BENIN: Les identités floues du mouvement ABT
Publié le 15 novembre 2010
Le mouvement ABT manque d’identité réelle sur l’échiquier politique. Il faut beaucoup de perspicacité pour percevoir le positionnement de ce groupe dans l’arène, tant ses prises de positions sont facilement superposables à celles de l’UN. Et pourtant, dans la conjoncture tripolaire actuelle, les grands blocs ont besoin d’une identification claire pour se positionner au sein de l’électorat. Ceci ne peut s’obtenir qu’à travers une démarcation rigoureuse vis-à-vis des autres blocs en présence. A défaut, le camp qui manque de visibilité intrinsèque, est immanquablement cannibalisé, confondu à la grande masse. C’est ce qui attend l’alliance ABT qui ne fait aucun effort pour exister dans la tête de ses sympathisants.
Tout se passe comme si à défaut de se doter d’une stratégie propre de positionnement intelligent, le groupe ABT se contente de s’aligner sagement derrière les initiatives de l’UN, espérant sans doute en tirer les lauriers. Ainsi en a-t-il été de l’affaire Dangnivo qui aura permis à l’UN de déclencher une véritable guérilla contre le gouvernement. La gigantesque marche de Cotonou, même dénuée d’objectifs stratégiques pertinents, aura permis à Me Houngbédji de se montrer en leader de l’opposition, capable de mobilisation et de résistance. On y a vu quelques têtes de proue de l’alliance ABT venues chanter « libérez Dangnivo » comme les leaders de l’UN. Ils ont été portés par une initiative qu’ils n’ont pas pensée et qu’ils n’ont fait que suivre. Lorsqu’il fut question plus tard de fédérer toutes les forces au sein d’un creuset unique dénommé Front de Défense de la Démocratie (FDD), la démarcation de l’alliance ABT n’est jamais arrivée. Elle eût dû profiter de cette occasion pour montrer sa différence et ouvrir la brèche avec l’UN. Là encore, les stratèges proches du patron de la BOAD, apeurés par le spectre d’une éventuelle dictature yayiste, ont tôt fait de se fondre dans le grand groupe. Même en y entrant, l’alliance a tenu le discours des autres, violent et volontairement provocateur sans jamais prétendre à une identité visible sur l’échiquier. C’est une grosse erreur stratégique. En dînant à la même table que l’UN, le groupe ABT court le risque de se noyer dans ce grand fleuve qui a déjà pris ses marques au point de devenir le repère de tous ceux qui ont quelque grief contre le régime.
Cette méprise coûte cher. Elle coûte en image et en crédibilité auprès des électeurs qui ont du mal à situer Abdoulaye Bio Tchané. Il en est également ainsi pour la Lépi. Malgré les mises au point de M. Hervé Yves Hèhomey, l’un des cadres de l’alliance, qui a eu hier le souci d’une certaine démarcation, l’opinion publique ne retient qu’une image floue et peu rassurante de ses positions sur la question. ABT 2011, comme l’Union fait la Nation, ne propose rien d’autre que l’arrêt du processus. Le seul facteur de différenciation est la proposition faite de faire évaluer le processus par des experts indépendants. En s’accrochant à des détails, on réussit tout au plus à impressionner les intellos, c’est-à-dire moins de 1% de la population béninoise.
Le problème, c’est que la plupart de ceux qui voulaient changer le changement pensaient trouver en Bio Tchané, non pas un autre adepte de la politique politicienne, mais un homme capable de faire la différence. La stratégie de l’alignement systématique sur les positions des autres, à défaut d’être celle des peureux, n’en est pas moins peu courageuse. Elle traduit sinon une absence de vision stratégique, du moins l’approche politicienne qui favorise les débats oiseux et vides sur lesquels prospère la politique politicienne.
En incarnant le technocrate et le bon gestionnaire, l’ex ministre des finances dispose pourtant d’un réel atout sur ses challengers de 2011. Mais la stratégie politique adoptée depuis, le place sur le même pied d’égalité que les autres. Elle ne valorise pas ses acquis. Des défis économiques aux enjeux sociaux, il devrait être le candidat qui pose les vrais problèmes avant tout le monde. A l’heure actuelle, les contradictions internes comme les calculs byzantins auxquels les acteurs sont habitués le mettent dans un rôle de suiveur, loin des exigences stratégiques que comportent ses ambitions présidentielles. A quelques mois de la présidentielle, son groupe devra sortir le grand jeu pour échapper à l’encerclement des deux camps auxquels il fait face.
Olivier ALLOCHEME
L'Evènement Précis