juin 9, 2015
La quête de l’argent pousse de nombreuses personnes assoiffées à se lancer dans des aventures souvent destructrices. Une pratique qui conduit certaines personnes à «se salir les mains de sang», à travers des crimes rituels. La pauvreté doit-elle nous pousser à éliminer notre semblable? Si certains ne se gênent pas de le faire, d’autres, par contre, malgré leurs conditions de vie précaires, ont eu le courage de refuser de tuer à un moment donné de leur parcours pour s’enrichir. Témoignages.
Toute personne aspire au bonheur, au mieux-être et à la félicité. Aussi, chacun le sait bien que l’une des voies conduisant à la satisfaction des besoins matériels des humains, est l’argent. L’argent est le nerf de la guerre dit-on! Devenir riche devient le rêve du commun des mortels. Et chacun choisit les moyens pour y parvenir selon ses convictions, sa société et ses croyances. Si certaines travaillent «honnêtement» comme le préconisent les livres saints, «tu mangeras à la sueur de ton front» pour y parvenir, d’autres, par contre, préfèrent passer par des «raccourcis», en s’adonnant à des crimes rituels. Mais, d’autres aussi, par la crainte de Dieu ou par la grandeur de leur âme, ont rejeté à un moment donné de leur vie les services d’un «expert» leur proposant de «sacrifier» un proche pour devenir riche. On pourrait être tenté de dire qu’ils ont eu la bravoure de refuser de se «salir les mains de sang». C’est le cas de M. X, un menuisier d’une quarantaine d’années, qui a accepté se confier à nous dans l’anonymat.
En effet, malgré sa situation sociale «pas très enviable», M. X a eu la détermination de refuser de sacrifier un de ses parents, quand il a été approché par un de ses amis. Selon ses confidences, tout a commencé quand il a été informé par un compère d’un endroit à 30 kilomètres de Manga où la vie peut changer positivement après avoir sacrifié un chien et une poule noir sur un fétiche.
«J’ai demandé à mon ami ce qu’il faut faire exactement, et s’il n’y aurait pas de conséquences après. Ce dernier, qui était au courant de tout, a fait semblant de ne rien savoir et m’a dit qu’il n’y aurait rien», a-t-il raconté. Il a ajouté que la cérémonie se tenait chaque vendredi à minuit.
Alors que l’autre face de la médaille de cette cérémonie rituelle que notre candidat ignorait, est qu’il devait aussi offrir un membre de sa famille une fois sur les lieux.
Comme indiqué, il se rend sur les lieux un vendredi à 22 heures avec le chien et la poule noir. Il veut devenir riche! C’est un dispositif aussi impressionnant qu’effrayant que le maître des lieux va faire visiter à l’impétrant de la vie facile. «Il y avait deux cases qui étaient à 100 mètres d’écart l’une de l’autre. Arrivé devant la première case il (le vieux) m’a dit de taper avec ma main gauche sur le sol et de dire en mooré, «bonsoir» trois fois. Quand je l’ai fait, la case s’est soulevé toute seule à au moins 1 mètre de hauteur. J’ai vu des plumes, du sang, et d’autres choses», a raconté M. X.
Pris de peur, il a voulu jeter l’éponge, mais vite, il en a été dissuadé par le «vieux sorcier» qui lui a fait comprendre qu’il ne peut plus reculer. «Il m’a expliqué que c’est dans cette première case que je dois tuer la poule. Mais avant cela, je dois aller attacher le chien qui se transforme, soit en mon père, ma mère, celui qui m’aime le plus et je suis obligé de le tabasser. La personne qui va apparaitre va me poser la question trois fois si c’est un homme et quatre fois si c’est une femme: Untel (mon nom), c’est toi qui veux me tuer pour avoir l’argent? Je vais répondre oui, et je le tape seulement, mais il ne se défend pas jusqu’à ce qu’il meurt. Après cela, il redevient encore un chien», explique-t-il.
Suite à cela, M. X poursuit: «C’est dans le chien que le féticheur va enlever quelque chose, et tu ne vas pas revenir trouver la personne vivante. Après cela, si on enterre la personne, tu dois tout faire pour enlever la terre de sa tombe que tu mélanges avec le chien et suite à des sacrifices, tu vas devenir très riche, même si ce sont des cailloux que tu vends», a-t-il rassuré.
Après les explications du féticheur, M. X a dit ne pas avoir accepté de commettre un crime déguisé. «Ce jour-là, assure-t-il, j’ai catégoriquement refusé. J’ai tout laissé, mon chien et ma poule et je suis parti».
Comme ce dernier, de nombreuses personnes ont tenté l’opération et ont abandonné quand vient le moment de sacrifier un proche. C’est le cas de M. Y que nous avons rencontré à Ouagadougou, qui a été mis au parfum des choses par son ami venu de Bobo, d’un «bon coin» au Bénin où ils peuvent avoir de l’argent avec trois pintades blanches. «Arrivés sur les lieux, il y avait une grotte et plusieurs personnes venues pour la même cause. On ne rentre pas dans la grotte habillé, tout le monde est complètement nu. Il y avait trois vieux plus un interprète et une grosse jarre remplie d’eau et deux machettes. On tue d’abord une pintade, on verse son sang dans l’eau et on te dit de venir voir. Si tu regardes, on te demande si c’est elle, tu dis non si ce n’est pas la personne que tu veux tuer. Arrivé à mon tour, j’ai donné les pintades à un vieux. Il a tué la première et m’a demandé de venir voir. C’était ma mère qui s’est présentée et j’ai dit non. Deuxièmement, troisièmement, c’était toujours elle et j’ai refusé», nous raconte-il. Ce que ce candidat ignorait, c’est qu’en la matière, une fois l’opération débutée, elle doit se terminer sous peine d’être soit même sacrifié. «L’interprète m’a dit que si je refuse, je dois envoyer un bœuf de couleur rouge d’ici 9 jours, au-delà de ça, je vais mourir. J’ai souffert pour avoir le bœuf, mais je l’ai eu et après j’ai détalé».
Les exemples sont nombreux et se ressemblent dans ce domaine. Un autre monsieur qui a désiré garder l’anonymat s’est confié à nous en disant qu’il a eu vent d’un endroit dans un village proche de Ouahigouya «où on peut se faire du fric avec un bouc et une poule». Mais ce dernier, à la différence des autres, s’est bien renseigné et ayant été informé des conditions, a également refusé. «On part avec un habit de rechange qui ne doit pas être de couleur rouge. Après le sacrifice du bouc et de la poule, tu te laves avec de l’eau sale qui se trouve dans une calebasse. Tu laisses tes habits là-bas et tu portes les habits de rechange que tu as apportés. Ils vont prendre vos habits qu’ils vont distribuer aux mendiants à quelques kilomètres. Celui qui va porter ton habit, neuf ans après, même s’il ne l’a porté qu’une seule fois, il devient fou ou idiot. S’il devient un vrai fou qui casse tout sur son chemin, ton argent pleut. S’il est moyennement fou, tu auras l’argent, mais pas beaucoup», a-t-il dévoilé.
La quête de l’argent doit-elle nous pousser à tuer quelqu’un? Peut-on vivre normalement en sachant que c’est sur du sang qu’on a construit son empire? Ce sont autant d’interrogations qu’on doit se poser avant de se lancer dans de telles aventures qui, tôt ou tard, nous rattraperont. «Si vous remarquez, les gens meurent souvent d’une manière mystérieuse. C’est dû à la quête insensée de l’argent», a conclu M. X.
Madina Belemviré
Source : http://lesechosdufaso.net/