27/04/2015
Par Benoît ILLASSA
« Dans la vie, une série de petites victoires rend le courage nécessaire pour continuer une lutte ». Henri-Frédéric AMIEL
Dans un sursaut national, les béninois ont rejeté massivement Boni YAYI et ont opté résolument pour l’alternance politique au sommet de l’Etat en 2016. Car, ne l’oublions pas, l’enjeu principal de ces élections législatives était de rejeter une quelconque révision opportuniste de la Constitution du 11 décembre 1990.
En attendant la proclamation des grandes tendances et les résultats provisoires par la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) et la proclamation officielle de ces mêmes résultats par la Cour constitutionnelle, on peut déjà dire, selon les résultats sortis des bureaux de vote, que le grand perdant de ce scrutin est la F.C.B.E. (Force Cauris pour un Bénin Emergent), le parti de la majorité présidentielle. Si le Bénin avait opté pour un régime parlementaire, il est évident que le Chef de l’Etat serait obligé de nommer un Premier Ministre issu de l’opposition et il aurait été contraint à une cohabitation. Cependant, il appartient aux gagnants de cette élection de ne pas se disperser pour devenir vulnérables face aux assauts des sirènes de Boni YAYI.
LES GAGNANTS DES LEGISLATIVES DU 26 AVRIL 2015
Les résultats de ce scrutin législatif donnent la prime aux « frondeurs » et à tous ceux qui auront farouchement combattu YAYI et ses change-menteurs. C’est à cela qu’il faut attribuer la grande et très large victoire du PRD du Président Adrien HOUNGBEDJI à Porto-Novo et dans l’Ouémé. Ce parti n’aura donc pas souffert des transhumants achetés à prix d’or par Boni YAYI pour l’étrangler.
Le renforcement de l’U.N. (l’Union fait la Nation) par des personnalités qualifiées des plus farouches opposants au régime finissant ont boosté l’audience de ce regroupement politique. Il s’agit, notamment, de Candide AZANNAÏ (ancien ministre de YAYI) et de Me Joseph JOGBENOU qui raflent la mise à Cotonou, la capitale économique du Bénin.
L’Alliance Soleil de Sacca LAFIA et Issa SALIFOU, ex égéries des FCBE mais dont les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, dicte, modestement, sa loi dans la partie septentrionale du pays.
L’Alliance ABT aura, pour la première fois de son histoire, des députés au palais des gouverneurs de Porto-Novo.
Séfou FAGBOHOUN qui, en jouant tactiquement, réduit sensiblement l’audience des FCBE dans le Plateau.
Plus surprenant encore, le tout nouveau parti politique de l’actuel Président de l’Assemblée Nationale, Mathurin Coffi NAGO (le parti a moins de trois mois d’existence), dicte sa loi dans les départements du Mono-Couffo.
A l’analyse, tous les partis politiques et les personnalités qui se sont résolument désolidarisés de la gestion chaotique du pays par Boni YAYI tirent leurs épingles du jeu. C’est une excellente leçon pour l’ancien Premier ministre de YAYI, Pascal KOUPAKI, qui s’est emmuré dans un silence assourdissant et dont la dernière sortie médiatique est emprunte d’ambiguïté sournoise. C’est aussi une leçon pour la Renaissance du Bénin du Président Léhady Vinagnon SOGLO.
LES PERDANTS DU SCRUTIN DU 26 AVRIL 2015
Si les résultats sortis des urnes se confirmaient, La RB serait assurément l’un des plus grands perdants de ce scrutin, surtout à Cotonou, son bastion historique. Elle perdrait ainsi à cause de son ralliement à Boni YAYI à travers un petit ministère et surtout, son retard à prendre le large assez tôt pour éviter d’être comptable de la gestion chaotique du Bénin par les change-menteurs. Elle récolte aussi l’absence d’autorité sur le ministre Christian SOSSOUHOUNTO qui, de surcroît, YAYI a positionné à Cotonou sur la liste FCBE pour narguer la RB, son allié d’hier.
C’est une douche froide pour le parti présidentiel qui a commis une série d’erreurs en matière de stratégie politique. La première de ces erreurs fut la confection de la liste des candidats FCBE dans une confusion totale et dans une intrigue par une obscure officine sise au palais de la Marina. La seconde est une faute en matière de communication politique : n’avoir pour seul thème de campagne que la révision de la Constitution à laquelle les béninois sont allergiques, à juste titre. La troisième est de crier urbi et orbi que l’on veut cinquante députés pour terminer le mandat d’un président qui ne peut plus légalement se représenter pour briguer un troisième mandat. La quatrième erreur fut l’implication même du Chef de l’Etat dans la campagne à travers des diatribes malodorantes à l’endroit de ses adversaires politiques et les poses de « premières pierres » alors que les différents chantiers ouverts peinent à se terminer. Enfin, la dernière erreur fatale aura été de laisser de nombreux ménages sans eau ni électricité et, débloquer une somme astronomique à la veille du scrutin pour que les instances chargées de l’élection puissent avoir du courant électrique !!!
LES LECONS A TIRER DU SCRUTIN
Si l’on observe l’amorce de la recomposition de la classe politique béninoise avec ce dernier scrutin, force est de constater aussi le renforcement du caractère régionaliste des grands partis et alliances politiques. C’est ainsi que la RB reste solidement ancrée dans le Zou et dans l’Atlantique, le PRD dans l’Ouémé et dans l’Atlantique, l’AND dans le Littoral, le MADEP dans le Plateau, le PSD et le FDU dans le Mono-Couffo. Les Alliances Soleil et Caméléon se partagent le nord du pays avec la liste FCBE et l’Alliance ABT.
La transhumance étant le sport favori des députés béninois, il convient de rester très prudent sur la destination finale de chaque député. En effet, même si l’animal YAYI est blessé, il n’a pas encore dit son dernier mot. Il dispose du magot national pour attirer certains députés fragiles dans sa rivière, soit à coup de millions pour obtenir la majorité qu’il n’a pu obtenir dans les urnes, soit à coup de nominations ministérielles fantaisistes.
Il est à souhaiter que l’opposition béninoise soit unie pour dégager un seul candidat, voire deux au maximum, pour affronter le candidat de ce qui restera du résidu des FCBE aux élections présidentielles de mars 2016. C’est la seule solution possible pour une alternative crédible dans notre pays. L’orgueil de certains en prendra certes un coup mais, in fine, ce sont les électeurs qui décideront dans le secret de l’isoloir, comme ils viennent de le démontrer brillamment.
IB