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BENIN: L’épine syndicale

 

4-08-2009

 


Les syndicalistes sont dans le viseur du Dr Boni Yayi. Le chef de l’Etat a exploité son entretien avec la presse le 1er Août pour des détails empreints de solennité sur le mouvement syndical. La cloche de révélations sonnée à petits coups est censée décanter les eaux troubles de l’actualité. Boni Yayi a peint le syndicalisme béninois à la palette de ses vœux avec un mélange de dénonciations et de pardon. On n’en est fort heureusement pas au bavardage des prosélytes mais à bien des égards, en secouant sur un mode épique le nid syndical, le président de la République a paru signer un règlement de comptes.

 

Les reproches faits aux syndicalistes et notamment la politisation ventilée interviennent dans un contexte qui ne crédibilise pas le discours du président. L’évocation du mal syndical aux lendemains d’une succession d’événements à charges trop mouvementées étale le drap de l’opportunisme. L’interdiction de marche suivie d’explications embrouillées où non autorisation et interdiction sont mises en parallèle, a déjà froissé les leaders syndicaux. Ensuite, la grève des travailleurs en réaction à la marche interdite et une descente massive dans la rue après une autorisation presque au forceps ont achevé de creuser le fossé entre le pouvoir et les partenaires sociaux. L’ambiance vicieuse héritée des querelles autour de la marche n’est pas propice à fertiliser le jeu de mots présidentiel et des observations qui fâchent. Les critiques couvrant le monde syndical dans cette atmosphère atroce perdent leur éclat malgré leur grain de pertinence. Le manque d’habileté a installé un puzzle dont le caractère insoluble s’édifie au rythme de la radicalisation des positions. Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il attendu cette situation de grève assortie de marche sur fond d’interdiction scandaleuse, pour relancer le débat sur la nature du syndicalisme ?

 

Le régime du changement a joué une mauvaise carte sur la table syndicale ce 1er Août, gonflant ainsi le risque de la flambée des passions pour la rue. L’expérience édicte que les casquettes politiques n’ont jamais constitué un handicap à la notoriété des leaders syndicaux. La pratique de la diabolisation de grandes figures du syndicalisme cimente, en temps de mouvements sociaux, la solidarité dans les luttes. Boni Yayi ne peut, sans préjudice, déclencher le bras de fer avec les syndicalistes, même ceux jugés politiques. L’obstination des thuriféraires du pouvoir à maculer les étoffes syndicales de déchets entraîne l’augmentation de la menace de la crise sociale.

 

L’immense mea culpa de Boni Yayi pour s’octroyer une marque de sincérité doit injecter une saine dose du dialogue social dans la République, sans ruse ni de malédiction subtile sur les acteurs sociaux. Confronté à une crise économique aigue doublée d’une tension politique au zénith, le pouvoir du changement est dans l’obligation de manifester son souci de paix sociale par des gestes de bonne volonté, des actions purgées de toute tendance à l’invective.

 

L’équipe Boni Yayi a un déficit à combler, celui de savoir prendre certaines résolutions en fonction des contextes et de ne pas perdre patience en période de tumulte syndical. Un pouvoir qui décide d’affronter la rue a choisi de se fragiliser. Le dialogue avec les syndicalistes politiques et apolitiques évitera à la République d’inutiles tensions. Boni Yayi peut jouer sa partition et on verra si les syndicalistes dégageant l’odeur de la politique vont se laisser écraser par les pesanteurs extra syndicales notamment la coloration politique. L’heure est à l’apaisement en attendant les grands déballages.

 

 


Sulpice O. Gbaguidi

Source: FRATERNITE

Tag(s) : #EDITORIAL
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