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DEMISSIONS AU SEIN DES PARTIS POLITIQUES AU POUVOIR EN AFRIQUE

 

 

La culture salutaire des démissions


Publié le mardi 4 février 2014

L’on enregistre ces derniers temps des vagues de démissions au sein des partis politiques au pouvoir en Afrique au sud du Sahara. C’est le cas du Nigeria, du Niger, du Gabon et du Burkina Faso. L’Afrique, pourrait-on dire, est en train de vivre ce qu’on pourrait appeler le soleil des démissions, comme elle avait vécu « le Soleil des indépendances » pour reprendre l’expression du romancier ivoirien, Amadou Kourouma. Ces démissions, qui vont certainement reconfigurer le paysage politique de bien des pays, méritent quelques observations.


Cette fois-ci, la rébellion est née au sein des palais


D’abord, l’on peut y voir le signe d’un vent nouveau qui souffle sur l’Afrique. En effet, rares étaient les Africains qui pouvaient avoir la témérité de franchir le Rubicon en démissionnant d’un parti au pouvoir. Seuls les partis politiques de l’opposition enregistraient des démissions qui, d’ailleurs, étaient suscitées par les partis au pouvoir. Cela participait de la stratégie des pouvoirs de déstabiliser les partis de l’opposition susceptibles de leur faire ombrage. Cette fois-ci, la rébellion est née au sein des palais. Dans le passé, l’on préférait perdre son âme que de perdre son poste. Ainsi, de hauts fonctionnaires, des intellectuels et autres hauts cadres ont choisi de s’asseoir sur leur conscience pour se la couler douce. Cette posture du « mange et tais-toi » a pu faire pousser des embonpoints mais a fait beaucoup de mal à nos pays.


Elle a eu notamment pour conséquence d’étouffer l’esprit au profit du ventre. Toutes choses qui ont contribué à appauvrir la réflexion politique. Les quelques voix discordantes qu’on pouvait entendre ici et là étaient celles d’opposants qui, en réalité, ne pouvaient aucunement perturber la sieste des princes qui nous gouvernent.

De ce point de vue, les vagues de démissions au sein des partis politiques qui gèrent le pouvoir constituent véritablement une révolution. Avant de revenir sur les conséquences d’un tel phénomène, il serait intéressant de s’interroger d’abord sur leurs motivations.


La première motivation de ces démissions pourrait être liée au style de gouvernance de ces partis. En effet, dans la plupart des pays qui ont vécu     ce phénomène, le parti est en réalité « la chose » du président. C’est lui la seule personne qui compte, les autres sont d’illustres béni- oui-oui, qui n’osent pas, même dans leurs rêves, formuler la moindre critique en rapport avec les dérives liées à la gestion personnelle du parti. L’on est tenté de dire, à ce propos, que l’Afrique ne faisait que perpétuer une tradition héritée de l’immédiat post-indépendance, où les partis au pouvoir, quand ils n’étaient pas des partis uniques, étaient des partis Etats à la tête desquels trônaient des timoniers et autres pères de la nation, qui donnaient l’impression d’être sortis des flancs de Jupiter.


L’appel de la Baule a certes modifié la donne mais il n’a pas véritablement changé les choses. L’on a vite assisté à l’émergence de partis omnipotents construits autour d’individus et de familles qui en disposent comme ils l’entendent. Dans ces conditions, toute forme d’exercice du libre arbitre est proscrite. Les rares militants qui ont pu tenter d’insuffler un dynamisme à l’interne couraient le risque d’être accusés de renégats et de subir l’ire du père fondateur. Un tel fonctionnement digne du parti bolchévique soviétique a pu exaspérer certains militants qui ont décidé de s’assumer en claquant la porte.


Elles ont le mérite d’apporter un bonus à la démocratie


La deuxième motivation de ces démissions au sein des partis au pouvoir en Afrique peut être liée à la première. Elles apparaissent, en effet, comme le refus de certains militants être d’éternels garçons de course. Dans un parti digne de ce nom, l’alternance est un phénomène normal. Elle est naturellement suscitée par le choc des idées qui permet à des personnalités dont le rayonnement sur le parti est réel, d’en accaparer les manettes. Si nous prenons le cas du Burkina, il est difficile de comprendre que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui a deux décennies d’existence et d’exercice du pouvoir, n’ait pas été capable de dégager en son sein une personnalité autre que Blaise Compaoré pour défendre son projet de société à l’occasion de la présentielle de 2015. 
Doit-on dans ces conditions s’étonner que des camarades qui ont du mérite sortent du bois pour prétendre légitimement à un destin national ?


Cela dit, l’on pourrait aussi s’interroger sur les conséquences de ces défections. Le moins que l’on puisse en dire c’est qu’elles ont le mérite d’apporter un bonus à la démocratie. Elles permettent notamment de croire à l’alternance. Cette alternance rendue désormais possible par ces démissions au sein des partis politiques au pouvoir est de loin préférable à l’alternance suscitée par les crépitements des armes. C’est pourquoi tous les démocrates devraient se réjouir de voir enfin de véritables compétitions électorales âprement disputées.


Le temps des scores à la soviétique que l’on a toujours enregistrés dans certains pays, lors des scrutins électoraux, est en passe d’être révolu avec l’arrivée de ces démissionnaires qui ont opéré une véritable rupture avec leurs anciens camarades pour prendre fait et cause pour la vraie opposition. Toute autre option politique les aurait largement discrédités auprès des populations et surtout des jeunes qui sont devenus plus critiques face aux agissements des acteurs politiques grâce aux réseaux sociaux qui ont connu un développement fulgurant ces dernières années.

« Le Pays »

 

 



 
  
  
Tag(s) : #EDITORIAL
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