27-05-2009 - FRATERNITE
Sulpice O. Gbaguidi
Quinze députés ont interpellé le chef de l’Etat suite à l’intervention du ministre Nicaise Fagnon à Dassa Zounmè. C’est la première fois, sous le changement, que le président de la République est dans le viseur de l’opposition G et F après des déclarations jugées graves d’un des membres du gouvernement. Mais l’interpellation du magistrat du pays ne relève pas de l’inédit. Ce vent parlementaire avait déjà soufflé sur Nicéphore Soglo.
L’écho de la sortie vibrante de Fagnon dans les collines et les dérives verbales ont fouetté cette opposition alors trop généreuse dans l’indolence. En lançant la fatwa contre les anti-cauris en campagne à Dassa, le ministre de Yayi a fait couler les libertés dans les rigoles. Cette " interdiction faite à quiconque de venir à Dassa pour susciter ou soutenir une candidature autre que celle du chef de l’Etat ", a réveillé l’opposition. L’article 71 de la constitution donne à l’Assemblée nationale le pouvoir d’interpeller le Président de la République ou tout membre de son gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. L’option de l’interpellation du Chef de l’Etat au détriment de celle du ministre aux envolées à polémique vise à établir la dangerosité du discours politique servi aux populations de Dassa. L’élan oppositionnel est bien assaisonné aux ingrédients d’un lexique affreux : " menace à l’unité nationale ", " prime à l’ethnocentrisme ", " régionalisme " et " haine tribale " En mettant Fagnon sur la sellette, les colombes parlementaires gonflent la pression sur Boni Yayi, garant de l’unité nationale, du respect de la constitution et des libertés .Mais où en sommes-nous avec l’interpellation du chef de l’Etat suite à l’audacieuse parade dans les collines ? Les quinze ont requis que la demande soit examinée par le bureau de l’Assemblée nationale en procédure d’urgence et inscrite à l’ordre du jour de la plénière.Le spectre du blocage semblait réapparaître mais la législature de Nago échappe finalement au piège d’une banalisation de l’acte de menace à l’unité nationale posé lors de l’exhibition fanatique des collines. L’interpellation aura lieu le 2 juin prochain.
L’opposition vient de prouver son utilité en utilisant l’un des moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale sur l’action gouvernementale. La qualité des signataires témoigne de la détermination des G et F de mener à fond le combat pour la protection de la paix. La menace de Dassa sème l’alerte dans le camp des leaders politiques anti Yayi. Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Kolawolé Idji, Lazare Sèhouéto et dans une certaine mesure Rosine Soglo en font légitimement leur affaire. L’acte d’interpellation prend toute son ampleur, affermit la solidarité des anti cauris face aux questions de l’unité nationale. L’alerte est au niveau orange.
Le président Boni Yayi a le choix. La constitution lui offre la possibilité de " répondre à l’interpellation par lui-même ou par l’un de ses ministres qu’il délègue spécialement devant l’Assemblée nationale " (article71 al 2). L’exercice s’annonce déjà périlleux car on est en présence d’un cas de flagrant délit. Les élections à l’ère du changement ont démontré que la préservation de la paix suffit à elle seule pour apprécier le bilan du président de la République. L’affaire des déclarations de Dassa s’invite dans le bilan moral du changement. Boni Yayi n’a qu’une seule solution : gérer avec rigueur, patriotisme et sans impunité une situation qui lui offre l’occasion d’apparaître en homme de paix, posture favorite pour 2011.