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BENIN - Lazare Sèhouéto à propos du gouvernement d’ouverture: « Il faut que Yayi accepte un programme de redressement »

  

  

Publié par : Le Matinal le 16 mai 2011

 

 

L’Honorable Lazare Sèhouéto a réagi à la proposition du gouvernement d’ouverture faite par le chef de l’Etat à l’issue de la présidentielle de 2011. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il soutient que les acteurs politiques nationaux doivent évaluer les cinq années de gestion du régime du Changement, dégager un programme de redressement avant de juger de l’opportunité d’un gouvernement d’union. Le député qui a récemment vu son mandat renouvelé, cette fois-ci sur la liste Union fait la Nation, a analysé les dernières élections, la situation prévalant au sein de sa famille politique et évoqué l’affaire Désiré Vodonou. Lire l’interview.

 

Comment analysez-vous les dernières élections législatives ?

 

Les législatives, selon moi, ne sont qu’un épisode du feuilleton que nous vivons depuis les présidentielles de Mars 2011. Les mêmes causes ayant fait de la présidentielle une élection particulièrement mal préparée, mal conduite, particulièrement irrégulière, particulièrement non transparente et foncièrement contraire à l’esprit des élections démocratiques, ces mêmes causes étant toujours présentes, on ne saurait s’étonner des effets obtenus.

Je vous donne un exemple. Je ne suis pas sûr qu’un citoyen informé sache sur la base de quelles lois nous avons voté le 30 avril dernier. Je ne suis pas sûr qu’un citoyen informé puisse nous dire que nous avons eu véritablement une liste électorale, que nous avons eu véritablement une règle unique dans la création des bureaux de vote et dans leur installation. Je ne suis pas sûr qu’un citoyen sincère puisse nous dire si tous les citoyens ont voté suivant les mêmes règles sur toute l’étendue du territoire national. Souvenez-vous de la grande confusion de la matinée du jour du scrutin. Etaient-ils nombreux, les citoyens qui retrouvaient leur nom sur la liste électorale mise à disposition. Cette situation a été induite, en grande partie, par le fait que la Cena n’a pas diffusé la liste en direction des électeurs, conformément à la loi. Le jour du vote des dizaines de milliers d’électeurs, détenteurs de leur carte d’électeur, se sont entendu dire : « Vous ne pouvez pas voter », avant que plus tard dans la même journée, la Cena ne change de position. Tout cela signifie que les bases essentielles d’une élection authentiquement libre, régulière, sincère et transparente ont fait défaut. Tout le reste relève du blablabla.

Même si on n’a pas envie de jeter la pierre à quelqu’un, on est tout au moins en droit de s’interroger sur un certain nombre de coïncidences, sur un certain nombre de détails troublants, sur les distances évidentes prises par rapport à la loi, l’application sélective des règles et principes, etc. Je ne suis pas fier des élections qu’on vient de vivre. Ces élections ont terni davantage l’image du Bénin. Beaucoup trop de citoyens ont honte pour leur pays. Je ne pense pas que le président Yayi Boni peut être fier de ce qu’on a vécu. « Elu, mal élu, élu quand même », ce n’est pas digne du Bénin. Ça ne peut pas rendre fier. Je pense que c’est à lui, Yayi Boni, qu’il faut en appeler, parce que c’est lui qui s’est mis aujourd’hui à la tête du pays et le respect que les autres nous doivent, la crédibilité de notre pays dépendent parfois des choses qu’il a pris la responsabilité historique d’organiser, de faire, de faire faire ou à tout le moins, de ne pas empêcher de se produire alors qu’il en a les ressources. Il lui est attribué une majorité écrasante aujourd’hui, mais je ne pense pas qu’il ait la moindre raison d’en être fier. Il a gagné selon lui, les deux élections successivement. Ce qui en a résulté, c’est l’approfondissement des déchirures sociales. C’est le dégoût, voire la répulsion des citoyens pour notre système électoral. C’est le discrédit sur l’Etat, les institutions et toute la classe politique. Les frustrations amassées couvent et plongent la population dans une sorte d’inhibition, d’étourdissement, dans un malaise généralisé. D’ordinaire, après des « victoires aussi massives », il y a comme une libération. Mais, est-ce- que les gens se sentent libérés aujourd’hui ? Non, l’angoisse persiste ! Le président Yayi Boni, s’il aime ce pays, doit tenir compte de cette réalité-là, doit faire en sorte que ce pays se retrouve, que ce pays retrouve sa dignité, sa crédibilité, sa fierté.

 

Monsieur le président, quel bilan l’Union fait la Nation fait-elle de ces législatives ?

 

L’Union fait la Nation a accueilli ces résultats comme elle a accueilli les résultats de la présidentielle. Il y a à noter que par rapport aux choses essentielles, la règle a été de violer la loi ou d’avaliser les violations de la loi. Est-ce que vous imaginez ce qui s’est passé sur le terrain ? Chaque fois qu’il y a les moindres situations dans le pays qui désavantagent un candidat de la mouvance présidentielle, vous savez ce qui se passe ? Impunément, on embastille les citoyens, on brûle leur maison, on change les chefs de brigades de gendarmerie qui veulent respecter la loi, on tente d’instrumentaliser la Justice, on terrorise la population. Il n’est pas rare de croiser en pleine campagne électorale, des candidats du camp présidentiel, accompagnés d’une escouade de militaires ( ! !!). En dehors donc de la violence des propos, en dehors de la violence du déluge d’argent, une violence armée ostensible a prévalu presque partout dans le Sud du Bénin. Ce n’est pas normal. Nos camarades qui ont été candidats dans le Nord du Bénin se sont sentis constamment en insécurité. Ils sont traités comme s’ils avaient commis le crime absolu. Le plus absolu des sommets de leur crime est simple : « ils ont trahi leurs frères en se mettant ensemble avec les gens du Sud ». Tout a été mis en branle pour créer une atmosphère de terreur inadmissible en toute situation et pire s’il s’agit d’élections « libres, régulières, transparentes et sincères ». Suite à tout cela, les résultats ne sont plus surprenants. Il ne s’agit pas d’élections libres, transparentes, sincères et régulières. Il s’agit d’une mascarade, d’un simulacre d’élections.

 

Quelle est la position de l’Union fait la Nation par rapport au forum « Sursaut patriotique » et à l’appel à la formation d’un gouvernement d’ouverture du président de la République ?

 

Je voudrais, sur ce point, ne pas m’exprimer au nom de l’Union. Par rapport à l’idée de « l’ouverture », je pense qu’elle est la bienvenue. Je pense aussi qu’un appel sérieux au dialogue, ne se suffit pas de la déclamation fugitive de quelques mots dans un discours. Il y a des gestes et des faits qui précèdent ou accompagnent ces quelques mots pour leur donner de la crédibilité. Je n’ai vu ni ces actes, ni ces comportements. Deuxièmement, si le président Yayi veut un gouvernement d’union ou d’ouverture, peu importe, c’est une très bonne chose. Mais la question, c’est de savoir à quoi cela doit servir ? A se partager des portes-feuilles ou des privilèges ? Ce n’est pas ce que notre peuple veut profondément de ses dirigeants politiques. Je pense qu’il faut procéder à un diagnostic sérieux de notre situation. Nous devrions évaluer où nous en sommes aujourd’hui, après cinq années de politique démagogique, sans rigueur administrative, sans discipline budgétaire, essentiellement subordonnée à des logiques clientélistes. Nous devrions discuter et retenir des rémédiations et en dégager un programme de redressement. A ce point, nous saurons si un gouvernement d’union ou d’ouverture constitue le meilleur moyen pour faire avancer les choses. On ne peut en décréter d’office, sans savoir ce que nous avons à faire ensemble. Les montages qui consisteraient à trouver une place à chacun au bord de la table, afin que chacun puisse manger à sa guise, c’est une fausse solution de sortie de crise et ces échafaudages ne durent pas longtemps. La misère du peuple est telle aujourd’hui et les frustrations si profondes, que le peuple béninois ne se contentera pas d’un arrangement au sommet entre dirigeants. Il ne s’agit pas de tout faire pour que « l’opposition et le président Yayi s’arrangent » pour se partager le gâteau entre eux. Ce que les travailleurs, les intellectuels, les artistes, bref, ce que moi j’entends de la bouche des populations, se situe sur d’autres plans. Les Béninois veulent se sentir en sécurité, tant tout est devenu imprévisible dans le pays, au plan judiciaire, au plan des affaires, au plan de l’intégrité physique des citoyens. Les Béninois veulent des finances publiques gérées conformément à la loi, afin que l’Etat redevienne solvable, crédible, que le Trésor public et le service des Impôts ne continuent pas d’asphyxier et de tuer les entreprises et les activités économiques. Les Béninois veulent la justice ; que chacun soit récompensé selon son mérite, sans distinction de religion, d’ethnie, de sexe ou d’opinion politique. Les béninois spoliés dans la rocambolesque affaire Icc veulent être payés. Les Béninois veulent que nous sortions de la République des affaires, de la propagande, de l’exclusion et de l’écrasement des autres, pour courageusement nous remettre sur la voie d’un Etat de droit, où les libertés sont garanties et où le gouvernement adopte un fonctionnement rassurant, au service des forces vives décidées à créer des richesses et non aux mains de « partisans » incompétents et sans scrupules, siphonnant sans retenue des ressources publiques et vivant en véritables parasites de l’Etat. Ce qui peut faire l’affaire du peuple béninois, c’est la qualité et la cohérence des programmes à exécuter, c’est les mécanismes concrets à mettre en place pour éliminer les pratiques que chacun et tous reconnaissent comme nuisibles à l’économie et aux finances de notre pays. Voilà !

Par rapport au forum du professeur Albert Tévoédjrè, je ne peux me prononcer, puisque que je n’ai pas eu l’honneur – et nous sommes nombreux dans le cas – à savoir de quoi cela retourne. Mais je suis sûr d’une chose, le président Tévoédjrè jouit d’une intelligence des choses, des hommes et du temps que tout le monde lui reconnaît. S’il a encore un rôle à jouer dans notre pays, c’est d’user de son intelligence pour amener le président Yayi Boni à prendre le pays au sérieux. On ne peut s’amuser continuellement avec le destin de tout un pays. Cela finit toujours mal. Et le Professeur Tévoédjrè le sait. Le président Tévoédjrè doit jouer de son intelligence pour amener le président Yayi Boni à rendre leur prétendue démarche d’ouverture ou de sursaut crédible. Si la démarche n’est pas crédible, le fameux forum ne donnera rien. Il est évident que ce pays a besoin de se parler et sérieusement. Je souhaite que toutes les forces morales de ce pays, toutes les personnalités de ce pays, toutes les bonnes volontés, dans l’articulation de toutes nos énergies et intelligences, que nous puissions permettre à notre pays d’arrêter sa descente au gouffre des Républiques bananières. Le prix à payer demain sera trop lourd. Je ne veux pas payer ce prix-là. Je ne veux pas que la jeunesse de ce pays paie ce prix-là. Nous pouvons éviter des choses aujourd’hui. Evitons-les.

C’est pourquoi, toutes initiatives sérieuses seront utiles. Le fameux forum projeté par le Professeur Tévoédjrè pourrait se révéler utile si ce n’est pas juste un machin pour détendre un peu l’atmosphère, pour faire la fête comme on sait le faire en Afrique, un machin pour faire « de la communication » comme c’est la mode, une tribune pour les transes spéculatives de « consultants » ou de « professeurs » soucieux de vendre aux peuples crétinisés, leurs dernières trouvailles, enfin, un machin pour amener le bon peuple crédule à « voir » que l’opposition reste sourde aux « appels au dialogue » et que cette opposition n’a droit qu’à une chose fort généreuse : « l’échafaud ». Le Professeur Tévoédjrè doit nous démontrer qu’il a décidé de se mettre au service du pays et non de Yayi. Des gens comme moi, qui ont eu la chance de croire en lui, un jour de leur vie, ont besoin de cette preuve.

 

On apprend dans les coulisses que les partis membres de l’Union fait la Nation seraient en négociation avec le président Yayi Boni pour une éventuelle entrée au gouvernement. Que pensez-vous de ces tractations ?

 

D’abord, je ne sais pas répondre aux rumeurs. Deuxièmement, aucun parti ne m’a informé qu’il mène une telle démarche. Je sais une chose, les aventures solitaires ou les trahisons joyeuses qui tentent parfois les gens, quand on est en situation difficile, n’apportent jamais rien de durable. Si le 6 avril dernier, le Président Adrien Houngbédji avait prêté serment comme Président de la République, peut-être que cette idée-là n’existerait pas. Je sais : quand on a vécu ce que nous avons vécu, la tentation peut exister. Mais prenons garde : l’Union fait la Nation, ce n’est plus seulement une affaire du Madep, du Psd, du Prd, etc. C’est devenu une affaire du peuple. Ils sont des milliers et des milliers qui y croient, en dehors de tous nos arcanes et calculs politiques. Le peuple a voulu qu’on sorte de la confusion, qu’on se penche un peu plus sur son sort. Il y a dans notre pays, un besoin fondamental d’assainir les mœurs politiques, de clarifier le jeu, un besoin profondément ancré que les petites aventures sur la base d’intérêts particuliers cèdent la place à une dynamique des forces regroupées pour concourir sainement et contribuer à son bonheur. Il y a un profond sentiment dans le pays, d’une injustice fondamentale, troublante, intolérable. Ce sentiment a motivé nombre de personnes à s’engager pour la création et la mise en route de l’Union fait la Nation. Et je vous dis très sincèrement que lorsqu’un pouvoir politique, comme celui du président Yayi Boni est en place, la tentation de négocier séparément, secrètement peut surgir et emballer ceux qui croiraient pouvoir « tirer leur épingle du jeu » et sauver sa peau. Ce n’est pas mon option.

 

Monsieur le président, parlons de votre formation politique d’origine, Force clé. Vous êtes passé de quatre anciens députés à deux ou trois, alors que certains partis en ont profité pour se refaire leur santé. Que peut-on retenir selon vous de votre participation aux élections ?

 

Force-clé n’est pas composée de gens lâches ou opportunistes. Nous sommes des gens de conviction. Si le 6 avril dernier, c’était le président Adrien Houngbédji qui avait prêté serment, ça ne viendrait pas spontanément à la tête des uns et des autres de calculer que nous sommes perdants en passant de quatre députés à deux ou trois. Je pense que Force-clé a fait toutes les concessions possibles depuis que l’idée de l’Union fait la Nation a germé. Nous avons volontairement fait les concessions au-delà même de ce qui est politiquement admissible. Nous avons en toute conscience accepté l’inacceptable. S’il faut recommencer, nous le recommencerions. Mais je dois dire qu’à la vérité que l’Union fait la Nation doit faire quelques efforts pour se débarrasser des facteurs inhibants. Ce qui fait l’insatisfaction de Force clé, c’est moins lié aux résultats des législatives qu’au fait que nous n’arrivons pas encore à vivre une adhésion loyale, franche, dynamique de chaque composante à l’idée de l’Un et à ses implications concrètes. Il y a trop de situations assimilables à des déloyautés ou à des incohérences qui se tolèrent facilement. C’est mortel, à terme. Toutefois, chacun doit savoir aussi que les groupes complètement harmonieux n’existent nulle part. Tout groupe est traversé par des conflits et des contradictions diverses. Le défi réside dans la capacité à surmonter ces conflits, conformément aux règles établies et dans la justice. Et j’en appelle à chacun de nous, d’abord aux militants de Force clé et ensuite à chacun des militants de l’Union fait la Nation, pour que nous puissions placer d’abord le pays et son peuple, au-dessus de tout. Pour le reste, restons juste envers chacun et tout ira pour le mieux. Les arrangements et les éructations au sommet ne sont que d’une importance marginale. Soyons fidèles à nous-mêmes et à nos engagements vis-à-vis des populations. Le reste viendra.

 

Avez-vous un message particulier à vos militants Force clé ?

 

Les militants Force clé ont été éduqués et fortifiés dans le combat. Les militants Force-clé n’ont jamais joui de situations de rente, sans en avoir payé le prix, par le mérite. Et je les remercie pour tous leurs sacrifices dans le combat pour édifier l’Union fait la Nation. Je les remercie pour avoir montré que nous sommes des gens de haute qualité et que nous avons de l’ambition, non pas pour nos petites personnes mais pour le pays. Je leur demande de continuer dans cette voie. Je leur répète une phrase à laquelle ils sont habitués : la politique c’est comme l’agriculture. Ceux qui récoltent par divers raccourcis, sans avoir véritablement rien semé et ceux qui veulent récolter sans avoir entretenu leurs champs, ceux qui pensent pouvoir récolter parce que « tout leur est dû » et qui s’imposent pour récolter, tous ceux-là, l’apprendront à leur dépens. Continuons de nous battre, avec la patience des bons paysans. L’espoir est en marche.

 

Sans majorité au Parlement, que peut l’opposition actuellement ?

 

Quand on est opposant, ça veut dire qu’on est minoritaire. Dans un régime présidentialiste comme au Bénin, le risque est très grand que le pouvoir travaille à nous écraser. Aujourd’hui, nous avons 30 députés, il y a quelques collègues qui sont de l’opposition sans être de l’Union fait la Nation, nous espérons qu’on va se mettre ensemble pour développer une efficiente veille citoyenne. Une veille plus disciplinée, plus rigoureuse, plus offensive pour arrêter la dérive que connaît notre pays. Le contrôle de l’action du gouvernement doit être pour nous un moyen majeur pour informer le peuple. Puisque la preuve est faite depuis cinq ans que le président Yayi Boni n’écoute personne, je ne rêve pas qu’il se serve de nos contributions, comme cela se passe dans les pays dirigés avec sérieux. Nous devons jouer notre rôle jusqu’au bout. Tous les quelques députés que j’ai pu consulter rayonnent de détermination. J’espère par ailleurs que pour cette mandature, il sera permis à l’Ortb de diffuser les débats de l’Assemblée nationale. C’est honteux, quand on empêche le peuple d’écouter les débats de ses représentants à l’Assemblée. Le président Mathurin Nago nous avait dit en début de 5ème législature, qu’il était en train de prendre les dispositions appropriées. Il n’a pas encore fini !!! C’est honteux. Ce n’est pas le Bénin ça !

 

Justement, monsieur le président, on parle de plus en plus du retour du président Mathurin Coffi Nago à la tête de la nouvelle mandature au Palais des Gouverneurs. Qu’en pensez-vous ?

 

La personne du président Mathurin Nago ou d’un autre ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est le mécanisme de gestion de l’Assemblée qu’on met en place. Si le même mécanisme de gestion de l’Assemblée nationale que le président Nago avait mis en place, perdure, ça veut dire qu’on aura rien changé même si on change le président Nago. Le président Nago est un brillant intellectuel pour qui j’ai beaucoup de respect et d’admiration. Mais je ne ferais pas autant d’éloges quand je pense à sa gestion de l’Assemblée nationale. Moi, j’ai regretté personnellement que le président Nago se soit laissé embourber dans une dynamique de confusion des pouvoirs et des rôles au sommet de l’Etat. Il aurait pu - et il en a les ressources - être un homme de véritable dialogue, de véritable écoute, cette passerelle qui fait la force des démocraties. Il écoute peut-être les siens, il dialogue peut-être avec les siens. Mais le Parlement, ce n’est pas composé que des siens. Nago ou pas Nago, le prochain président disposera une majorité pour faire voter toutes les lois. Mais l’essentiel réside dans la qualité des délibérations, la qualité des lois votées. J’attends de voir quel est le mécanisme de gestion de l’Assemblée qui sera mis en place. Au nombre des critères pour évaluer un système démocratique, il y a la situation faite à l’opposition. Si le camp minoritaire n’est pas protégé, si ses droits ne sont pas reconnus et qu’on fasse pas droit à ses prérogatives, on n’est pas en démocratie. Vous comprenez donc que si on change un matou pour mettre un minou, les enfants rigoleront à gorge déployée.

 

Pour conclure, monsieur le président, on parlera du dossier Vodonou. A cette étape, comment évolue le dossier ?

 

Vous savez que ce dossier comprend deux volets. Il y a la décision de la Cour Constitutionnelle qui lui a enlevé son mandat de député et l’a déchu de ses droits civiques. Cette décision est une grosse bourde. J’espère que la Cour constitutionnelle se rendra compte aujourd’hui ou demain, qu’elle s’est trompée. Elle aura fait le mal, cependant. Elle aura permis à ceux qui ont soif de détruire, elle aura aidé la béninoiserie (Maître Robert Dossou a été le premier que j’ai entendu prononcer ce mot !!!) à étendre son nuisant empire de destruction. Même si je n’ai pas envie de la soupçonner d’avoir été instrumentalisée, je pense qu’elle se rendra compte humainement un jour qu’elle s’est trompée. Je m’appuie sur ce dossier, pour attirer l’attention de chacun de nous, sur la source d’inquiétude que constitue une Cour Constitutionnelle qui se donne tous les pouvoirs, au point de se substituer aux pouvoirs constitutionnels (en l’occurrence le judiciaire). Où sont les magistrats de ce pays ? Où sont-ils, les avocats ? J’espère qu’un jour, quand à la manière de Paul Yao N’Dré, on nous servira que « le Satan a habité chacun de nous à un moment donné », nous serons tous fiers de nous-mêmes… La Cour perd de plus en plus sa crédibilité. Et je n’aurais pas souhaité que ça continue.

Par rapport au deuxième aspect du dossier, pour lequel, l’Honorable Désiré Vodonou s’est rendu à la justice, je constate que personne ne se presse plus. Cette question qui était si urgente pour qu’on déploie tous les arsenaux impressionnants de communication, toute la Gendarmerie et la Police, sans oublier les services spéciaux, cette question commence par traîner. Jusqu’aujourd’hui, la justice n’a pas encore écouté l’Honorable Vodonou sur le fond, plus d’un (1) mois après qu’il s’est rendu. Si le pouvoir en place était si pressé, ce n’était donc pas pour l’écouter et le juger ? Non, l’objectif, c’était de l’empêcher de participer aux élections législatives. Mort ou vif. Il faut louer la perspicacité de l’intéressé, au regard de la rage du pouvoir et de ses sbires. S’il ne s’était pas rendu, qui sait s’il serait encore vivant ? L’objectif étant atteint, ils ne sont plus pressés. Même en politique, on peut être élégants, chers Messieurs ! Ma conviction aujourd’hui comme hier reste ferme : Vodonou est un prisonnier politique. Ce qui lui est arrivé, relève du crime politique prémédité et monté par le pouvoir en place, qui cherche à instrumentaliser le pouvoir judiciaire et à faire passer cette machination pour un dossier ordinaire de droit commun.

 

Réalisation : M. T

Transcription : Allégresse Sassé




 
 
 
Tag(s) : #Politique Béninoise
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