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Hebdomadaire Catholique de Doctrine et d'Information

 

TENSION POLITIQUE AU BENIN : La part de Sisyphe en nous

Les excès dans les déclarations, ces derniers jours, de la part de ceux qui nous dirigent à divers niveaux, asphyxient la nécessité du débat démocratique. Au Bénin, on se complaît à recommencer à chaque fois avec les mêmes contradictions.

Le ton donné par la sortie collective, 12 mars dernier, de quatre géants de la politique béninoise, continue de marquer en rebondissements l'actualité nationale. Celui plus inquisiteur de l'ultime sortie solitaire du président-maire de Cotonou, sur les ondes de RFI, n'a pas été sans aguicher les griots du changement. Nicéphore Soglo a fait mal, sans qu'on s'y attende et sans qu'on ne l'attende à ce virage que d'aucuns ont tôt pris pour dangereux. Au finish, le ton non moins sarcastique du ministre Alexandre Hountondji, porte-parole du gouvernement, en droit de réponse sur la même radio internationale, n'a non plus été à l'honneur du Bénin.

Si, en vérité, le climat social et politique actuel se trouve à son point de paroxysme dans une confusion délétère et incomparable - d'ailleurs depuis la désagrégation très prononcée des regroupements primaires à l'Assemblée nationale au lendemain des législatives -, il devient plus malaisé qu'au vu des dernières déclarations à l'encontre des travers de la gouvernance du Dr Boni Yayi, son entourage se soit laissé aller, une fois encore, dans un quiproquo apologétique sans organisation préalable et sans tirer leçon de l'organisation souterraine des autres.

Pourtant, à reconsidérer les déclarations des uns et des autres, tout est fait de passion, d'amertume, de colère, d'injures et de méfiance portée au plus haut degré. Méfiance de qui a eu le pouvoir en avril 2006 sur fond de contrats de partenariat politique avec d'autres forces en présence à l'époque, mais vis-à-vis desquelles, toute distance de cohabitation gardée, on cherche au jour le jour à se démarquer pour prendre de l'avance sur le terrain. L'horizon 2011 oblige. Méfiance alors, de qui se retrouvent subtilement évincés et subrepticement réduits à une agonie politique sans merci par une certaine génération spontanée en politique qu'on croyait pouvoir marionnetter à sa guise, mais qui plutôt s'affiche maîtresse du jeu, politiquement plus habile que la vieille classe politique.

Si tels peuvent être les enjeux qu'entretiennent les personnes en des heures aussi graves que celles de ces échéances électorales déterminantes pour l'avenir politique de bon nombre, il n'y a pas lieu de réduire le champ de la discussion aux personnages, si grands ou si vilains soient-ils. Des choses vraies ont été évoquées par Nicéphore Soglo sur RFI, des vérités n'ont pas manqué non plus d'être dites et redites du c ô té du gouvernement, davantage pour faire la politesse au maire sortant. Après coup, on ne sait pas au fond ce que chacun y gagne, mais on s'aperçoit que le Bénin n'y gagne rien. Ces personnes qui s'insurgent les unes contre les autres aujourd'hui, ont eu par le passé bien des raisons de collaborer, de s'allier aux fins de leurs propres complicités ou, au contraire, de s'opposer mais pour le bien du Bénin. Désormais, c'est le charivari, tout se passe confusément, et nos leaders politiques en manquant de ton et de tenue donnent l'impression de s'y plaire dangereusement. Des gens disent tout, les identifiant à des opposants mais se refusent à l'opposition. Un système exécutif qui fonctionne comme un parti-Etat et qui veut trouver des excroissances dans chaque virage, en descendant dans les arènes partout pour les élections locales, comme l'an dernier pour les législatives.

Il y a comme une part de Sisyphe en nous au Bénin. Cela est patent. Car nous reprenons les mêmes erreurs chaque fois, et surtout à chaque élection. Cette part de Sisyphe si enjouée en nous Béninois concourt davantage à nos errances collectives ressorties des fragilités de nos hommes politiques. On se complaît à recommencer à chaque fois, avec les mêmes contradictions, et ensuite on se repand en complaintes. Sans autres motifs que les torts que nous nous faisons nous-mêmes au quotidien. Si l'opposition se perd dans ses errances et commet ses erreurs, cela nous coûte beaucoup moins que si l'Exécutif s'enfonce aujourd'hui dans d'autres erreurs pour se croire irréprochable.

Certaines voix qui recherchent le ton constructif s'élèvent et appellent à la proposition d'initiatives pour décrisper le climat social et politique. En réponse à cet appel, M. Stanislas Kpognon a proposé recemment, dans les pages du journal L'Autre Quotidien , la reconstruction de la confiance. Mais avant cette audacieuse reconstruction, il faut bien l'écoute, il vaut mieux l'écoute, en commençant par ceux qui accumulent le plus de pouvoir, et c'est bien l'Exécutif. Ecouter l'autre, c'est parvenir à écouter au-delà de l'autre le Bénin, ses souffrances actuelles, ses maux de toujours à toujours.

 

Luc M. Assogba


Tag(s) : #Politique Béninoise
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