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30-04-2010

 

LETTRE DE TCHAOUROU

 

Écrit par Gilberte Awa Kassa

 

Monsieur le Président de la République,

 

Puissiez-vous me permettre de vous informer très respectueusement que les Béninois, sûrs d’eux-mêmes et sûrs de la saine réaction de l’ensemble du peuple béninois, ricanent au spectacle de vos démonstrations de force et à entendre les murmures de cataclysme que vous laissez courir, spécialiste que vous êtes en communication post moderne, c’est-à-dire en l’art de faire savoir sans avoir nécessairement fait ni même sans avoir la moindre intention de faire. Mais faire savoir pour, en l’occurrence, installer un climat de peur.

 

Vos démonstrations de force dont il s’agit, ce sont les trois visites présidentielles incongrues que vous avez imposées récemment au budget national et auxquelles personne n’a trouvé une explication qui tienne la route. A propos de l’un d’eux, précisément du plus proche de nous, mon grand-père m’a demandé : ‘‘Ma fille, peux-tu me dire ce que vient chercher chez nous cet assassin ?’’. Manifestement, le vieux n’en est pas encore revenu du carnage d’amis et de compagnons qui a présidé à la prise du pouvoir et à sa consolidation. Quand est arrivé le maquisard qui a troqué le kalachnikov des massacres contre la Bible des prêchi-prêcha du new age de nos ruelles malades des décibels bondieusards, grand-papa était sous perfusion, et n’a pu me poser á son sujet aucune question politiquement incorrecte. Quant au troisième larron, le fils à son père, ce fut un vrai flop. En dehors de vous-même et des dames payées pour la claque à l’aéroport, très peu de gens l’auront vu passer. Vous l’avez pourtant trimballé jusqu’à Porto-Novo pour qu’il vous aidât, paraît-il, à rencontrer celui qui n’était pas encore le candidat unique de l’UN. Si telle fut vraiment votre intention et que le fils à papa en a été informé, échec et mat. Et vous et lui serez repartis gros Jean comme devant.

Ce furent des épisodes un peu loufoques, et les Béninois, comme je vous l’ai dit, ont beaucoup rigolé, sauf mon grand-père qui s’énerva un peu, ce qui a peut-être fait monter sa tension et l’a projeté sous perfusion. Je ne cesse pas de lui répéter que certains énervements ne sont plus de son âge. Ce que les Béninois ne comprennent pas dans lesdites démonstrations de force, c’est votre intention de leur faire peur par des épouvantails, comme s’ils étaient des oiseaux cherchant à picorer le mil dans votre champ de Tchaourou. Car ils tiennent vos trois hôtes bizarres pour des épouvantails. Les Béninois disent qu’ils correspondront à votre vœu et prendront peur quand vous réussirez à faire se déplacer vers vous un seul des trois personnages suivants : Angela Merkel, Barack Obama, Nicolas Sarkozy. Mais alors qu’ils se mettront en quatre pour aller expliquer à celui que votre diplomatie aura dupé qu’il s’est dévalorisé en vous fréquentant. C’est un peu sévère, je l’avoue. Mais je ne vous cache jamais rien.

Les rumeurs de cataclysme que vous laissez répandre concernent les stocks d’armes que vous auriez disséminées ici et là. Moi je n’en crois rien. Mais il n’y a pas de fumée sans feu. Et il vaut mieux prévenir que guérir. Il paraît que dans notre petite ville de Tchaourou, il y en aurait beaucoup et de très sophistiquées dans un sous-sol connu de vous et de vos amis. Je n’ose pas croire que vous les retournerez contre les habitants de Parakou, car votre député bien aimé pourrait en être atteint. Mais vous laissera-t-on les acheminer jusqu’à Cotonou pour les braquer sur les syndicalistes ou autres étudiants en mouvement ? Pas sûr. Et si elles sont sophistiquées comme on le laisse entendre, avez-vous prévu les mercenaires qui en assureront la manipulation pour mâter le peuple debout ? Sinon, pensez-y, parce qu’il se murmure que, dans l’Etat actuel de la situation, notre armée, loin de tirer sur le peuple, retournerait plutôt l’arme contre celui ou ceux qui lui donneraient l’ordre de ‘‘tirer dans le tas’’.

Les gens disent trop de choses, et moi je ne crois plus à tout ça. Je ne crois pas qu’à la décrépitude de votre gouvernance, vous tenterez d’ajouter le sang du peuple. Je vous vois plutôt disparaître un beau matin sans demander votre reste. En toute sagesse ultime. Je vous vois actuellement dans un vrai tourbillon. Plaise au Ciel qu’il ne vous emporte.

Monsieur le Président de la République, je prie Dieu de vous garder en bonne santé pour votre famille.


Gilberte Awa Kassa



 

Tag(s) : #EDITORIAL
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