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«Sisyphes» et «messies» d’Afrique

 

Par l'Abbé André S. Quenum

09/10/2009

 

Il faut être aveugle pour ne pas voir que le phénomène Dadis Camara n’augure rien de bon pour le peuple frère de la Guinée et, partant, pour le continent, et que, à l’allure où vont les choses et avec la logique débilitante développée par l’«homme fort» de Conakry, Sékou Touré lui-même tournera dans sa tombe, sans parler de Lansana Conté. Décidément, pauvre Guinée ! dirait-on. Mais lorsqu’on place la tragédie de ce trublion de capitaine plus imprévisible que son armée qu’il taxe d’indisciplinée, dans le contexte des autres prises de pouvoir observées ces dernières années sur le continent, une constante inquiétante se dégage : les différents procédés de contrôle du pouvoir d’Etat ne garantissent pas, et parfois compromettent irrémédiablement, les condi-tions d’une gestion  rassurante. Car une chose est d’avoir le pouvoir, une autre de savoir ou de pouvoir le gérer. Et l’un des problèmes des nations africaines, c’est de ne pouvoir penser les deux ensembles. L’histoire des prises de pouvoir le prouve bien.

 

Pour les militaires, ce sont souvent les rebelles et un brin justiciers qui forcent l’admiration pour recevoir la confiance de leurs camarades d’armes au moment des coups de forces (le capitaine Kérékou de 1972, Sankara, ATT face à Traoré, et le maintenant-malfamé Dadis Camara). Du côté des civils, l’audace ou plutôt la témérité (Andry Rajoelina le DJ malgache), la longue opposition (Wade, Gbagbo, Tvanguerai, …), le discours nouveau et l’argent (Wade encore et Yayi), le circuit monarchique (Faure Yassingbé, Ali Bongo)… ouvrent le chemin de l’accession au pouvoir, sans assurer les conditions et l’intelligence d’une gestion méthodique et bénéfique pour le peuple. Car, à chaque coup, ce sont ces oiseaux dits «rares» ou «nouveaux», et non des projets de société, des doctrines politiques ou mouvements de pensée, ni des organisations politiques solides qui tristement viennent au pouvoir. Tant qu’il en sera ainsi, Barack Obama peut venir au pouvoir en Afrique, Sisyphe aura raison de lui aussi.


Si barrer la route à Dadis Camara est un urgent impératif du continent, il faut tout autant «convertir» les «messies» vendeurs de «sopi» à croire plus à la dynamique des peuples qu’aux baguettes magiques de fantômes pseudo-démocrates.

 

Abbé André S. Quenum
Source: La Croix du Bénin

 

 

Tag(s) : #EDITORIAL
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