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07-05-2010

 

LETTRE DE TCHAOUROU

 

Écrit par Gilberte Awa Kassa

 

Monsieur le Président de la République,

 

Pourquoi vous le cacher ? C’est avec infiniment de tristesse et de compassion que je vous écris aujourd’hui. Vous vous rappelez certainement la conclusion de ma dernière correspondance : ‘‘Je vous vois actuellement dans un tourbillon. Plaise au Ciel qu’il ne vous emporte.’’ Je m’exprimais ainsi sur la base de ce que je vois de vous depuis quelque temps à la télévision : regard fuyant et traits tirés sur le corps vieilli d’un homme abattu. Et voici que, dans la semaine même, vous donnez des signes extérieurs de votre tourbillon intérieur. On vous a vu à Parakou et à Cotonou, à pied et au volant d’une voiture lambda, à des heures où vous étiez censé être ailleurs, en des lieux où vous n’étiez pas censé être. Ce sont des signes qui ne trompent pas. C’est le trop-plein du tourbillon intérieur qui déborde vers l’extérieur.

 

Pour m’en assurer, je me suis fait prêter une espèce de dictionnaire médical. Il s’appelle ‘‘Manuel Merck’’. A l’entrée ‘‘dépression’’, j’ai été vaincue par des mots, des phrases et des formules qu’il eût fallu être docteur en médecine ou en pharmacie pour comprendre. Or je ne suis même pas aide soignante. C’est finalement l’un des ouvrages écrits sur vous à votre avènement qui m’a assuré qu’il y avait à nouveau chez vous tourbillon au creux d’une dépression. Dans le passage, on parle de vous à la troisième personne, mais il est clair que le témoignage est de vous et représente un moment de votre vie où le navire a failli se fracasser contre quelque rocher. Vous vous rappelez votre cavalcade Dakar-Copenhague-Dakar. Ce fut éprouvant. Votre ‘‘cœur fatigué et meurtri’’. Votre ‘‘malaise mystérieux dans l’hôtel où [vous avez] pris vos quartiers’’. ‘‘L’Esprit [vous] apparut dans un songe’’. Et ‘‘l’Esprit [vous] transporta à…Tchaourou…au milieu d’une foule de chrétiens en liesse’’. Etc. Pour le croyant que vous dites être, il n’y a pas de doute, ce fut manifestation divine, ce fut vison spirituelle, ce fut combat de l’Ange pour ramener à Dieu son fils rebelle. Mais vous et moi (je suis croyante aussi) n’empêcherons pas les psychologues de s’interroger : signes mystiques ou cliniques ? Croyants ou pas, ils pencheront pour la seconde hypothèse. C’est leur droit. Le Ciel et les anges n’entrent pas en ligne de compte dans leurs hypothèses de travail, et ils sont toujours prêts à envoyer paître toutes les visionnaires de l’Eglise du Christianisme Céleste. Quand nous les aurons traités de mécréants, il faudra bien les laisser vivre, car il faut de tout pour faire un monde.

Moi en tout cas, j’ai très vite laissé tomber les psychologues, psychiatres et leurs hypothèses sans Dieu. Je les ai laissés tomber car j’ai beaucoup mieux pour vous comprendre et essayer de comprendre ce qui vous arrive à ce moment. C’est toujours dans le même ouvrage, et vous répondez à une interview : ‘‘Je me sens très triste chaque fois que je m’éloigne du Seigneur.’’, dites-vous. Pour moi, il est là, le mot de l’énigme, de votre énigme, à conditions que nous retournions ensemble à la définition qu’a dû vous donner du concept Seigneur votre ancien Grand-Maître à Copenhague. Quand vous aurez rejeté tout son enseignement, il demeurera toujours vrai, malgré lui, malgré vous et malgré nous, que le Seigneur, c’est toujours ‘‘le Seigneur de notre Foi et de notre Espérance’’, qui est tout uniment notre devoir particulier, singulier, intime et sacré, la tâche à faire par nous pour la portion de l’humanité dont nous avons la charge.

Ce ‘‘nous’’ ne recouvre pas nécessairement les mendiants, mais ceux qui, comme vous, ont beaucoup reçu gratuitement de la nature et des hommes. Votre peuple vous a élu en 2006 pour une mission grande et noble. Cette mission, l’avez-vous accomplie ou trahie ? Si trahison il y a, je comprends que vous vous sentiez ‘‘très triste’’ et cherchiez consolation dans des postures qui ne sont ni de votre rang ni de votre mission. En effet, il en est toujours ainsi quand on a trahi sa mission, quand on n’a pas obéi au Seigneur de sa Foi et de son Espérance. On se met à errer dans les champs du Seigneur.

Monsieur le Président de la République, je prie Dieu de vous garder en bonne santé pour votre famille.

Gilberte Awa Kassa



 

Tag(s) : #EDITORIAL
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