BENIN - De la refondation à la révision de la constitution: LES INTENTIONS CACHEES DE BONI YAYI
23 juin, 2011 | Par Hubert
(Le peuple doit veiller au grain)
Il l’a exprimé dès son élection en 2006. Cette volonté a été réitérée il y a quelques mois à la suite de sa seconde élection. Boni Yayi est décidé à toucher à la loi fondamentale béninoise à travers une révision Constitutionnelle. S’il est vrai que cette initiative a évolué avec la commission Ahanhanzo qui a fait des propositions intéressantes, il faut dire qu’elle comporte quand même des pièges que le peuple doit au moment venu éviter.
On sait combien, chaque tentative de faire une révision opportuniste de la constitution du 11 décembre 1990 s’est heurtée à la résistance des Béninois et d’une bonne partie de sa classe politique. Pour avoir décidé, respectant ainsi ses promesses de candidat, de réviser la constitution, se fondant sur la nécessité d’en corriger quelques imperfections relevées par les politiques et les constitutionnalistes, le chef de l’Etat béninois, docteur Boni Yayi s’est certainement fondé sur des considérations légitimes et objectives. Raison pour laquelle un aréopage de personnalités expérimentées, spécialistes et connaisseurs de la constitution avaient accepté de se prêter à cet exercice, qui sous d’autres cieux en Afrique ont soulevé méfiance et tollés. D’ailleurs, le président de la République en annonçant à ses compatriotes qu’il allait réviser la constitution, s’est bien gardé d’aller sur des terrains qui pourraient susciter un lever de bouclier dans la classe politique comme dans l’opinion publique, tels le mandat présidentiel et la limitation d’âge. Mais d’autres intentions cachées peuvent bien motiver cette révision. En effet, jusqu’au jour d’aujourd’hui, nul ne sait la forme que prendra cette initiative. S’agira-t-il d’une simple révision ou d’un changement pur et simple de constitution ? C’est là que se situe le piège.
De la nécessité de clarifier la situation et de donner un contenu à la refondation
Bien avant la campagne électorale entrant dans le cadre de l‘élection du 13 mars 2011, le chef de l’Etat, Boni Yayi a évoqué pour la première fois le mot refondation. C’était lors d’une visite dans une commune de l’Ouémé/Plateau. Et depuis, l’idée a fait son chemin. Aujourd’hui, on ne parle plus de changement et d’émergence. Le concept en vogue au sein de la mouvance présidentielle, c’est la refondation. Dans le dictionnaire ‘’Larousse’’ : « Refonder c’est reconstruire sur des bases, des valeurs nouvelles, notamment dans le domaine politique ». C’est tout ce qu’on sait. En attendant de donner un contenu à ce nouveau concept, les commentaires vont bon train. Sans risque de se tromper, on peut affirmer partant de ce concept, que le Bénin partira sur de nouvelles bases tant sociale, politique, culturelle, sportive, comportementale et sociologique etc. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que beaucoup de reformes seront engagées notamment un éventuel toilettage de la constitution même si ce mot ne plait pas beaucoup au président de la Cour constitutionnelle Robert Dossou. Il faut donc donner un contenu à la refondation afin que les uns et les autres sachent ce qui sera refondé et ce qui ne le sera pas et sans oublier de donner une idée claire et nette de la reforme que subira la loi fondamentale.
De la révision ou du changement de la constitution ?
Il est temps que les intentions cachées soient clairement exprimées afin de permettre au peuple de faire le discernement et de savoir en quoi s’en tenir. En effet, il y a une grande différence entre la révision de la constitution et le changement de cette constitution. Même s’il est vrai que le chef de l’Etat a, à plusieurs reprises laisser entendre que les principes fondamentaux comme le nombre de mandat et la limitation d’âge ne seront pas touchés lors d’une éventuelle modification, il n’en demeure pas moins que bons nombres d’observateurs soupçonnent Boni Yayi d’avoir d’autres tours dans son sac. Cette ruse politique se traduirait selon eux par un changement pur et simple de la loi fondamentale du 11 décembre 1990 ; ceci au nom de la refondation. Dans ce cas de figure la route sera balisée pour l’actuel chef de l’Etat pour sortir l’artillerie lourde qui est minutieusement ficelée pour la cause.
Le piège que le peuple doit éviter
Nul ne doute des ambitions de Boni Yayi. Aujourd’hui, l’inventeur du concept de refondation du Bénin a les moyens de déverser les populations des 77 communes de notre pays dans la rue aux fins de demander ‘’le changement de la constitution du 11 décembre 1990 devenue caduque’’. L’on verra pour la circonstance des milliers de personnes qui marcheront dans toutes les localités du pays pour le besoin de la cause. Les courtisans et les thuriféraires du régime seront mis à contribution pour la réussite de cette entreprise. Passée cette étape, il suffira au chef de l’Etat de monter au créneau à travers un message à la Nation pour dire : « J’ai entendu vos cris, le peuple étant souverain, je vous donne l’occasion de vous exprimer à travers un référendum constitutionnel ». C’est ainsi qu’un référendum constitutionnel sera organisé et pour qui sait que la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) est émaillée de tout ce que l’on sait, il n’y a pas de doute que ‘’le oui de Yayi’’ l’emportera aussi facilement dans le meilleur des mondes. Même si on révise la Constitution, sans toucher à la limitation du nombre de mandats et d’âge, on entre dans une autre République, la 6e. Là-dessus les partis de l’opposition, l’Union fait la Nation (UN) du moins ce qu’il en reste au lieu de s’illustrer dans les querelles de clocher aura mieux à faire en sonnant la sonnette d’alarme dès maintenant en vue de décourager cette entreprise.
De l’intention de Boni Yayi de s’éterniser au pouvoir
Une fois qu’un référendum sera organisé au travers duquel une nouvelle constitution sera votée, le président de la République sortira le dernier joker. Il dira qu’« il a été président sous la cinquième République, et qu’il n’a jamais été président à l’ère de la sixième République. Donc, il pourra se représenter, solliciter les suffrages des Béninois et faire un nouveau mandat ». Et ce n’est pas un Parlement majoritairement Cauris et aux ordres qui trouvera à dire. Boni Yayi toujours avec la ‘’Lépi taillée sur mesure’’ dit-on et non corrigée sera réélu, s’éternisera au pouvoir légalement et légitimement sans que cela n’émeuve personne. Les jalons sont en train d’être jetés progressivement pour ne pas brusquer les choses et susciter des récriminations. Le peuple qui est souverain doit veiller au grain en vue de déjouer le moment venu tout plan d’où qu’il vienne visant à permettre à un homme qui qu’il soit de s’éterniser au pouvoir. Comme le disait Barak Obama, l’Afrique a aujourd’hui besoin d’institution forte et non d’homme fort.
Rochereau AVIDOUTE