vendredi, 29 mai 2015
Par Djamila Idrissou Souler dsouler@matinlibre.com
Le continent africain demeure son terreau d’inspiration privilégié. L’Afrique, un continent sous perfusion de la charité de l’occident parce que atteinte entre autres maux, de la gabegie et de l’inconscience de certains de ses dirigeants. Le Manager du jour n’est pas un politique mais un acteur culturel, un cinéaste qui depuis bientôt dix ans, signe des films « politiquement importants ». Le fil rouge de sa filmographie actuelle nous conduit à tous les coups, dans le dédale de la vie quotidienne des populations africaines. Il est intimement lié aux thèmes de la corruption et de l’immigration, essentiellement. Sylvestre Amoussou rêve d’une Afrique définitivement libre et autonome, menée par des dirigeants patriotes, courageux et réellement capables de tenir la dragée haute à l’occident.
En attendant, il se démène comme un beau diable dans ce que lui-même dénomme « la guerre des images ». Une guerre dont les protagonistes sont représentés ; d’un côté, par des cinéastes africains certainement inspirés et volontaires mais, disons les choses comme elles sont, des cinéastes africains évoluant pour la plupart dans un environnement peu aguerri et pas assez subventionné ; et de l’autre, les grandes industries cinématographiques européennes et américaines organisées et structurées depuis des décennies. Autant parler d’un combat entre David et Goliath ! Alors, réduisons plutôt le ring à celui plus raisonnable de l’Afrique. Que vaut le dynamisme du cinéma béninois face à ces adversaires ghanéen, nigérian, malien, burkinabé et ivoirien, têtes de ponts de l’industrie du film africain ? Grande interrogation. Disons pour faire court, que si on peut émettre de sérieuses réserves sur la qualité de certaines productions mises régulièrement à disposition du public, la plupart du temps sur support Dvd, on peut reconnaître également que certains animateurs du secteur, nous autorisent à espérer un avenir davantage prometteur.
Sylvestre Amoussou, le vendeur de rêves à n’en point douter, sera cité parmi ces quelques hirondelles du printemps du septième art béninois. L’acteur, réalisateur et producteur béninois vient de boucler un mois de tournage au pays. Son prochain long métrage, le troisième, L’orage africain, un continent sous influence est actuellement en cours de montage en France.
En attendant de voir le film sur grand écran ou support Dvd (puisque nous n’avons plus de salles de cinéma), je vous invite à découvrir à travers cet entretien, son réalisateur-scénariste-producteur et acteur, Sylvestre Amoussou. Un militant de la « cause africaine » qui fait des rapports Nord-Sud, un fond inépuisable de scénarios bien cocasses et n’hésite pas à « zoomer » là où ça fait mal.
Monsieur Amoussou, les différentes casquettes de réalisateur, producteur, acteur, scénariste, ne sont-elles pas trop lourdes à porter, surtout quand on connait les difficultés inhérentes à la production cinématographique en Afrique et en l’occurrence au Bénin ?
C’est vrai que c’est très difficile. Au départ ce n’était pas un choix. A la base un réalisateur a envie d’avoir un producteur qui finance, qui soutient et qui l’accompagne. Mais vous voyez que les sujets que j’aborde, ce ne sont pas les sujets que les occidentaux ont envie de voir. Parce qu’il y a plusieurs guichets en Europe. Il y a déjà beaucoup de fonds en Europe qui accompagnent le cinéma en Afrique. Mais il faut que ça soit des films sur le misérabilisme.
Et vous, vous n’êtes donc pas abonné à ces guichets?
Non, parce qu’après une trentaine d’années en Europe, j’ai vu les images qu’on véhicule sur le contient, ça ne me plait pas du tout. Donc, j’ai pris conscience très tôt. Même aux Etats Unis, avant qu’il y ait un président noir Américain dans les films on a déjà vu ça. Hollywood n’est jamais loin de Washington. Et en France dans le commerce mondial on a sorti la culture et on en a fait une exception culturelle. Il n’y a qu’en Afrique qu’on n’a pas pris conscience et on pense que les cinéastes sont des amuseurs publics alors que nous sommes là aussi pour éduquer, accompagner et éveiller les consciences. Mais heureusement, je rencontre quelques africains et quelques amis Européens qui ont conscience du problème et qui m’accompagnent sur mon projet.
Ainsi, après nous avoir vendu le rêve d’une Afrique eldorado de l’Europe dans « Africa paradise » en 2007, et dévoiler les dessous de la corruption et des détournements des aides internationales avec « Un pas en avant », vous nous revenez avec « L’orage Africain, un continent sous influence », tout un programme ….
Voilà tout un programme parce qu’il n’y a que les Africains qui ne prennent pas conscience que leur continent regorge de richesses. Tout le monde vient se servir en Afrique, on parle de l’eldorado et en même temps, on dit c’est le pays de tous les maux, de la misère, des pandémies.
Ce qui n’est pas totalement faux.
Non, on appauvrit l’africain, l’Afrique n’est pas pauvre. Il y a une nuance dans la dialectique. Si tous ces gens-là convergent vers le continent africain ça veut dire qu’il y a quelque chose.
Un trésor, bien caché pour nous africains peut-être mais pas pour les occidentaux en tout cas apparemment.
Seulement que moi j’ai vu ce trésor caché et j’ai envie d’éveiller les consciences. Parce que tout ceci ne peut se révéler sans travail. Donc l’orage africain c’est quoi ? C’est un chef d’Etat d’un pays africain imaginaire qui en a assez de voir son pays spolié par l’occident et décide de nationaliser les matières premières et les moyens de production qui vont avec. Il donne trois mois aux occidentaux pour quitter son pays.
Cela fait penser à un certain zimbabwéen
Non, je pense que tout Africain conscient devrait se réveiller et prendre conscience que nous pouvons développer notre continent par nous-mêmes, déjà par le commerce interafricain. Parce qu’on n’a pas besoin des autres pour s’en sortir. On nous fait croire qu’on a besoin d’eux, c’est faux on n’a besoin de personne. De toutes les façons vous voyez, l’Europe s’appauvrit de plus en plus. Aujourd’hui, la France que je connais très bien est un pays qui vit encore sur le reste de l’héritage colonial. Mais ça ne peut pas durer comme ça. Parce que nous qui nous vivons là-bas, on nous considère comme des brebis galeuses alors que nous sommes là, nous contribuons et on vient prendre les richesses de notre continent. Ces dernières années, Nicolas Sarkozy, a détruit l’Afrique et nous a insultés. Parce que je vote en France bien sûr puisque je contribue à l’économie de ce pays-là, donc on a choisi Hollande. Je me rends compte que c’est le président français aujourd’hui après de Gaulle, qui met des bases militaires un peu partout en Afrique. Et c’est inacceptable. On ne peut pas continuer à accepter ça. Et malheureusement, la majorité des chefs d’Etat africains vont se prostituer. Et le mot est fort mais je le dit et je le pense.
Ils se taisent ?
Ils se taisent et ils vont faire allégeance à la France. Alors que la France-même ne leur demande rien. Alors comment s’en sortir ? Donc je montre le processus de déstabilisation de ce système à travers ce film «L’orage africain ».
Par qui cette révolte sera-t-elle initiée ?
Vous voyez, chaque fois dans l’histoire de l’Afrique, qu’un chef d’Etat africain un peu conscient a eu envie de travailler pour son pays, soit il est assassiné ou mis en prison ou dernièrement il est mis à la Haye. Thomas Sankara, Lumumba, Kadhafi, Gbagbo etc. Donc, chaque fois qu’un président ne travaille pas pour l’occident, mais veut travailler pour son pays, on l’enlève et il y en a assez. Maintenant, il faut que les Africains eux-mêmes se rebellent, qu’ils prennent conscience que c’est à eux de choisir leurs dirigeants et celui qu’ils doivent choisir ne doit pas être asservi. Il ne doit pas être au service d’un autre qu’au service de son pays.
Et, vous en connaissez, vous en voyez sur le continent ?
Malheureusement aujourd’hui je n’en vois pas. Mais ce n’est pas parce qu’on en voit pas qu’il n’y en a pas.
Vous avez parlé de Hollywood qui est souvent visionnaire dans ses productions. On a vu des films avec des présidents noirs avant qu’ Obama ne vienne au pouvoir. Vous espérez que la réalité rejoindra la fiction de vos films dans quelques années ?
Ça viendra. J’ai tourné « Africa Paradise » en 2002-2003 et il est sorti en salle. Aujourd’hui regardez l’Angola et le Portugal. Les Portugais vont immigrer en Angola et ils renoncent à leur propre nationalité pour pouvoir prendre la nationalité angolaise. Regardez les Espagnols, ils vont au Maroc, les Français, ils viennent de plus en plus en Afrique noire, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, y compris le Bénin. Donc moi je suis convaincu que ça va arriver.
D’accord, mais vous qui avez prophétisé cette Afrique eldorado de l’Europe et de l’occident, je suppose que vous devez être mortifié par toutes images que nous avons vues en avril dernier, lors du naufrage de ces bateaux en Méditerranée ?
Ça c’est ce qui nous choque. Parce que les dirigeants Africains n’aiment pas leurs peuples ni leurs enfants. Attendez de voir un enfant blanc mourir en mer et vous verrez tout le tollé que ça va faire.
On se souvient encore de l’intervention de l’écrivain Fatou Diome…
Aujourd’hui pour les gens, c’est devenu quelque chose de normal. Tous les jours, il y a encore un bateau qui a chaviré, oh ces pauvres Africains !
Quelqu’un dit même que c’est un scénario qu’encouragerait l’occident pour décourager ces africains à venir chez eux et « envahir » leur pays ?
Que les Africains prennent conscience qu’il n’y a rien en Europe. Moi je vis là-bas depuis des années, il n’y a plus rien.
Mais à quoi les jeunes africains peuvent-ils encore s’accrocher comme motif d’espoir pour ne plus être attirés par l’occident ?
Développer ce continent. Travaillez ici. Je crois qu’il y avait un artiste qui avait prophétisé ça dans les années 60. C’est GG Vikey. Quand il chante que « le bonheur d’un Africain n’est pas dans le salon d’un Européen, quand je passe dans la rue en France on me dit regardez-moi ce négro il n’a même pas mangé chez lui. Un jour j’en avais assez et j’étais parti aux Etats Unis, là-bas les blancs Américains ont pris les armes et m’ont tiré dessus. Aujourd’hui je ne vais plus jamais me laisser faire. Je vais être armé ou soit nous allons tous mourir ou nous allons tous être en paix ». Et c’est déjà dans les années 60. Et quand vous vivez en Europe, vous prenez conscience de ce que ce grand monsieur a dit. Et aujourd’hui ça n’a pas changé. Je pense que notre génération est une génération perdue. Prenons conscience avec nos enfants à partir de l’âge de quatre ans. Inculquons-leur l’amour de la patrie, de l’Afrique. Un peu de nationalisme n’a jamais tué qui que ce soit. Il n’y a rien en occident, je le dis et je le redis. On fait croire que nous avons besoins d’eux. Nous n’avons besoin de personne. Déjà on fait le commerce intra Africain. Nous dépendons de nous-mêmes. Et au niveau de la santé, nous avons des plantes. Nous avons tout ce qu’il faut pour développer ce continent. Malheureusement la plupart des dirigeants Africains sont tous asservis. Ils courent pour leur poste et ils s’y accrochent puis ils s’en fichent du peuple. Le peuple est souverain, le peuple détient le pouvoir. Battez-vous pour ça.
Mais on sent le révolutionnaire là ?
On me sent révolutionnaire parce que je suis outré. Parce que quand vous vivez en Europe, vous prenez conscience. Il y a des gens qui vivent en Europe et qui ne sauront jamais ce qui se passe. Il y en a qui ont des enfants qui vont à l’école. C’est à l’école qu’on voit comment l’occident éduque leurs enfants, sur la suprématie du blanc. Comme je le dis dans le film à partir de maintenant les terres africaines ne peuvent plus être vendues à des étrangers. Parce que c’est tout ce que nous allons léguer à nos enfants. Prenez conscience parce que c’est très difficile.
Donc vous dites que ce film est un cri d’amour pour l’Afrique ?
Pour l’Afrique toute entière. Parce que déjà on fait tout possible pour nous diviser en disant : vous, vous êtes Béninois, vous Togolais, vous autres Zimbabwéens ainsi de suite. Non, nous sommes des africains. Avant que la colonisation n’arrive, nous étions tous un peuple unis. Même s’il y a des problèmes. Et, d’ailleurs, où est-ce qu’il n’y a pas de problème ? Un Béninois aujourd’hui, il a la famille au Togo au Ghana au Nigéria et au-delà jusqu’au Burkina. Et on nous dit de nous entretuer. Non ! Parlons aussi de la monnaie coloniale, le Cfa. On n’a jamais vu un pays au monde se développer sans sa propre monnaie…
Nous évoquons des sujets qu’on ne pourra malheureusement développer ici : monnaie unique, langue unique, avec cette grande diversité. Ce n’est pas une mince affaire….
Mais tous ces débats sont dans le film. C’est bien possible qu’on en arrive là. Nous apprenons l’anglais, l’espagnol, le français et même le Chinois aujourd’hui. Donc c’est possible. Pourquoi est-ce que l’Afrique ne déciderait pas de choisir une langue !
Vous vous vivez en France depuis bientôt trente ans et pourquoi refuser aux jeunes qui le désirent d’y aller?
Ecoutez si les jeunes veulent le faire ils n’ont qu’à y aller. Ils vont se rendre compte que c’est le cauchemar là-bas. Moi, je n’interdis rien à personne. Mais seulement, j’essaie de faire prendre conscience aux gens que le bonheur est ici. Une fois que vous avez tout ici, vous êtes un citoyen du monde, si vous voulez voyager, vous avez le droit d’aller en Europe et de revenir chez vous.
Revenons au film ‘’L’orage africain’’, parlez-nous de l’équipe de tournage. Vous avez fait venir les membres de l’équipe depuis la France ?
Il y a beaucoup qui sont venus de la France. Moi quand j’ai des compétences africaines et européennes si je dois choisir, je choisis d’abord l’Africain ensuite l’autre. Mes premiers assistants sont béninois, mon chef électro machino c’est un sénégalais. Au niveau des images, j’ai eu beaucoup plus de compétences européennes avec les cameras que j’ai utilisé. Aussi, je ne voudrais pas que l’on me fasse des reproches, par rapport aux propos que je tiens, techniquement ce n’est pas bien. Donc, c’est des gens qui sont formés dans leur école et qui sont des professionnels, c’est pour ça que je les ai pris.
Par rapport au budget, vous devrez être assez à l’aise pour faire ces choix-là ?
Vous savez quand on croit en quelque chose, on se bat par tous les moyens pour y arriver. Mes films ne sont pas financés par les Européens. C’est vrai qu’ils me convoquent à déposer mon dossier à leur guichet mais quand je dépose et qu’ils découvrent le contenu, ils disent monsieur Amoussou vous avez une drôle de vision du nord et du sud. Je pose des vraies questions de société, je suscite le débat.
Comment êtes-vous parvenu à assurer ce casting et ce tournage-là ?
C’est très difficile. Parce que ce qui se passe c’est que les Européens, et c’est de bonne guerre, ne peuvent pas financer une image positive de l’Afrique. Parce qu’ils ne veulent pas de l’Afrique qui gagne et qui leur enlève leur gagne-pain. Leur gagne–pain c’est le misérabilisme. Quand il y a le chaos dans un pays ils se font une place.
Qui vous a financé ?
Il y a des gens de bonnes volontés, des Africains et quelques amis Européens qui m’ont accompagné. Et surtout ce qui m’a un peu choqué ici au Bénin, il y a beaucoup d’hommes politiques qui ont promis. Je ne les nommerais pas. Mais je sais qu’en son temps quand ils se présenteront comme candidat à tel ou tel poste, je pense que j’éveillerais les consciences. Parce que ce n’est pas normal qu’on n’ait pas la conscience de la culture et qu’on raconte des boniments, de grand discours aux gens. Je ne vois pas comment ils peuvent diriger un pays. Et c’est très intéressant ce débat. Et on verra au moment venu. Donc je suis venu au Bénin, ces gens qui m’ont promis… parce que ce projet, je ne me suis pas levé du jour au lendemain pour débarquer à Cotonou parce qu’on programme tout. Avant qu’on n’annonce les législatives ici au Bénin, le projet était déjà lancé et les dates étaient déjà bloquées parce que les comédiens, les techniciens qu’on engage, ils sont sur plusieurs fronts et il faut bloquer les dates. Il faut tout analyser. Je me suis basé sur des promesses de certaines personnes et je suis arrivé ici et ces gens-là, je ne les vois pas. Ils ont disparu. Quand on leur téléphone, ils disent souvent, je vous rappelle. Si un homme politique vous dit au Bénin ici, je vous rappelle, c’est qu’il ment. C’est triste à dire mais c’est comme ça. Mais ces gens-là ne peuvent pas diriger ce pays. Ce pays nous appartient à nous tous et normalement nous devons tout faire pour que les générations futures s’en sortent. Moi, je ne suis pas un homme politique. Je ne veux même pas faire la politique. Je suis un agitateur d’idées. Je suis un artiste. Je crée. La politique ne m’intéresse pas. Je fais la politique au cinéma. Aider les gens à se ressaisir. Redonner confiance aux gens. Et ça, c’est primordial. Je suis revenu ici et je me suis retrouvé dans des situations incroyables. Mais il y a quelques petites gens qui ont vu le film Africa Paradis, Un pas en avant et qui m’ont dit, monsieur Amoussou, on peut vous accompagner. On n’a pas beaucoup mais on vous accompagne. Il y a quelques décideurs, des entrepreneurs comme messieurs Jean Baptiste Satchivi, Sébastien Adjavon, Thiburce Montcho et d’autres qui m’ont accompagné et qui on dit que ce que je fais est important. Et je pense même que les petites gens dans les quartiers, j’ai vu des gens qui m’ont dit on ne peut pas faire beaucoup mais on vous donne 50.000 francs CFA et ça m’a tellement touché, ça m’a tellement ému que j’ai dit que ces gens-là ont compris comment il faut construire l’Afrique. J’ai même des dettes sur le film, c’est la partie post production qui coute extrêmement chère mais je peux vous garantir que ce film fera énormément de bruits parce que le scénario, j’ai mis 10 ans à le construire. J’ai observé la vie politique en Europe, en Afrique, j’ai fait plusieurs voyages des deux côtés de la rive pour pourvoir écrire ce scénario parce que même sur le tournage, les techniciens qui connaissaient le scénario ont été surpris par la tournure qu’a pris le film.
Question sur la participation de Zeynab
Malheureusement le cinéma et la chanson sont deux mondes …….donc ce n’est pas le même job et finalement malheureusement, on n’a pas pu travailler ensemble et j’ai changé pour prendre une actrice qui s’appelle Delphine Aboh, qui est une actrice de cinéma, qui a été extraordinaire dans le film, ainsi que l’artiste Cendra Ajaho, qui a déjà joué dans mon précédent film et j’ai engagé beaucoup d’acteurs au Bénin. Dans ce film j’ai fait venir Eric Ebouanney qui a joué Lumumba et qui a déjà joué dans Africa Paradise et il y a eu des acteurs comme Philippe Carot, Cendrine Bulto qui sont venus de France pour participer.
A quand la sortie de ce film en France ?
Pour l’instant nous venons de terminer, comme je viens de le dire, il y a la partie financement pour post-production, là c’est une autre bataille, donc je reste au pays pendant encore quelques jours. Je vais essayer de voir leur engagement citoyen pour la culture et pour le développement de l’Afrique. Je verrai et ceux qui le souhaitent peuvent toujours me contacter pour pouvoir faire quelque chose pour ce film et je serai fier que ce film vienne du Bénin pour pouvoir se répandre dans le monde et sur l’Afrique.
En espérant qu’à sa sortie, on puisse faire une avant-première au Bénin, soutenue par l’Etat ?
De toute façon je le souhaite bien, ce film viendra au Bénin d’une manière ou d’une autre.
Le pays va l’acheter ?
De toute façon, d’une manière ou d’une autre, le film viendra au Bénin. J’ai vu que les salles sont en train d’être réfectionnées, notamment les cinémas Le Bénin et Concorde et j’espère qu’à l’intérieur du Bénin aussi. Le film va revenir et les gens doivent prendre conscience que le cinéma génère beaucoup d’emplois, en amont, c’est-à-dire que quand on va dans une salle, il y a le caissier, il y a les vendeuses de nourriture à côté, il y a les garde-vélo, les garde-voiture, et tout cela génère une économie parallèle. Et c’est important que nos enfants voient un Africain ou un Béninois, qui joue le rôle d’un médecin, d’un avocat, d’un chercheur, et cela leur permettra de nourrir les mêmes ambitions. Alors que les films qui sont tournés en Europe, si tu n’es pas dealer, polygame, marabout… C’est difficile d’y projeter les enfants.
C’est pour cela que vous n’êtes plus acteur ? Parce qu’on vous cantonne dans les rôles d’immigrés ?
Mais j’ai refusé depuis longtemps de travailler dans des films si, on ne propose pas des rôles intéressants. Dernièrement j’ai joué un rôle dans un film de United passion et j’ai joué le rôle de Président de la Confédération africaine de football, j’ai joué dans une série qui s’appelle Platane qui passe sur Canal plus avec Eric Judor et je jouais le rôle d’un producteur de cinéma. Mais marabout, sorcier, polygame assassin…non je ne veux plus (rires).
Et les femmes Monsieur Amoussou, vous les aimez comment : voilées, sexy, soumises, indépendantes… ?
J’ai quatre enfants : deux filles, deux garçons et je dis à mes enfants, je le dis sincèrement, je préfère que mes enfants soient indépendants. Mes filles aussi bien que les garçons. Et mes filles ne dépendront jamais d’un homme économiquement. Il y a l’amour mais l’amour ne veut pas dire la soumission. Moi je respecte ma femme jusqu’à présent et j’espère que jamais je ne porterai ma main sur elle ; ça fait vingt ans que nous sommes ensemble. Je dis toujours aux hommes, quelqu’un qui prend ma fille et qui lui met une claque, il peut s’attendre à la réponse immédiatement. Je viendrai. J’estime que l’homme et la femme sont des partenaires. Et puis dans le foyer s’il n’y a pas de stabilité vous ne pouvez rien. Même le Président de la République, il peut faire son malin mais si à la maison ça ne va pas, il ne peut pas diriger.
Un mot sur l’actualité du pays, cette tension entre nos hommes politiques et le chef d’Etat…
C’est dommage ! C’est triste ce qui se passe dans notre pays. Le Bénin c’est notre pays à nous tous. Mais je pense que les hommes politiques doivent donner l’exemple. Quand vous décidez d’être un homme politique de premier plan vous devez avoir le dos large pour tout supporter et ne pas répondre à tout va. Mais, il faut aussi respecter la fonction parce que nous avons élu un président pour cinq ans renouvelable une fois et puis c’est terminé. Le président de la République est le premier magistrat du pays à qui on doit du respect mais pour ça, il ne faut pas que le président même dévie de ses prérogatives ; il faut que le président respecte le peuple et qu’il ne réponde pas non plus à toutes les invectives. Le président doit prendre conscience que tous les courtisans qui sont derrière lui, le jour qu’il va finir son mandat, ils le laisseront tout seul. Au Bénin, c’est la politique «girouette ». Dès que tu es là, tout le monde te passe la pommade. Moi, je viens de jouer le rôle de président de la république dans mon film. J’ai senti la solitude de l’homme qu’est le président. J’ai senti les courtisans. Même en tant que personnage j’ai senti la pesanteur de la fonction. Quelque part, je comprends mais le Président doit se méfier de tous ses courtisans qui lui racontent des balivernes parce que le jour où il y aura un problème il sera seul à être jugé devant le peuple. Les autres ne sont pas élus. C’est lui l’élu du peuple. Donc, il faut beaucoup de sagesse et de recul face aux évènements. Ce n’est pas bien qu’un président africain se retrouve dans des problèmes et quitte son pays ou fuit son pays. C’est la honte pour tous les africains. Donc que la balle revienne à terre et que chacun comprenne que le président Yayi Boni est au pouvoir et qu’il ne lui reste que huit ou neuf mois. Accompagnons-le pour qu’il termine dans de bonnes conditions son mandat. Quand vous êtes face à votre miroir tout seul dans votre maison posez-vous la question : qu’ai-je fait pour ce pays ? Ne demandez pas ce que le pays a fait pour vous. Au Bénin, nous n’avons pas de bibliothèques, pas de cinémathèques, notamment. Le peuple a besoin que le président continue de travailler pleinement dans la sérénité. Un mot aussi pour les opposants. C’est trop facile de s’opposer. Quel est votre projet pour le pays ?
La critique est aisée mais l’art est difficile, on le sait. Un mot pour conclure notre entretien Monsieur Amoussou
Je tiens à dire au peuple béninois : croyez à vos rêves battez-vous ! Ne laissez personne vous dire que ce n’est pas possible et quand on croit et qu’on travaille on réussit toujours mais au bout de la réussite beaucoup de travail de sacrifice.
P.S. Tous ceux qui veulent aider à la finalisation de ce long métrage peuvent adresser leurs soutiens matériels à Sylvestre AMOUSSOU :
Minio Bio et Filmographie
Sylvestre AMOUSSOU, né le 31 décembre 1964 au Bénin, vit en France depuis plus d’une vingtaine d’années. Il décide de se tourner vers le métier de réalisateur après avoir été comédien. En effet, le manque de rôles intéressants proposés aux noirs en France et la très forte envie d’exprimer certaines de ses idées ne lui laisse pas d’autres choix que d’aller derrière la caméra. Son parcours a été celui d’un comédien de théâtre, de cinéma et de télévision. On l’a vu à l’écran notamment dans Black Mic Mac 2, Elisa, Fantôme avec chauffeur et Paris selon Moussa. Après plusieurs courts-métrages, il décide de réaliser son premier long-métrage.
1997 : Les Scorpionnes (Court-métrage)
1999 : Achille (série télévisée)
2007 : Africa Paradis (long-métrage, Acteur et réalisateur)
2011 : Un pas en Avant (long-métrage, Acteur et réalisateur)
2015 : L’orage africain, un continent sous influence (long métrage, Acteur et réalisateur)
Source : http://matinlibre.com/index.php/culture/item/2776-sylvestre-amoussou-le-marchand-de-reves