qui vous sert de bureau, un de vos laquais s’adresse à vous en disant, « son Excellence ! », « votre Honneur ! », « Sa Majesté » etc.
J’ai beau subséquemment me demander en quoi réellement vous êtes assurément Excellents, Honorables, Majestueux mais, j’en arrive à l’unique conclusion que vous êtes excellents certes, mais uniquement dans la médiocrité !
Tant que vous n’aurez pas pris conscience de votre vrai statut, tant que vous n’aurez pas pris la réelle mesure de notre statut collectif, tant que vous n’aurez pas compris que vous n’êtes là que pour servir et non pas pour vous servir, vous resterez, encore et toujours , ces faibles qui sont la risée des hommes d’esprit, la risée de vos amis occidentaux, la risée de vos fréquentations, une honte et une pure perte pour notre pays.
Veuillez agréer Excellences, Honorables, Majestés, l’expression de ma plus profonde condescendance.
P.S. Qui se sent morveux se mouche en se mettant au travail!
Benoît ILLASSAIllassa@yahoo.fr
Tél. 06 11 10 52 97