Bénin: Dans l’arène des Miss

CHRONIQUE DU JOUR

Bénin: Dans l’arène des Miss

27 mars 2009 - FRATERNITE

par Sulpice O. Gbaguidi

Le Bénin vit à l’heure de l’explosion des concours de beauté. Les organisateurs rivalisent d’imagination et l’élection Miss se fait au gré des envies et des nécessités. Le répertoire des catégories de Miss est bourré d’initiatives bouffonnes portant la marque de l’arnaque et la lésion des repères moraux. Miss Lolo remue les femmes aux poitrines immenses, Miss Nana Benz prime la rondeur y compris celle des fesses. La nouvelle trouvaille Miss vierge rêve de protéger l’hymen et de faire la promotion des pucelles. Dans ce monde de massacre sexuel des adolescentes, le rituel de Miss vierge est destiné à garantir la sécurité de l’hymen. Mais le contrôle de virginité est inapte à l’identification des filles réellement innocentes car des interventions chirurgicales permettent aujourd’hui de reconstituer l’hymen défloré. On peut redevenir vierge quand on veut. La pseudo Miss vierge pourrait sourire après avoir floué le comité de vérification de la virginité. Le sermon partisan du supplétif commercial des marchands de miss soutient la pagaille.

Le commerce de Miss est florissant. Miss Campus et Miss Collège agitent le milieu scolaire et estudiantin. La découverte de Miss Bts augmente l’agitation des étudiantes et vicie la course pour la beauté. Cette propension démentielle pour les affaires de Miss risque de toucher d’autres secteurs. Coiffeuses, couturières, tisserandes.....revendiqueront leurs reines de beauté. L’élection de Miss Dantokpa ne sera pas une surprise. Politiquement, une possible concurrence serait alors semée entre une éventuelle miss G et F et la plus belle femme cauri.

On a des raisons de s’interroger sur l’impact positif de cette affaire de Miss dans le développement du pays. A quoi servent-elles, ces femmes emballées dans écharpes et couronnes au nom d’une beauté ? En quoi l’élection Miss valorise-t-elle la femme béninoise ? A la question d’un journaliste qui lui demande si elle est déçue de son mandat, Miss Bénin 2008 répond : " Non pas du tout. L’expérience me plaît bien. Elle m’a permis d’enrichir mon carnet d’adresses, de rencontrer et d’échanger avec de nombreuses personnes d’horizons divers ". Sans commentaire.

Les critères d’élection de Miss font toujours débat. Le Bénin couronne parfois des femmes mal coiffées et mal fringuées. Certaines viragos exploitent leur taille et leur sveltesse pour fausser le jeu. Et pourtant, la République est peuplée de beautés qui ne demande qu’à être primées. D’ailleurs, " la beauté est dans le regard et non dans la chose regardée " pour reprendre la formule de Jules Lagneau. Elire la femme la plus belle est une prétention fragilisée par une naturelle subjectivité. La polémique continue sur l’élection de miss France 2008, la désignation de Chloé Morteau est jugée tronquée.

Mais chez nous, la flopée des reines de beauté manque cruellement d’intérêt. Certes, chaque concession pourrait bientôt organiser son élection miss. Seule constante : l’entreprise est toujours improductive. De la poudre jetée aux yeux, une perte de temps et une dévalorisation de notre culture. L’élection miss est galvaudée. Pis encore, nos miss ne sont pas exportables. Les sorties sous régionales sont infécondes. Sur le plan mondial, le Bénin est inexistant malgré la foire de miss animée sans normes. La Vénézuélienne Dayana Mendoza est miss Univers 2008 et la Russe Ksenya Sukhinova sacrée miss monde 2008. Aucune béninoise ne figure parmi les cent (100) plus belles femmes du monde publiées par le magazine britannique FHM.

Faut-il continuer à organiser les spectacles de beauté pour distraire l’opinion ? La faillite morale et culturelle de l’élection miss au Bénin recommande une nouvelle politique de valorisation de la beauté, loin de l’amateurisme et du mercantilisme obsessionnel.

Sulpice O. Gbaguidi