02/10/2009
Funérailles festives d’un scandale au Bénin
Par l'Abbé André S. Quenum
Il était une fois - et croyez-le, ce n’est pas un conte de fée - c’était les débuts de cette nation. En ces temps-là, nos anciens connaissaient aussi la corruption. Lorsque, gérants de comptoirs pour des propriétaires blancs, ils étaient convaincus d’«un manquant», comme on le disait, lors d’un inventaire, on chuchotait une indignation écœurée : «é du agban»! Quelle honte personnelle et familiale ! Quel scandale social !
Mais aujourd’hui, un ministre est indexé dans le scandale politico-financier de la Cen-Sad, il est «mis à l’écart», puis peu après, réhabilité. Alors, il orchestre, dans son Avrankou natal, une pompeuse «cérémonie de remerciement» à la gloire du président de la République. Dans ce dossier où la plupart des noms impliqués sont réhabilités professionnellement ou de toute autre manière, supposez effectivement que le ministre soit «lavé de tout soupçon», en l’absence même de la justice. Mais alors, pour qu’il soit aussi à l’aise, pour fêter à la barbe de toute la nation, où donc est la responsabilité morale de ce ministre-pasteur dans le tort de 70 milliards causé contre une nation affaiblie financièrement, sous sa garde ? Il ne faut pas oublier que le président qu’il remercie aujourd’hui s’est dit «responsable» mais non-coupable de ce tort.
On dirait des funérailles festives pour fermer la page d’un scandale emblématique. Il fallait écouter les discours à cette cérémonie de gloire pour ce qui ne l’est pas. A son tour de parler, le médiateur de la République utilise une métaphore qui en dit tristement long. «On demande à une mère lequel des enfants elle aime le plus. Réponse: le plus petit jusqu’à ce qu’il grandisse, le malade jusqu’à ce qu’il guérisse, l’absent jusqu’à ce qu’il revienne» ! Qui ici est mère ou père pour qui ? Qui infantilise-t-on ? Ce dernier épisode dans le dossier Cen-Sad est moralement plus grave que le tort des milliards. Et pourtant si nous ne prenons garde, le scandale sera ainsi enterré. Glorieusement.
Abbé André S. Quenum
Source: La Croix du Bénin