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Le coup de semonce d’Adrien Houngbédji

 

Jérôme Carlos

La chronique du 13 juillet 2009

 

Le gouvernement gouverne, l’opposition s’oppose. Ce n’est pas un jeu de mots. Ce n’est pas non plus de la caricature. Le jour où nous comprendrons mieux la démocratie de type libéral que nous acclimatons chez nous, nous saurons  que c’est ainsi que cela fonctionne.  Chacun à sa place et dans son rôle, dans le cadre d’une stricte division du travail.

 

Sous ce rapport, la conférence de presse du Président Adrien Houngbédji, le 10 juillet dernier, à Cotonou, aurait dû être de l’ordre d’un fait ordinaire. Pas de quoi fouetter un chat. Quoi de plus normal, dans une démocratie, qu’un opposant marque son opposition au pouvoir et trouve des mots et des formules forts pour ce faire ?

 

Ici, sous nos latitudes chaudes, rien ne semble encore être aux normes. Dans nos habits d’emprunt, nous sommes des démocrates qui s’essayent au jeu laborieux de la démocratie. C’est ce qui explique que la conférence de presse de Me Adrien Houngbédji a pris les couleurs d’un événement inédit. Quelles sont les données contextuelles qui ont contribué à donner un tel relief à la prestation d’Adrien Houngbédji ?

 

C’est, d’abord, un leader politique de premier plan qui sort d’un silence devenu assourdissant au fil du temps. Qu’il se commette à prendre la parole pour contrer, de manière frontale, le gouvernement et son chef, c’est bien là une posture nouvelle qu’il adopte. Et puis, ne l’oublions pas, Adrien Houngbédji fut le challenger de Boni Yayi au second tour de l’élection présidentielle de mars 2006. Tant qu’il se taisait, il  grillait tranquillement des arachides au profit de l’adversaire. Ne dit-on pas que qui ne dit rien consent ? Sa conférence de presse, de ce point de vue, est un signal fort. Elle indique un changement de cap dans la manière de s’opposer. Les pas de danse changent, alors qu’a changé le rythme du tam-tam.

 

C’est, ensuite, un opposant à statut spécial, dans un rôle précis, qui s’est produit. Adrien Houngbédji n’est ni esseulé ni isolé au sein de l’opposition. Celle-ci, depuis le 15 mars 2008, s’est structurée en alliance de partis. Des partis représentés à l’Assemblée nationale ; des partis qui comptent des élus dans les démembrements du pouvoir central ; des partis présents sur toute l’étendue du territoire nationale.

 

Dans un tel contexte, Adrien Houngbédji n’est plus une voix qui prêche pour sa seule chapelle, le Parti du Renouveau démocratique (PRD). Il se fait tout naturellement le porte-voix des autres leaders politiques alliés. Il est la voix de l’opposition. Adrien Houngbédji est ainsi mis sur scène et en scène comme un personnage, bien dans un rôle. Sa conférence de presse, de ce point de vue, est un test, un examen de passage. Il faut qu’il mérite d’être, aux côtés des autres leaders, « le primus inter pares », le premier parmi des égaux.

 

C’est, enfin, que la parole du porte-voix de l’opposition ne peut toucher efficacement le pouvoir qu’en ciblant les points les plus sensibles, à savoir là où ça fait le plus mal au pouvoir, à savoir là où cela résonne au plus profond des consciences de ses concitoyens : la gouvernance financière et politique, et pour faire bonne mesure, la personne du chef lui-même.

 

 Le scandale de la Cen-Sad, avec près de 6 milliards partis en fumée, arrive à point nommé. Comme si le gouvernement lui donnait des verges pour se faire fouetter. D’autant plus que, dans le même temps, il est demandé au bon peuple de se serrer la ceinture : augmentation du prix de l’essence à la pompe, du prix du m3 d’eau, du kilowatt/heure d’électricité. En attendant la facture de la rentrée scolaire qui se profile à l’horizon. Sans oublier le vent de régionalisme qui souffle sur le pays ainsi menacé d’une grave implosion. Adrien Houngbédji, après qu’il nous eut invité à suivre son regard, nous confie aux prescriptions de ce proverbe malinké : ne regardez point l’endroit où vous tombez, mais plutôt l’endroit où vous vous êtes cogné. Oui, au commencement était le chef.

 

Quels enseignements tirés de cette conférence de presse du président Adrien Houngbédji ?

 

1-     L’opposition ne s’est exprimée le mieux, jusqu’ici, qu’à l’hémicycle. Elle est désormais à la conquête d’autres espaces, pour de nouvelles modalités et formes d’action. Présageait une telle mutation, la marche des leaders de l’opposition au mois de mai dernier.

 

2-     L’opposition semble se donner un chef, en la personne d’Adrien Houngbédji. Il n’est plus exclu qu’il en devienne le porte-flambeau et pourquoi pas son atout maître pour les prochaines élections. Comme pour signifier que le  bal masqué est terminé. Boni Yayi doit donc savoir à quoi s’en tenir

 

3-     La campagne électorale, que nous trouvions précoce, va prendre un sérieux coup d’accélérateur. C’est une vraie foire d’empoigne qui s’ouvre à deux ans des élections présidentielles et législatives couplées. Ames sensibles et fragiles, s’abstenir ! Il ne tient qu’à nous que Dieu protège le Bénin.

 

Jérôme Carlos

La chronique du 13 juillet 2009


Tag(s) : #EDITORIAL
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