12 août 2010
L’Analyse de l’Affaire ICC services par Monsieur Stanislas Kpognon ou l’aveu de l’échec ?
Par Elizée Sonagnon
P.S. Cet article est une contribution en réplique à Monsieur Stanislas KPOGNON (« L’éthique ou le chaos ? Regard analytique sur l’affaire ICC Services – L’Autre QUOTIDIEN, 10/08/2010 »)
J’ai lu avec plaisir et amusement, l’article signé des mains du doyen Stanislas Kpognon, à propos de l’affaire dite ICC Services, article publié sur Internet le 10 Aout 2010.
Je ne saurais être aussi long que l’auteur, dans ce que je considère être ma contribution à l’éclatement de la vérité dans un Bénin ou l’hypocrisie empêche certaines personnalités qui devraient éclairer et encadrer nos dirigeants d’accomplir leur mission dans la sérénité et la dignité.
Je prends la liberté de répondre à l’auteur de l’article parce que nous ne pouvons plus nous permettre la mémoire courte dans notre pays et prétendre avancer sur le chemin du développement. Chacun doit rendre compte de la manière dont il a servi et continue de servir le pays. Je réponds aussi, tant mes souvenirs sont encore vivaces et intacts sur le rôle qu’ensemble avec certains de ses amis de la même génération, ils ont joué dans l’avènement de l’actuel locataire de la Marina. Les autres ont eu leur strapontin. Lui s’est contenté d’une commission administrative de blanchiment d’un Ministre soupçonné de mauvaise gestion dans l’affaire CEN-SAD, supplantant ainsi l’IGE et la justice de notre pays. Mais cela n’est pas l’objet de ma réaction.
J’apprécie la sincérité dans l’expression de toute la litanie qui est dressée dans son article. Comme on le dit souvent, la victoire a plusieurs parrains, pendant que l’échec est orphelin. La longue rhétorique sur les valeurs et sur l’éthique tombent comme de l’eau jetée sur le dos d’un canard, venant de personnalités qui ont conduit le Bénin à l’abattoir où il est actuellement. Mon admiration pour Monsieur Kpognon est totale et sans borne car je pense qu’avec quelques autres qu’on peut compter du bout des doigts, il est l’un des intellectuels les plus accomplis de notre pays, quelqu’un pour qui notre génération doit avoir respect et déférence.
Mais il m’est difficile d’accepter que plus de quatre années après avoir propulsé un inconnu, que dis-je « un intrus » aux plus hautes fonctions de la République et de l’Etat, après avoir vanté les mérites du candidat aux populations dont on connait bien les limites, qu’il vienne enseigner la morale au peuple.
Avec sa vaste culture intellectuelle, son expérience professionnelle avérée, Monsieur Kpognon sait, mieux que 95% des béninois qu’un leader politique ne s’improvise pas. Il est l’émanation d’une longue période d’apprentissage de la chose politique qui n’est rien d’autre que la gestion des affaires de la cité. Le leader politique est aussi l’œuvre d’une compétence en matière de gestion des hommes et des choses. Quand leadership et charisme s’associent chez un individu, ils ne font qu’un et peuvent l’amener loin dans la conduite des hommes et des choses. En cela Monsieur Kpognon sait donc qu’on ne peut devenir Chef de l’Etat du jour au lendemain pour prétendre gouverner un pays, fut-il de petite taille comme le Bénin.
Pour avoir travaillé pendant de longues années dans une Institution Internationale de financement du développement qui l’a hissé à un niveau élevé, Monsieur Kpognon est mieux placé que l’actuel locataire de la Marina pour savoir qu’un bon leader, un bon Chef d’Etat est le produit d’une série de caractères à savoir le profil de gestionnaire, la qualité du leadership, la capacité d’écoute et d’analyse, la capacité d’adaptation, la responsabilité, la grandeur d’âme, la capacité de rassembler et l’esprit de suite pour ne citer que ceux-là. Ce sont ces caractères et moins le diplôme et les autres titres ronflants de façade qui font un bon leader destiné à gouverner, c'est-à-dire conduire les affaires que vous confie la communauté.
Monsieur Kpognon a-t-il essayé d’appliquer les valeurs qu’il évoque aujourd’hui à son Joker de 2006 avant de le proposer aux béninois ? A-t-il évalué ses aptitudes, compétences et qualités à l’aune des caractères ci-dessus énumérés ? S’il avait fait un tel exercice, qu’a-t-il trouvé à dire sur son candidat ? Pourra t-il nous livrer les résultats de l’évaluation des capacités de celui dont il écrivait qu’il réunissait toutes les qualités pour être un bon Président de la République.
Monsieur Kpognon n’a-t-il trouvé que l’affaire ICC services ? Ou était-il lorsqu’à la chaine, les scandales éclatent à la face des populations désabusées tous les jours ? Un leader ne s’invente pas. Au 21e siècle, il n’y a plus de place pour la tricherie. Mettez du faux à la place du vrai et vous recevrez avec certitude l’effet boomerang peu de temps après. Maquillez la vérité et elle vous rattrape tôt ou tard, en se révélant à vous. La gouvernance d’un Etat est un art tellement délicat qu’il n’est pas donné à n’importe qui de s’y engager. Il faut évaluer ses propres capacités. L’heure de la vérité a maintenant sonné pour tous ceux qui ont vendu du vent aux populations béninoises en 2006.
Monsieur Kpognon sait avec quelle rigueur les grands pays sélectionnent leurs dirigeants, notamment le Chef de l’Etat qui est garant de la paix, de la défense de l’intégrité territoriale, de la sécurité, du respect des lois et de l’Unité Nationale. Il sait aussi comment sont sélectionnés les hauts fonctionnaires de l’administration. Il devrait savoir que petit pays, le Bénin a aussi besoin de rigueur pour élire et nommer ses dirigeants afin d’éviter la mauvaise gouvernance et le gaspillage des ressources auquel on assiste aujourd’hui.
Mon respecté aîné Kpognon sait-il qu’en faisant le marketing d’un produit dont il ne connaissait ni le contenant, ni le contenu, il a contribué à piétiner les acquis démocratiques et les libertés de presse, d’opinion, d’association conquises par le peuple à la conférence nationale des forces vives de février 1990, après de longues années de privation.
Lorsqu’il parle des députés auxquels il semble reprocher la gestion des dossiers au sein du parlement, notamment des blocages du vote de lois de finance et d’autres législations, Monsieur Kpognon doit pousser plus loin son analyse pour voir comment le leadership du Parlement a été mis en place et qui sont ceux qui le composent. Quelles sont leurs qualités ? Sont-ils à leur place ? Est-ce la faute des députés si l’Assemblée Nationale, deuxième institution de l’Etat a été considérée dès le début de la législature comme le prolongement ou la cinquième roue de l’exécutif au lieu de lui faire jouer dans sa plénitude le rôle à elle dévolu par la constitution du 11 Décembre 1990 ? Qui est responsable de la mauvaise performance du parlement, si ce n’est le Chef de l’Exécutif avec son manque de dialogue et sa préférence du passage en force ? Les dossiers comme la Loi de Finance exercice 2010, le service militaire d’intérêt national, pour ne citer que ceux là en témoignent éloquemment. La mauvaise gouvernance au niveau de l’Exécutif a largement déteint sur le législatif. Je voudrais qu’on me démontre le contraire.
Qu’il propose aujourd’hui une autre conférence avec les anthropologues, les sociologues, les psychologues et autres spécialistes des Sciences Sociales au chevet du pays fait sourire. A t-il lu les prises de positions de ces chercheurs, mécaniciens de la société, notamment les philosophes ? Les chercheurs en Sciences Sociales ont toujours joué leur rôle dans notre société. Qui les écoute ? Comment sont-ils utilisés ? Qui leur pose des questions sur la façon dont notre société évolue avec le règne et l’adoration de l’argent devenu maitre du changement ? Demain, Monsieur Kpognon demandera t-il aux mêmes spécialistes des Sciences Sociales de venir redresser la jeunesse ? Ou est-il quand des jeunes sont instrumentalisés par son Joker pour venir insulter les personnes aussi respectables de notre pays que lui ?
Je voudrais rendre ici témoignage au Professeur Bienveue Antonio et ses amis philosophes. Avec beaucoup d’autres, il a été impliqué (nous l’avons observé à la télévision) dans la campagne de marketing politique du candidat. Mais quand il s’est rendu compte que le fruit n’a pas porté la promesse des fleurs, il s’est désengagé en publiant des articles pour prendre position contre la manière dont la cité est gérée. Il mérite notre respect et notre admiration par son courage. C’est aussi cela l’intellectuel.
Qu’on cesse de cacher le soleil avec la main. La vérité est que celui que Monsieur Kpognon et ses amis ont coopté et chéri pour présider aux destinées du Bénin en 2006 n’en avait ni l’étoffe, ni les qualités intellectuelles, ni encore le profil politique. On se surprend aujourd’hui après plus de quatre ans à vouloir colmater les insuffisances d’un système totalement inefficace et dangereux pour la paix sociale, la stabilité politique et la sécurité économique nationale. Monsieur Kpognon et ses amis qui ont pensé que le Président pouvait gouverner par osmose, n’a pas rendu service au peuple béninois encore moins au pays.
Qu’on laisse aussi le peuple et notamment les victimes de l’escroquerie ICC services tranquilles dans leur douleur au lieu de leur faire des leçons de morale maintenant qu’on a mis le pays, son peuple, son économie, à genoux et qu’on a perverti les valeurs en injectant de l’argent pour acheter ceux qui pouvaient l’être, y compris dans les couvents et les temples. Il est de la responsabilité de tout leader politique d’entrainer son peuple vers un espace de mieux être ou se rencontrent et se pratiquent les valeurs éthiques et morales. C’est le leadership par l’exemple. Si l’économie béninoise fonctionnait bien, si l’exemple de la pratique des valeurs éthiques venait du sommet de l’Etat, n’y aurait-il pas eu moins de déposants à ICC services ?
Le ver est dans le fruit, En dehors de l’éducation donnée dans le cadre familial, un peuple reçoit l’éclairage de ses dirigeants qui l’édifient tous les jours par leur pratique de la chose politique, de la gestion économique et de l’assainissement continu des mœurs. L’amour du gain facile n’est pas l’apanage des béninois. Il est de la responsabilité sacrée du gouvernement et de son Chef de créer les conditions et l’environnement qui sécurisent les populations en les préservant de tels chocs. Le cas des banques primaires en est l’illustration parfaite. Pourquoi n’ont-elles jamais proposé des taux d’intérêts exorbitants pour les dépôts ou pour les emprunts ? C’est bien parce que l’exercice de l’activité bancaire est régi par un certain nombre de normes à l’observance desquelles veillent l’Etat et les organismes de contrôle. Qu’on ne me dise pas qu’on ne savait pas qu’ICC Services faisait de la collecte de l’épargne. Le nombre de déposants est statiquement si significatif qu’une telle activité passerait inaperçu dans un régime qui se respecte. Je passe sur les autres preuves que les victimes elles-mêmes détiennent déjà de la complicité du gouvernement et de son Chef dans cette vaste escroquerie.
Il faut avoir le courage lorsqu’on a proposé et soutenu quelqu’un qui a conduit le pays dans l’abime au plan économique et dans la désunion totale, de le reconnaitre, de faire son mea culpa et de réfléchir à de meilleures alternatives pour le peuple.
L’Abbé Quenum que Monsieur Kpognon a eu l’amabilité de citer dans son article a le mérite d’avoir prodigué d’utiles conseils aux victimes de l’escroquerie pour gérer et supporter leur douleur. Quels conseils donne Monsieur Kpognon aux Béninois pour qu’à partir de 2011, ils puissent éviter d’être à nouveau des victimes innocentes d’une affaire similaire dans le No Man’s land que notre pays devient.
Je confirme toute mon admiration pour Monsieur Kpognon, l’intellectuel qui a de la rigueur dans l’analyse et l’homme de culture qui demeure une grande référence pour les jeunes générations.
Elizée Sonagnon