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 BENIN – CONSEIL DES MINISTRES DU 25 JUILLET 2012 : LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE BONI YAYI

 

 

27 juillet 2012

 

Par Benoît ILLASSA

 

 

Objet : Lettre ouverte au Président de la République du Bénin, S.E. Boni YAYI

 

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

J’ai lu et relu, avec beaucoup d’intérêt, le relevé du Conseil des ministres du mercredi 25 juillet 2012 présidé par votre auguste personne. Au nom des mannes de nos ancêtres communs dans le daïbi et au nom des valeurs de la fraternité que nous avons en partage, je vous adresse cette lettre ouverte pour vous mettre en garde contre les inepties de la décision précitée.

 

Qu’il ne soit pas dit au Bénin que, c’est sous votre présidence que la boite de pandore s’ouvrit pour fouler aux pieds la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs qui caractérise toute démocratie digne de ce nom.

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

La séparation des pouvoirs est d’abord une théorie qu’on doit surtout à un philosophe français du XVIII ° siècle. Il s’agit précisément de Montesquieu, l’auteur de l’esprit des lois. Le célèbre philosophe distingue trois pouvoirs :

 

- Le pouvoir d’élaborer et de voter les lois : pouvoir législatif ;

 

- Le pouvoir d’exécuter ces lois par l’administration : le pouvoir exécutif ;

 

- Le pouvoir d’interpréter et d’appliquer ces lois : le pouvoir judiciaire.

 

De nos jours, presque tous les Etats ont adopté le principe de la séparation des pouvoirs. Il est ainsi devenu l’un des signes caractérisant l’Etat de droit, l’Etat démocratique. Ainsi, on le retrouve dans le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance signé en 2001 par les Etats membres de la CEDEAO (article 1er).

 

Selon l’article 33 du même protocole, « les Etats membres reconnaissent que l’Etat de droit implique non seulement une bonne législation conforme aux prescriptions des droits de la personne, mais également une bonne justice, une bonne administration publique et une bonne et saine gestion de l’appareil d’Etat… »

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

La justice révèle aux parties et à la société ce qui est caché et rend intelligible ce qui est complexe. Le procès pénal en est une expression évidente, comme le procès civil et le procès administratif.

 

Au-delà de l’effet cathartique du procès, la fonction de régulation sociale de la justice résulte aussi de ce qu’elle organise le conflit existentiel de la démocratie : elle socialise et pacifie la confrontation des intérêts qui, dans un état de nature, conduirait irrémédiablement à la guerre de chacun contre tous. Elle rend ainsi visible l’équilibre fondamental de la démocratie, l’équilibre entre la société et la liberté des individus qui la composent dont vous êtes le garant suprême.

 

Si la justice a la garde du pacte social, c’est aussi parce qu’elle est l’ultime gardien des valeurs et des principes que le peuple s’est donnés à lui-même par la Constitution et la loi. Elle assure, dans le temps long, la pérennité et l’effectivité des grands principes démocratiques, c’est-à-dire des droits fondamentaux qui s’expriment dans la Constitution et dans les instruments internationaux de protection des droits de l’homme auxquels un Etat est partie.

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

Le statut de la justice est la traduction juridique de la fonction de gardien du pacte social qui lui est assignée dans un régime de séparation des pouvoirs. Comme le dit l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour la force publique, ce statut n’est pas institué pour l’utilité particulière des juges, mais pour l’avantage de tous : il doit permettre à la justice de disposer de l’indépendance et de l’autorité nécessaires à l’exercice plein et entier de sa fonction.

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

La Constitution américaine adoptée le 17 septembre 1787 a été fondée, dès l’origine, sur une séparation équilibrée des pouvoirs selon le principe des freins et des contrepoids, séparation incluant un pouvoir judiciaire fort, symbolisé et incarné par la Cour suprême. La pérennité de la Constitution américaine et l’affermissement de la garantie des droits aux Etats-Unis démontrent avec éclat la capacité d’une démocratie organisée autour d’une séparation équilibrée des pouvoirs, incluant un véritable pouvoir judiciaire, à garantir la cohésion de la société et à surmonter les épreuves du temps en préservant, par –delà les crises de toutes natures, les fondements même de l’Etat de droit.

 

Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère,

 

La mission première de la justice est de trancher des litiges en droit en rendant, au nom du peuple souverain, des jugements sur les cas qui lui sont soumis. C’est cette mission qui distingue fondamentalement la justice des autres pouvoirs qui sont des pouvoirs d’initiative. La justice remplit en effet son office par suite de sollicitations extérieures qu’elle ne suscite, ni n’inspire. Elle ne se prononce que sur des cas particuliers. Et elle rend ses décisions sur la base, d’un côté, de la règle de droit qu’elle ne crée pas mais interprète et, de l’autre côté, des litiges portés devant elle dont elle ne peut se saisir de sa propre initiative : le juge est effet tenu par les conclusions des parties, sans pouvoir statuer ultra petita.

 

Pour toutes ces raisons, il est urgent que vous rapportiez la décision du Conseil des ministres du 25 juillet 2012 dans l’intérêt supérieur de votre fonction de garant du principe de l’équilibre des pouvoirs en République du Bénin.

 

Je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président de la République et cher frère, l’assurance de ma plus haute considération distinguée.

 

IB

 

Tag(s) : #Politique Béninoise
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