Le rapport secret sur l’influence française en Afrique
janvier 15th, 2008 | by Nino | 142 Clic(s) Conseillère afrique de plusieurs ministres des affaires étrangères et de la coopération de 1995 à 2007, Nathalie Delapalme, aujourd’hui inspectrice générale des finances, a été chargée du pilotage de “l’action extérieure de l’Etat” et de “l’aide au développement” dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).
Les deux volets de ce rapport devaient être présentés, le 18 décembre, aux ministres concernés en présence du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, très actif sur les dossiers diplomatiques, en particuliers africains. En son absence, cette séance déterminante a été reportée. Ce délai permettra sans doute à la commission du livre blanc, coprésidée par Alain Juppé, et à la toute récente mission de Thierry Le Roy sur la rénovation de la politique africaine d’apporter leurs propres réflexions.
Planté sur des caisses vides, le drapeau français vacille. Le rapport de la RGPP dresse d’abord un bilan sans complaisance de toutes “les insuffisances” de la présence française en afrique : budget de l’aide gonflé par les annulations de dettes (”En dix ans, l’aide bilatérale française a diminué de moitié et est équivalente à celle du Danemark”), saupoudrage des moyens (90 pays se partagent moins de 10% de l’enveloppe bilatérale), influence politique limitée à Bruxelles alors que Paris finance près de 25% du FED, engagements financiers énormes dans la gestion des crises (850 millions € pour l’opération Licorne) et plus un sou pour la phase de reconstruction…
Pendant ce temps, la Chine devient la grande puissance du continent, s’intéresse à tous les gisements pétroliers et uranifères de l’hinterland boudés par les majors occidentales, réanime - en rivalité avec les Indiens (Mittal et Tata Steel) - tous les gisements de fer. Tandis que les Etats-Unis “réinvestissent” en afrique pour sécuriser leurs approvisionnements énergétiques (25% en 2025) et contrer la menace terroriste dans la bande sahélienne. (En matière de santé, la fondation Bill Gates dépense chaque année plus que l’OMS). Les fonds arabes du Golfe ne sont pas en reste. Et le colonel Kadhafi a, lui-même, mis 7 milliards $ sur le tapis vert de l’afrique noire.
Souffler dans la trompette, là où l’on peut être entendu. Avec ses petits sous, Paris va concentrer ses moyens sur le plan géographique dans quatre cercles de pays :
- 12 pays pour des actions bilatérales de lutte contre la pauvreté (Bénin, Burkina Faso, Guinée, Mali, Niger, Rwanda, Sénégal, etc.)
- 15 pays à revenu intermédiaire (afrique du Sud, Angola, Congo-B, Gabon, Kenya, nigeria, etc.) ;
- 18 pays à financements uniquement multilatéraux (Ethiopie, Ghana, Mozambique, Tanzanie, etc.) ;
- 10 pays en sortie de crise (Burundi, RDC, Côte d’Ivoire, Soudan, RCA, etc.) qui bénéficieront d’un nouveau “fonds spécial” de l’Agence française de développement. Au niveau sectoriel, la concentration sera drastique sur la santé (filières de médicaments et assurance-maladie), l’eau, les PME, le développement agricole et rural…
Les engagements multilatéraux seront sévèrement abrasés pour toutes les contributions de moins de 2 millions €, soit 33 organisations au pain sec en 2008, pour un montant global de 17 millions €.
Piloter le lourd appareil à la godille, là où l’on sent le tirant d’eau. “La tutelle ne se décrète pas, elle s’exerce” est la formule fétiche de ce rapport. On ne connaît pas encore le “pilote” du nouveau supersonique de la France en afrique. Pour l’instant, le pilotage stratégique sera exercé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).
La gouvernance politique de l’AFD sera renforcée et la “filialisation de son activité bancaire” expertisée. L’AFD héritera de la réserve des pays émergents. Les transferts de compétences sectorielles (développement économique et social, gouvernance financière) de la DGCID (Direction générale de la coopération internationale et du développement) à l’AFD seront achevés. Et un Conseil stratégique, réuni par le premier ministre ou le ministre des affaires étrangères, remplacera le défunt Haut Conseil de la coopération internationale (HCCI).
La Lettre du Continent n 532 du 10/01/2008