En toute sincérité
La réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) déchaîne inlassablement les passions au point de soulever les vagues érosives de nos inquiétudes. Les suspicions s’élèvent comme un juron de fumée et aveuglent les clans antagonistes. La paix se trouve à la merci de la Lépi et se laisse découper par les ciseaux du radicalisme prononcé. Dans cette ambiance vicieuse, on se demande qui endossera "le manteau très beau de l’Ange de la paix " dont parle le cardinal hongrois Jozseph Mindszenty. Qui vaincra la tension ? Le pari est lancé.
Dans le cours irrémissible des évènements, les pronostics s’effilochent devant la fonte des certitudes. Mais puisque la Lépi est devenue une machine à fabriquer la tension, il est impérieux de trouver les leviers du dégel. Les partenaires techniques et financiers du Bénin ont maintenant l’obligation de quitter la gangue opaque de l’indifférence pour ne pas paraître les bailleurs de la polémique et les pourvoyeurs du trouble. La situation trop enflammée nécessite que le financement salutaire de la Lépi soit accompagné d’heureuses initiatives visant à briser les barrières pour installer le pont de dialogue entre acteurs politiques. L’Union européenne (Ue) et le Programme des nations unies pour le développement (Pnud) au chevet de la Lépi aideraient mieux le Bénin en lui apportant des solutions à la crise héritée du processus de réalisation de cette Lépi. La perfusion financière de la Lépi réveillera nos espérances si elle va de pair avec un intense investissement pour la paix dans ce contexte de polémique généralisée. Le souci de la transparence qui alimente la sagesse de l’Ue et du Pnud est évident mais il urge de sauver la paix en péril.
Une médiation en temps de paix ne serait pas de la mer à boire pour nos généreux partenaires au développement car l’idée de la démolition de la liste manuelle et archaïque est partagée par tous et la Lépi voulue par tous. Le dénominateur commun s’offre le support de la modernité. Seul 2011 fait de la Lépi un instrument de discorde. On devrait plutôt dans le camp de l’Ue et du Pnud vite agir pour guérir les plaies et tisser la solidarité nationale, loin des bruits de bottes et du feu des armes. Il s’agit de nettoyer les soupçons de complicité et de travailler résolument pour la paix.
Nul doute que l’Ue et le Pnud possèdent cette vertu de faire triompher le dégel. Mais, la rue semble avoir de l’avance sur le dialogue depuis que la Lépi massivement financée par ces institutions internationales brûle à petits coups la paix. Sans le maintien de la paix, le bouquet des milliards tombé dans l’escarcelle de la Lépi n’est qu’un cadeau empoisonné.
Dans un pays où la retenue est la chose la moins partagée, la responsabilité des partenaires financiers est en croissance. Cette augmentation de la charge morale fait peser sur eux, le poids du combat pour la paix. Illustration de la disette de la retenue : la prise de position saugrenue des têtes couronnées et de certaines confessions religieuses. La Lépi suscite parfois des envolées délirantes et quelques inepties au creux de l’instinct. Chaque époque a ses déviances inédites. La nôtre ne déroge pas à la règle. L’Ue et le Pnud dont la notoriété est incontestable dans les œuvres de développement, pourront s’imposer en arbitre pour la défense de la paix. L’heure est encore idéale pour des propositions dans la logique du consensus et l’élimination de la tension. "La recherche du consensus est fondamentale pour que le pays se modernise" disait François Fillon. La Lépi a jeté la République dans un champ de mine. Il faut déminer tout le périmètre. Les bailleurs de fonds détiennent une partie de la clé de la baisse d’adrénaline. Si la Côte d’Ivoire a pu moderniser son outil électoral avec l’aide des partenaires financiers étrangers, nous sommes dans les fibres du possible. Yes we can !
C’est à l’Ue et au Pnud de bien jouer pour que l’expérience ivoirienne puisse faire école chez nous. L’inachevé fera dangereusement souffler un vent de complicité sur les nobles intentions de nos partenaires techniques et financiers. De l’argent mais aussi et surtout la médiation. Amener les différents camps à la table de négociation. La priorité est là, debout et pressante pour l’Ue et le Pnud. Reste simplement la bonne inspiration pour évacuer la tension qui fragilise la paix.
10-11-2010, Sulpice O. GBAGUIDI
Fraternité