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09-07-2010

 

BENIN: Lettre de Tchaourou

 

Écrit par Gilberte Awa Kassa

 

Monsieur le Président de la République,


Aujourd’hui, c’est une femme en colère qui s’adresse à vous. Ce n’est pas nouveau, allez-vous me rétorquer, et vous aurez raison. Mais cette fois-ci, je crois que je suis plus fâchée que toutes les autres fois.

 

 

 

Pourquoi ? J’ai toujours trouvé inacceptable la façon dont vous nous traitez, nous les femmes : vous nous faites beaucoup de sourires et de fleurs, mais c’est comme à des enfants à qui vous jetez des bonbons pour qu’ils soient toujours prêts à vous rendre de menus services. Du reste, tous les hommes font pareil. Mais vous, le Chef de l’Etat, vous devriez viser plus haut pour vos compatriotes femmes. Or que vous vois-je faire ?

Votre dernière ordonnance en date a donné toute la mesure de votre alignement sur le comportement réducteur des hommes à l’égard des femmes. Un mépris rampant mais si manifeste. Que certaines, voire beaucoup d’entre nous, soutiennent vos dites actions, ne constitue pas pour moi un problème. Ce que je condamne, c’est l’infantilisation politique de la femme pratiquée par vous. Je fais ici allusion aux bataillons de Béninoises sorties en masse comme des fourmis éphémères après une forte pluie pour vous célébrer et célébrer votre prise d’ordonnance pratiquement dès votre discours prononcé. C’est dégoûtant. Il n’y a pas eu spontanéité mais manipulation. Il n’est pas impossible que toutes ces femmes, dans les villes où elles ont marché, aient obtenu en quelques heures l’autorisation des maires et des préfets pour le faire. Si votre ‘‘Haute Autorité’’ l’ordonne, les mairies et surtout les préfectures se réveilleront en pleine nuit pour accorder lesdites autorisations. Et ce fut certainement le cas, les préfectures étant vos choses actionnées par votre très dévoué Ministre de l’Intérieur.

Mais comment expliquer le miracle des banderoles ? Or donc un miracle ne s’explique pas, et il nous faut seulement constater le fait que, dans la nuit de vendredi à samedi, surprises comme tout le monde par l’annonce plutôt tardive de l’ordonnance, vos admiratrices inspirées et surdouées ont créé nuitamment un admirable réseau qui a sur rassembler nuitamment tissus blancs, pots de peinture, spatules, artisans, etc., pour confectionner nuitamment les banderoles qui ont séché aux rayons de la lune souvent absente par temps de pluie. Ce fut un miracle, car votre Haute Autorité ne peut accomplir une telle merveille, même avec le concours assuré de son très dévoué Ministre de l’Intérieur. Seul Dieu le pourrait. Or Dieu ne se mêle pas de tricherie. Car ce fut tricherie et manipulation, voire achats de conscience. Combien chaque femme a-t-elle été

payée pour marcher le samedi matin et dimanche en portant les banderoles préfabriquées par vos officines prévenus de l’imminence de la prise d’ordonnance ?

Ce que je condamne, c’est que vous fassiez des femmes l’instrument majeur de votre propagande, au risque même d’étayer la thèse selon laquelle votre micro-crédit aux femmes les plus pauvres n’est qu’argument électoraliste, pure propagande au bout de laquelle les femmes se retrouveront avec leur pauvreté intacte. Ce que je condamne, c’est votre intention non déguisée de transformer les femmes du Bénin en vulgaires suffragettes, pauvres filles que vous jetez dans la rue en leur promettant deux ou trois billets de mille francs, ventres flasques et creux que, sous les tentes, vous faites gonfler à coups de sandwiches et de coca-cola éphémères. Parce que nous sommes pauvres et malheureuses, vous nous traitez en mendiantes errantes. Ce que je condamne, c’est que vous vous soyez entouré au gouvernement de quatre femmes qui ne nous représentent guère : trop insignifiantes ou trop artificielles pour faire avancer notre cause. Mais peut-être savent-elles faire avancer la vôtre en suscitant nuitamment les marches de soutien négociées à l’usage des femmes en grand besoin d’argent. Ce que je condamne, c’est que vous ayez réussi à éreinter les femmes-leaders. A force de les recevoir au Palais pour la seule monstrance, vous en avez fait des mannequins pour défilés de mode. Ce que je condamne, c’est votre mépris de la femme. Et savez-vous que nos sociétés ne s’en sortiront pas sans la femme respectée et honorée ? La femme mère des hommes.

Monsieur le Président de la République, je prie Dieu de vous garder en bonne santé pour votre famille.

Gilberte Awa Kassa



 

Tag(s) : #Politique Béninoise
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