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 07/05/2013

 

 

BENIN- Le Président Emile Derlin ZINSOU sort de son mutisme à travers un best-seller que je vous recommande : « En ces temps là… » (1)

 

 

Par Benoît ILLASSA

 

 

L’un des trois anciens Présidents encore en vie du Bénin sort un livre qui fait l’évènement. L’Homme, très discret et très courtois, livre une partie de sa longue expérience politique. De son expérience parlementaire sous la quatrième République française à la Conférence Nationale historique en passant par sa gestion du pouvoir d’Etat au plus haut sommet de ce même Etat Dahoméen, puis Béninois. Cela vaut le détour…

 

Je ne suis pas un critique littéraire et je n’en ai ni les moyens, ni la prétention, ni la vocation. Je veux juste profiter de cette occasion pour lever un coin de voile sur ma proximité avec le Président E.D. ZINSOU et sur moi-même que, finalement, mes lecteurs connaissent peu. Cette fois-ci, l’occasion fait bien le larron !!!

 

En page 240, le Président E.D. ZINSOU clarifie :

 

« Rendons à César ce qui est à César. Si tout s’est bien passé, sans drame, ni effusion de sang, nous le devons à Kérékou et à Monseigneur Isidore de Souza. La plupart des officiers membres du gouvernement et des grandes instances du pouvoir étaient hostiles à un changement qui les ramènerait à leur place normale. Si Kérékou les avait suivi, n’avait pas résisté à la très forte pression qu’ils exerçaient sur lui, il est probable que nous aurions connu la situation dramatique qu’une attitude similaire provoqua dans d’autres Etats. »

 

Cet extrait me plaît à plus d’un titre car il permet de savoir qu’un peuple peut basculer dans l’impensable à cause de la folie de quelques hommes seulement. Rappelons seulement, qu’à l’époque, ni Kérékou, ni Monseigneur Isidore de Souza n’avaient appelé à des marches de soutien pour conjurer le sort. L’appel à l’intelligence des uns et des autres suffisait amplement.

 

Au cours de ma courte expérience sur terre, le Président E.D. ZINSOU fut l’un des hommes politiques qui m’ont le plus positivement marqué. Jusqu’à nos retrouvailles de ce 28 avril 2013, je me posais encore tant de questions. Dieu merci, j’ai aujourd’hui la réponse plus que symbolique.

 

De tous les hommes politiques béninois, quatre personnalités m’ont définitivement marqué et ont forgé ma ligne de conduite. Après la dernière rencontre avec le PR ZINSOU, j’ai découvert que nous étions tous issus de la bourgeoisie « provinciale. » De ce fait, nous aimons profondément notre pays à cause de notre farouche volonté de partage avec tous ceux qui ont moins de chance que nous. Ceci n’a pas toujours servi notre idéal. Nous étions et demeurons des incompris.

 

En effet, je suis né, comme mes mentors successifs (E.D. ZINSOU, Giriguissou GADO, Mathieu KEREKOU et Adrien HOUNGBEDJI) dans un milieu favorisé. Ma Grand-Maman maternelle fut la première femme fonctionnaire de la ville de KILIBO. Ses qualités furent reconnues par les premiers colons avant l’indépendance du Dahomey. L’une des propriétaires de la plus majestueuse propriété de la localité. Son fils (le petit-frère de ma mère – même père – même mère), mon oncle donc, fut l’un des tous premiers à intégrer le Lycée Victor Ballot (devenu plus tard le Lycée Béhanzin) avant de poursuivre ses études à Dakar, puis à l’Ecole de Santé-Navale à Bordeaux. Il devrait être le premier officier de l’armée dahoméenne postindépendance. Le sort en a décidé autrement, mais passons. J’y reviendrai longuement dans mes mémoires si le seigneur me prête longue vie.

 

Elevé par ma Grand-mère, j’ai donc baigné dans cette ambiance peu soucieuse des besoins matériels. J’étais le chouchou pour avoir perdu ma mère très tôt, à l’âge de six ans. Cette ambiance de protection, loin de favoriser les déviances, était propice à un engagement certain et la volonté de porter assistance aux plus démunis. Cette aisance était si manifeste que j’ai eu la chance de connaître le vin chez ma Grand-Maman bien avant de découvrir les grands crus du bordelais à Paris. En effet, Grand-Maman buvait chaque jour un verre de vin mélangé avec une petite quantité d’eau. Elle nous répétait que c’était bon pour le drainage sanguin, elle qui était du domaine médical !!! Mais, elle ajoutait aussitôt qu’il fallait le boire en quantité modérée. Elle décéda de la plus belle mort qui soit, à 83 ans, sans jamais avoir été hospitalisée.

 

C’est elle qui m’a enseigné comment tenir un verre à table, comment servir les hôtes et comment faire la cuisine. Etudiant à Paris, dans une faculté de droit du sixième arrondissement, l’un des quartiers les plus huppés de la capitale française, je n’ai donc eu aucun mal à trouver mes marques. Au contraire, je prenais mes rares copines féministes (elles étaient très peu nombreuses dans une faculté réputée pour être un refuge de bourges…) pour des « has been… » Ma Grand-Maman, elle qui n’a jamais foulé le sol de Paris, était bien en avance sur elles.

 

J’ai gardé du Président ZINSOU, le goût du secret. Par conséquent, dans les lignes qui suivent, vous ne lirez jamais un compte-rendu, ni une confidence de mes tête-à-tête avec mes différents amis politiques dont je cite les noms ici. Le reste, ce sera pour mes mémoires…

 

 

1) LE PRESIDENT EMILE DERLIN ZINSOU

 

Issus du même milieu favorisé, les codes, on les a dans le sang. Notre rencontre, à mon initiative, fut donc des plus sympathiques. C’était dans les années 1987, au moment où le Président ZINSOU présidait le parti U.D.P. qui deviendra plus tard l’UNDP, après la Conférence Nationale. Le « N » rajouté était destiné à formaliser le parti qui sortait de la clandestinité pour devenir national. Nous avions abattu un travail colossal pour sortir le Dahomey des mains de ses prédateurs d’alors tapis dans un parti unique sanguinaire, le PRPB.

 

J’ai eu l’honneur d’être chargé par le Président ZINSOU d’amorcer les négociations avec les exilés politiques communistes du PCD à Paris pour un rapprochement bien avant la Conférence Nationale historique de février 1990 à Cotonou. De la même manière, j’ai eu des contacts avec des fonctionnaires de l’Ambassade du Bénin à Paris, Moscou, etc. L’un des fonctionnaires de l’Ambassade du Bénin à Paris, à l’époque, ancien Directeur de l’Office du Bac jusqu’à un temps récent, a fait des fiches au Président Kérékou sur moi. Il ne s’en cache même pas en privé. Après mon rapprochement avec Kérékou, j’ai vu ces fiches. Je l’ai depuis rencontré à deux reprises dans des restaurants à Cotonou. A chaque fois, je me suis présenté à lui. Les deux fois, il est parti en catimini sans demander son reste. La peur avait changé de camp !!!

 

Je retiens ceci du Président ZINSOU : « il faut vivre longtemps pour voir ses successeurs à l’œuvre… » En effet, ce n’est trahir un secret que de dire, aujourd’hui, que, contrairement à nous autres, le Président Boni YAYI est issu d’une famille pauvre, voir excessivement pauvre. Tous ses comportements doivent par conséquent être analysés à cette aune.

 

Aussitôt après l’investiture du Président actuel, en avril 2006, je me suis rendu à Cotonou pour rencontrer le Président ZINSOU et prendre la température. Le sage Homme me livra ses sentiments :

 

« Il nous a viré de la Présidence comme des malpropres alors que j’ai fait campagne pour lui… » Pour mémoire, le Président ZINSOU était jusqu’alors le Conseiller diplomatique du Président Kérékou. Cela rejoint l’analyse d’un ancien Président du Bénin, Nicéphore SOGLO sur les antennes de RFI quelques mois plus tard. Aujourd’hui encore, le sentiment du Doyen des anciens Présidents du Bénin encore en vie ne semble pas avoir changé. Pressé par moi de savoir pourquoi les anciens Présidents de la République du Bénin n’interviennent pas depuis le KO frauduleux de 2011 malgré la situation désastreuse du pays, le Président ZINSOU, le sourire en coin, me confie :

 

« Après le premier quinquennat, il a peut-être eu la baraka et pense qu’il n’a plus besoin des conseils de personne aujourd’hui – sic. » Mais il ajouta aussitôt :

 

« Ce qui me préoccupe, c’est l’emploi des jeunes dont l’horizon est sombre… »

 

Rendons à César ce qui est à César en rappelant que, c’est grâce au Président ZINSOU que le Bénin est propriétaire de l’Ambassade du Bénin à Paris, du Consulat Général, de la résidence de l’Ambassadeur et de la résidence des chauffeurs. C’est pour ne pas voir ses œuvres s’assombrir qu’il nous a aidés à faire pression sur Kérékou pour que ces biens soient rénovés. En effet, le Président ZINSOU fut le Premier Ambassadeur du Dahomey à Paris. Il est le Premier Président du Dahomey à soutenir l’indépendance économique du pays en déclarant que tous les dahoméens, quel que soit leur fortune, doivent participer à l’effort national en payant des impôts au prorata de leur revenu. C’est ce que nos aînés ont surnommé « Zinsou Takouê » pour ébranler son pouvoir. L’Homme était en avance sur son époque et c’est pour cela que, personnellement, je lui voue une admiration et une fidélité sans limite !!!

 

2) LE MINISTRE GIRIGUISSOU GADO

 

C’est ce grand Homme, récemment disparu, qui a été la cheville ouvrière de ma réconciliation avec le Général Mathieu KEREKOU. De ma famille élargie, il est surtout mon bel oncle pour avoir épousé l’une de mes tantes. J’avais à peine vingt ans lorsque, sur une moto (appelée à l’époque chaude de la révolution « Mon mari est capable »), j’amenais ma tante à son domicile alors qu’il était Ministre des Transports publics. J’avoue aujourd’hui l’un de mes péchés mignons à mes amis : c’est chez lui que j’ai découvert le CHIVAS et son arôme si incommensurable !!!

 

J’ai aussi découvert la solitude du pouvoir d’Etat qui m’a très tôt blindé. Vu de loin pour les dahoméens et les béninois, le pouvoir est magique et suscite toute sorte de convoitise. En tout cas, de cette expérience-là, j’ai appris à garder la tête froide. Ses frères tchabè ne lui ont fait aucun cadeau. Mais nous qui avions le privilège de le côtoyer de près savons ce qu’il endurait dans sa quête de réussir sa mission pour l’intérêt général. Ni l’argent, ni les honneurs n’étaient son moteur dans la vie. Comme chaque citoyen, il avait ses problèmes de cœur et ses problèmes de raison. J’ai beaucoup appris de lui, le sens de l’humilité.

 

Avec patience et persévérance, il m’a réconcilié plus tard avec le général Kérékou que je combattais. Ce fut après la Conférence Nationale. Son amour pour la jeunesse de son pays était à nulle autre pareille. Il avait décelé en moi un élément prometteur pour le pays. Ce qui rendait jaloux mes amis car, une fois, revenant de Porto-Novo avec ceux-ci pour lui rendre une visite de courtoisie, il m’a gentiment conseillé de revenir seul le voir pour échanger en tête-à tête comme on avait l’habitude de le faire à chacun de mes retours au pays.

 

Les mets les plus succulents que j’eusse jamais mangés au Bénin depuis que je suis en France furent chez lui. Il ne m’a jamais taquiné comme son enfant, ni comme un collaborateur. Il m’a toujours respecté comme un partenaire politique à qui il rêvait de transmettre le flambeau. Son décès me chagrine beaucoup et laisse en moi comme une œuvre inachevée. C’est une très grande perte pour la communauté Tchabè. Je pense, sincèrement, que lui vivant, le Président Boni YAYI aurait un peu plus de mesure dans ses tentatives dictatoriales et sa culte de la personnalité. Malheureusement, j’ose le dire, Amos ELEGBE, qui aurait pu jouer ce rôle aujourd’hui, s’est discrédité dans ses errements, dans ses compromissions et dans son absence de légitimité en pays Tchabè. C’est dommage non seulement pour lui, mais surtout pour Giriguissou GADO dont il a éhontement trahi la mémoire pour la postérité.

 

3) LE PRESIDENT MATHIEU KEREKOU

 

Que dire de plus qui n’ait pas été dit sur mes relations avec « le caméléon » ? Je l’ai servi loyalement avec la bénédiction de mes parrains ZINSOU et GADO. Il avait voulu me faire un Ministre de la République. J’ai décliné l’offre et je ne regrette pas mon choix de l’époque. Jeune papa de mon premier fils, j’avais décidé de privilégier ma carrière professionnelle dans l’hexagone pour me donner un métier et une perspective autre que celui d’ancien ministre, fut-il le plus jeune.

 

Avec un peu plus de recul, je constate ce que sont devenus les anciens ministres de l’aire Kérékou 2. J’ai appris à aimer le Président Kérékou et je sais qu’il m’écoutait. Mais hélas, il a donné la chance à beaucoup de cancres qui ont démérité.

 

La seule question qu’il me tarde de lui poser est celle-ci : M’aurait-il sciemment berné en me disant, de vive voix, que son dauphin était Adrien HOUNGBEDJI ?

 

Pour le reste, l’histoire l’a déjà sacralisé. Il est sorti par la grande porte. La chose est si rare en Afrique pour que, en toute sincérité, tous les démocrates béninois lui témoignent leur gratitude et leur reconnaissance.

 

4) ADRIEN HOUNGBEDJI

 

Vous l’aurez compris, le quatrième Homme politique béninois qui m’ait le plus séduit est évidemment celui que nous appelons affectueusement AH. J’aime les qualités humaines de l’homme et sa probité. Toutefois, notre rencontre fut très houleuse au départ. Comme quoi…

 

J’ai traversé le premier quinquennat des change-menteurs avec le Président AH, mes convictions chevillées au corps. Tout a été fait pour le salir à travers des tirades dignes des oukases. J’ai moi-même payé le prix fort de ma fidélité à travers une assignation du Président Boni YAYI devant le TGI de Paris. Une première !!! A ma demande, l’affaire est toujours pendante devant la Cour de cassation, la plus haute juridiction française. Mon pourvoi a été jugé recevable après les différents filtres. Ce qui constitue un boulet aux pieds du Président Boni YAYI. Le moment venu, je communiquerai sur cet aspect des choses. D’ores et déjà, il s’agit là d’un camouflet cinglant pour le ministron Max Awèkê.

 

Une fois le KO frauduleux passé, chacun porte sa croix en attendant 2016. Pour ma part, je garde d’excellentes relations avec le Président AH. Toutefois, l’histoire est encore fumante pour que je puisse esquisser la moindre conclusion. J’attendrai donc de voir la fin du scénario pour dévoiler ma part de vérité sur ce que je sais.

 

Je vais terminer cette contribution en citant les propos du Président ZINSOU sur les évènements du 16 janvier 1977 qui ont fait couler tant d’encre et de papier et sur lesquels beaucoup de béninois continuent de fantasmer.

 

L’ECHEC DU DEBARQUEMENT DES MERCENAIRES A COTONOU

 

« Dans la préparation de notre action, j’étais non seulement informé, mais aussi impliqué. Nous étions un groupe de compatriotes dahoméens à préparer une action de libération de notre pays du gouvernement qui y régnait au nom du marxisme –léninisme à peine lu et pas digéré, un pouvoir insupportable…Etant le chef de notre groupe à l’extérieur, j’ai été accusé de tout. Même Bob Denard, dans son livre sur ses interventions de mercenaires en Afrique, me met en cause de façon mensongère. J’ai tout assumé parce qu’un chef, même s’il n’a pas été obéi, est toujours, selon moi, responsable…L’intervention ayant échoué, nous n’avons plu retrouver la plupart de ceux qui suppliaient qu’on les libère. Certains d’entre eux sont devenus de violents dénonciateurs. Décidément, l’échec est orphelin… »

 

Tout est dans le livre !!! Pour la vérité et pour l’histoire.

 

 

IB

 

(1) « En ces temps là… », Riveneuve éditions, Paris, décembre 2012, 15 €www.riveneuve.com

 

 
 
 
Tag(s) : #EDITORIAL
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