décembre 15, 2008 - L’Evénement Précis
Le commissaire Marius Dadjo est un policier en retraite. Ancien attaché de Cabinet du Ministre Daniel Tawéma il donne son appréciation sur la gestion du système sécuritaire actuel. Pour lui, le braquage au marché Dantokpa et les déclarations des responsables à la sécurité de notre pays relèvent d’une notoire incompétence des hauts gradés. Il fait alors des propositions pour laver le pays de la honte actuelle.
L’Evénement Précis : En tant que haut gradé de la police et donc spécialiste de la question de sécurité, comment appréciez-vous le fonctionnement du système sécuritaire au Bénin ?
Commissaire Marius Dadjo : J’interviens pour aborder les sujets d’actualité et surtout les questions relatives aux différents braquages, les différentes responsabilités et des propositions pour mieux contrôler la situation. Pour répondre à votre question, je vous dirai que j’ai mal, j’ai vraiment mal dans mon cœur, dans mon corps et dans mon âme. Pour avoir servi dans cette administration pendant 30 ans et au regard de ce qui se passe dans ce domaine aujourd’hui, je me sens interpellé et parfois je n’arrive pas à dormir. Mais, j’ai espoir que les choses peuvent changer si les gens ne continuent pas de croire qu’on les critique rien que pour le plaisir de les critiquer et prennent les observations en compte pour mieux faire pour le bonheur de ce pays.
Pourquoi dites-vous que vous avez mal alors que votre relève est assurée ?
Mais vous avez été un policier de renom. Si on vous demandait de dire un peu ce qui justifie le dysfonctionnement du dispositif sécuritaire, que diriez-vous ?
Vous dites démissionner ?
Je sais que ce vocable n’est pas très bien partagé dans ce pays. Mais il y a des gens qui savent ce que s’est et l’ont fait parce qu’ils n’ont pas fait ce qu’il fallait. Une première fois, il y avait eu cette agression et ils étaient restés à leur poste, une deuxième fois ou même une troisième fois, il devraient se dire qu’ils ne sont pas capables au lieu de prétexter de la disproportionnalité des moyens utilisés. Dire que les malfrats sont plus armés qu’eux, je dis qu’ils ne font pas honte, mais ils font pitié puisqu’en réalité, là n’est pas le débat. Je pense qu’ils devraient tirer les conséquences, mais je comprends qu’ils ne veuillent pas le faire. Ils devraient démissionner parce qu’ils sont incapables.
Vous voulez dire que la Police béninoise dispose des moyens efficaces pour mettre en déroute ces délinquants ?
La Police béninoise a le minimum de moyens pour intervenir et mettre en déroute, pour débusquer et arrêter ces brigands et les mettre à la disposition du procureur de la République. Dans un passé lointain, il y a eu des événements de ce genre qui se sont produits, mais c’est avec le cœur et le peu de moyens que nous avons que nous avons travaillé. Aujourd’hui encore, il ne faut pas plus pour manifester la compétence de la Police ou de la gendarmerie nationale.
Pourquoi n’avez-vous pas couru pour sauver la patrie en danger alors que vous pouviez le faire ?
Si c’était un cas d’agression extérieure, je ne demanderais pas d’instructions pour intervenir. Mais sur ce cas spécifique de braquage, si vous ne savez pas faire, vous serez compté parmi les agresseurs. Il aurait fallu malgré mon rang, qu’on me sollicite et j’aurais envoyé les gens qu’il fallait, les forces qu’il fallait aux lieux qu’il fallait pour suivre leurs mouvements afin que la victoire soit effective. Si c’était la nation elle-même qui était attaquée par l’extérieur, je devrais, comme d’autres, me mettre à la disposition de la nation.
La Police béninoise dispose de hauts cadres tels Awagbè Béhanzin, les Basile Zomalèto et consorts. Et pourtant, vous dites que les gens ne sont pas à la place qu’il faut ?
Justement, ils sont au poste. Comme je l’ai dit sur Radio Planète, nous ne leur faisons aucun bien en les citant comme exemples. Il y a des policiers xénophobes de leurs collègues qui, parce qu’ils entendent ces noms sortir vont, monter des coups, faire des fiches et procéder comme ils savent le faire si bien, pour que l’autorité compétente ne les nomme jamais à la place qu’il faut. Or, moi, en tant que membre du corps, je sais que ce sont là les compétences que vous venez de citer. Il y en a que vous n’avez pas cité tels que Boyin Augustin. Ne supportant pas tout ce qui se passait, il s’est mis à la disposition de l’Onu. En réalité que les xénophobes de leurs collègues ne viennent pas pour leur créer des problèmes plus qu’ils en ont déjà et les empêcher d’être nommés à la place qu’il faut pour un commandement efficient de la Police ! Ils sont là effectivement, mais ils ne sont pas aux postes qu’il faut pour susciter les mesures et les éléments qu’il faut pour sécuriser les populations.
Si on vous demande en tant que policier même hors circuit qui observe l’évolution du système sécuritaire, de faire des propositions au Chef de l’Etat, que diriez-vous ?
Je dirais qu’il commence d’abord par faire très attention à tous ceux qui l’entourent et le conseillent en matière de sécurité. Jusque-là, ils ont montré leurs limites. De deux, qu’il se dise que tous les Béninois et toutes les Béninoises, quoi qu’ils soient, nous avons intérêt à ce que ce pays atteigne la prospérité. Par conséquent, il n’y a pas de révolutionnaires d’un côté et les contre-révolutionnaires de l’autre. Qu’il nomme ou qu’il fasse nommer ceux qu’il faut à la place qu’il faut. Ceci dit, ce n’est pas ce que l’on a sur les épaules qui compte. C’est la capacité de l’homme à concevoir une politique sécuritaire et qui a rencontré l’adhésion de la plus grande majorité et sa mise en exécution. On devrait aussi laisser les considérations régionalistes de côté et faire face aux réalités de la sécurité. Comme je le dis et je le souhaite, confier les responsabilités aux hommes qui puissent maîtriser les éléments qui les entourent. Il y a trop de poids lourds à la Police. Des gens qui ont le galon mais sont incapables de faire correctement leur travail si ce n’est pas pour mentir et faire des coups à leurs collègues.
Propos recueillis par Gérard Agognon