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22-01-2010
 
Écrit par Administrator
 
LETTRE DE TCHAOUROU
 

Monsieur le Président de la République,

 

Que s’est-il exactement passé à Djougou, au jour sanctifié de la Tabaski ? Toujours est-il qu’il n’est pas à l’honneur du Bénin que la Première Dame, qui est pour tout le pays l’image de l’épouse et de la mère, ait été éconduite ou se fût sentie si peu désirée qu’elle n’eut pas d’autre choix que de retourner précipitamment à Cotonou. Que s’est-il exactement passé à Abomey, à l’ouverture du Festival du Danhomê ? Que le fameux tourbillon perturbateur et déstabilisateur de podium ait été de production naturelle ou artificielle, il n’est pas à l’honneur du Bénin que le Président de la République ait été obligé de détaler comme tout le monde sans demander son reste et sans avoir prononcé son discours d’ouverture. Et il n’est pas permis de poser ironiquement la question ‘‘qu’aurait-il pu faire d’autre ?’’. A Djougou comme à Abomey, cela n’aurait pas dû arriver, c’est tout !

 

La seule question qui se pose et s’impose en l’occurrence est celle de savoir si vous avez de vrais services de renseignements et s’ils vous servent à quelque chose. Si oui, pourquoi n’ont-ils pas pu prévenir le mauvais accueil de Djougou en vous demandant de prier la Première Dame de ne pas y aller ? Après le mauvais accueil que vous-même avez reçu à l’occasion de la fausse ouverture des travaux de la route Djougou-Ouaké, tout le monde a su que cette ville ne vous porte plus dans son cœur. Dès lors, n’est-ce pas de la provocation que d’y envoyer votre épouse avec les attributs de l’Etat ? Ou alors, vouliez-vous absolument qu’elle prenne sa part des humiliations que vous subissez depuis quelque temps ?

 

Si le tourbillon d’Abomey est d’origine naturelle, les services météorologiques auraient dû vous mettre la puce à l’oreille pour un décalage de l’ouverture du Festival. Si le tourbillon est de fabrication locale, cela veut dire qu’Abomey dans son ensemble ne vous porte plus dans son cœur et que, par respect religieux pour votre pouvoir (c’est aussi cela la féodalité), les Princes d’Abomey auront comploté avec le ciel pour qu’il s’occupe personnellement de vous chasser. Dans un cas comme dans l’autre à Abomey, vos services de renseignements, si vous en avez, ont failli, comme ils ont failli à Djougou. Je sais que vous avez des services de renseignements. Mais est-ce que vous les écoutez ? Ou n’en faites-vous qu’à votre tête de Prince absolu doué de la science infuse ? Si oui, voyez où cela vous mène de n’écouter que vous ! Et vous, Président de la République, c’est nous, citoyens du Bénin.

 

Mais laissons là ces deux faits divers particulièrement préoccupants. Ou plutôt, partons d’eux pour tenter de voir comment et pourquoi vous avez, progressivement d’abord et brutalement ensuite, perdu l’estime des populations. Et je voudrais ici prendre un fait datant d’un an, dont moi-même et l’ensemble des Béninois ne savions rien du tout. Il s’agit de ce qui s’est passé dans l’Ouémé-Plateau, à Djragba, le lundi 29 novembre 2008 : cinq paysans abattus par les forces de l’ordre et de nombreux autres blessés. Pour quelle raison ? Ils se rendaient, sans houe ni coupe-coupe, à une Assemblée Générale de leur association de paysans. A supposer que l’AG fût interdite par le préfet et qu’ils l’aient su, était-ce une raison suffisante pour les tuer et les blesser sauvagement ? Or le crime a été commis et, depuis lors, plus rien. La justice, les veuves, les orphelins, s’en fout la mort ! Silence, on passe !

Or il est impensable, Monsieur le Président, que vos services de renseignements ne vous aient pas fait un compte-rendu détaillé de ces tragiques événements. Il est impensable que la quintuple tuerie de paysans innocents n’ait pas été rapportée au Président de la République. Dès lors, pourquoi avez-vous laissé le silence se faire autour de la tragédie subie par ces pauvres gens, vous qui êtes le garant de notre sécurité, vous le Magistrat Suprême dont le devoir est d’exiger toujours que justice soit faite ? De cadavres en cadavres, de veuves en veuves, d’orphelins en orphelins et de village en village, il court le bruit que vous avez trahi les populations. Ne soyez donc pas surpris qu’elles vous abandonnent.

 

Monsieur le Président de la République, je prie Dieu de vous garder en bonne santé pour nous.

Gilberte Awa Kassa

Source: Quotidien Nouvelle Expression

Tag(s) : #EDITORIAL
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