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En toute sincérité

 

BENIN: Palme d’or pour la justice

 


Simon Adovèlandé est enfin libre après un long séjour à la prison civile de Cotonou. Le chemin de croix entamé un jour de Noël, le 25 décembre 2009, prend fin un vendredi de novembre tard dans la nuit sur fond d’une saga judiciaire attirant les effluves de préjugés. Le bouchon poussé loin tombe dans la poussière. L’arrestation brutale du coordonnateur du Millénium Challenge Account avait naturellement et longtemps pris l’actualité en otage. Sa libération suscite logiquement un énorme souffle de spéculation, la dilatation des vannes.

 

Dans cette affaire, la bonne nouvelle pour la démocratie est venue de la justice. Elle a marqué de gros points. Ceux qui la voyaient à la botte de l’Exécutif doivent réviser leur vision et injecter un optimisme légitime dans le vase trop borné d’une certaine opinion. La justice a tenu solide dans la gestion de ce dossier. Ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Adovèlandé" affiche une apparence de règlement de compte. L’attitude de l’Exécutif n’a pas contribué à dissiper le brouillard des soupçons. Le gouvernement a sans ménagement fait de la résistance et moussé sa volonté. La première libération de Simon Adovèlandé au Tribunal de première instance a subi une première réaction : l’appel interjeté devant la Cour d’appel. Une deuxième libération a fait bondir le Procureur Général qui s’est pourvu en cassation. La justice est restée dans sa logique, malgré le jusqu’auboutisme étalé au sommet.

 

On a des raisons de dresser une couronne de lauriers à cette justice vertueuse, jalouse de son autonomie. Elle a fait preuve d’orgueil et rassuré la nation. Locke et Montesquieu, théoriciens de la séparation des pouvoirs, devraient se frotter les mains. Le principe défendu par les penseurs du siècle des lumières est en marche. Que les hommages soient rendus à une justice qui a rouillé les intentions de fer d’un Exécutif obstiné et assoiffé d’une condamnation du sérieux rival de Boni Yayi dans le contrôle des "Born again" de la religion, pour la présidentielle de 2011. Le maintien d’Adovèlandé dans les liens de la détention était censé ouvrir le boulevard au chef de l’Etat coreligionnaire d’un coordonnateur du Mca potentiel candidat à l’alternance. On voyait, à tort ou à raison dans son arrestation, les conséquences des rivalités entre Yayi et un homme devenu gênant et mué en cible par sa montée en puissance.

 

On peut se réjouir que la justice et sa lucidité nous sortent de la sinistrose mortelle. La décision de la Cour Suprême est sans doute une victoire de la justice sur le désespoir ambiant. Rendons une montagne d’hommages à nos magistrats qui donnent vie à la démocratie non pas pour la seule libération sous caution de Simon Pierre Adovèlandé mais pour l’opposition idéalement servie à la machine infernale de appel et du pourvoi en cassation estampillé Yayi.

 

Notre justice ne marche pas sur la tête. On la voit debout et en bonne santé. Elle n’est pas en crise comme la politique ni mise en berne comme la morale. Elle fait exception à la spirale du négatif et s’impose en levier de notre démocratie dont on a célébré les 20 ans.

L’heureux palier de la justice nous permet de bien rêver pour notre démocratie. Une petite leçon s’invite dans cet épilogue du feuilleton judiciaire. L’ancien Procureur Général, l’homme du pourvoi en cassation est en prison alors que Adovélandé tient sa liberté. Je sors, tu rentres. Voilà l’intitulé de la nouvelle pédagogie qu’accouche le destin du coordonnateur de Mca arrêté le jour de la naissance du Christ. Le Procureur Général, lui-même emporté par l’affaire Icc services, n’aura pas eu le temps d’envoyer ses conclusions à la Cour suprême avant de goûter au déplaisir de la vie dans les geôles. Le délai a expiré en faveur de Adovèlandé et les plaignants forclos ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Après cette justice des hommes, toujours exposée à toute forme de pression, il y aura celle de Dieu. Yayi, Adovèlandé et les "Born Again" croient, au nom de la foi, à cette justice divine sans recours. Mais il y aura d’abord 2011, Yayi et Adovèlandé en frères de Christ se souviendront de l’épisode de la prison, de l’appel, du pourvoi en cassation et de la sagesse de la Cour Suprême. Il se pourrait que l’adversité gagne en ampleur sur les flammes de la revanche. Ce n’est plus la justice mais le peuple qui tranchera dans les urnes.



7-11-2010, Sulpice O. GBAGUIDI
Fraternité


 
Tag(s) : #EDITORIAL
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