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QUAND LE PRESIDENT AHOMADEGBE S’ADRESSAIT AUX DAHOMEENS.

  

  

Par Olympe BHÊLY-QUENUM.

 

( Paru en ligne sur le site Africatime.com le 10/04/2002)

 

 

Dans sa lettre de 12 septembre 1972, mon père, Paul Kpossy-Gbhêly-Quenum, en me faisant parvenir un texte paru dans Daho-Express du 3 août 1972, précisait :

 

« Justin Ahomadégbé m’a personnellement demandé de t’envoyer ce coupon ; il a dit devant ta mère et moi ceci que je te répète : « Olympe est un patriote loyal, intellectuellement honnête ;il est direct et ses jugements sont sans équivoque ; pour cela j’aimerais connaître son avis, à cause de ma sympathie pour les Zadonou qui ont toujours des reproches à faire aux gens d’Abomey. »

 

Dans la rubrique ARCHIVES de mon site : www.obhelyquenum.com se trouve le texte que mon père m’avait envoyé ’à la demande du président Justin AHOMADEGBE TOMETIN ; en 2001, je l’ai mis en ligne dans le contexte de la « mascarade » dénoncée par le président Nicéphore Dieudonné SOGLO ; débarrassé de mon analyse des tractations politiques d’alors qui ostracisaient 85% des Béninois de la diaspora subodorés être des pro-Soglo, je remets en ligne le texte paru dans DAHO-EXPRESS Jeudi 3 Août 1972 parce que plus de 300 Béninois, voire des ecclésiastiques ont souhaité que, « étant donné ce qui se passe dans notre pays… » « dans notre pays où les Institutions, la justice et la démocratie sont piétinées » « …puisqu’un président plébiscité est devenu incapable et se contente d’acheter la conscience du peuple… » « Doyen, très cher Frère, il faudrait faire entendre encore la voix d’outre-tombe de ton ami le Président Justin AHOMADEGBE. »

 

 

DAHO-EXPRESS

Jeudi 3 Août 1972.

LE PRESIDENT AHOMADEGSE A LA NATION.

 

Etre Dahoméen, c'est aimer passionnément ce pays.

 

Dahoméennes ! Dahoméens !

 

« Nous voici à nouveau, pour la douzième fois, sur le point de célébrer l’anniversaire de notre Indépendance. Cette Indépendance, nous l’avions souhaitée, nous l’avions voulue, nous l’avions réclamée et obtenue sans toujours comprendre les exigences qu’elle comportait pour nous. Et le Dahomey, peut-être plus qu’aucun autre pays africain, sait aujourd’hui en mesurer le prix, tant il est vrai que, pour nous, l’Indépendance ne s’est pas confondue avec la paix et la concorde intérieures, avec la prospérité.

 

Assez souvent, nous avons déploré les convulsions politiques qui ont secoué notre pays, qui l’ont ébranlé dans ses fondements mêmes et dont nous ne sommes pas encore arrivés à mesurer toutes les conséquences. Nos divisions stupides, nos fanatismes de toutes sortes, nos égoïsmes ont été les principaux facteurs de notre destruction et nous avons cru -suprême dérision, suprême illusion - que nous bâtissions notre pays, alors que nous le démolissions. Mais, las d’assister, indifférents et résignés, à la mort que nous avons nous-mêmes préparée, nous avons compris, depuis, bientôt trois ans, que, de même que la cohésion est nécessaire à l’existence des multitudes, de même l’unité nationale est indispensable à la survie d’une Nation. Parce qu’elle est une source d’enrichissement pour chacun de ses membres, puisqu’elle leur permet de s’épanouir en mettant en commun et en partage leurs volontés, leurs compétences qui cessent ainsi d’être étanches pour entrer en symbiose et communiquer entre elles tels des hases communicants.

 

Cette œuvre que nous avons entreprise depuis bientôt trois ans, nous devons la poursuivre sans relâche, jusqu’au bout, avec une vigilance chaque jour accrue. Je sais qu’elle le n’est pas facile. Elle paraît même si difficile que beaucoup de Dahoméens de bonne volonté commencent à être gagnés par un sentiment d’impuissance et en sont arrivés à un tel degré de découragement qu’ils ont cessé d’y croire. Oui, beaucoup d’entre vous sont aujourd’hui anxieux parce que les décisions hardies qui devraient logiquement suivre la journée mémorable du 7 mai n’ont pas encore été prises. Mais nous ne devrons pas oublier que, dans le gouvernement des hommes, notre devoir est de faire conspirer au bien commun « non des parfaits, mais des imparfaits, non des esprits, mais des hommes ».

Qu’est-ce à dire, sinon que, dans notre volonté inébranlable de gagner le pari, celui que nous lancions le 7 mai en disant : « ce que nous savons de notre peuple et de son histoire nous permet d’affirmer que ce pari sera nécessairement gagné », que donc dans notre volonté inébranlable de gagner ce pari, nous devons toujours avoir à l’esprit que nous avons à faire à des hommes, êtres « ondoyants et divers ». Les problèmes - je dirai plutôt les faux problèmes - se sont multipliés depuis et tout cela, provoqué par une savante conjonction des forces conjurées du mal. Mais les difficultés sont faites, pour être vaincues, et je puis vous assurer que nous briserons, contre vents et marées, tous les obstacles qui se dressent sur notre chemin, afin que notre pays puisse aller de l’avant et qu’ensemble nous risquions pour lui.

 

Car le risque est inhérent à toute création, il en est même la dimension authentique. Risquer, pour nous Dahoméens, à l'heure actuelle, c'est consentir à vivre ensemble, en d’autres termes, consentir à croire au Dahomey. Et croire au Dahomey, par les temps qui courent, c’est prendre une conscience plus aiguë de la décomposition de notre pays et vouloir travailler pour qu’il renaisse plus puissant. II faut ressusciter notre pays ; et le ressusciter, c’est s’en faire une idée, y mettre son cœur, faire de cette idée une raison de vie. Non que nous soyons appelés tous à être des Héros. Nulle part, sauf au royaume des utopies, il n’existe de nation constituée essentiellement de surhommes. Mais consentir à être Dahoméen, c’est comprendre une fois pour toutes, que Indépendance ne se conjugue pas avec facilité, c’est prendre que chaque Dahoméen doit avoir ce réflexe de santé qu’est le désir de changer.

Il est en effet une évidente qui s’impose actuellement à toutes les consciences éclairées, c’est l’ardent désir de changement qui jaillit des profondeurs de notre peuple, avec souvent un accent qui confère à ce désir, une âpreté particulière, parfois un radicalisme particulier. Les mobiles ne manquent pas de vouloir ces changements, du reste si nombreux qu’ils ne peuvent être l’œuvre d’une génération. Mais l’important est que les mutations nécessaires s’opèrent danas l’intérêt supérieur du Bien commun et qu’elles soient la manifestation de la volonté populaire. II s’agira donc de doter notre pays de structures nouvelles, conçues en fonction de nos réalités et de nos possibilités, visant d’abord l’efficacité. C’est dans cet esprit que se tiendra, cette semaine, un séminaire d’études sur les problèmes financiers et économiques. Le but de ce séminaire n’est pas de nous offrir l’occasion dé bavarder et de prendre des résolutions vite enfouies dons les tiroirs, mais de repenser l’ensemble de notre système financier et économique, pour le réadapter aux exigences modernes. Ainsi nous parviendrons petit à petit, mais assez rapidement, à doter notre pays d’un ensemble de structures aptes à créer les conditions d’une révolution psychologique capable de permettre aux Dahoméens de briser les schémas mentaux qui entretiennent chez eux, aujourd’hui, l’enlisement moral mortel dans lequel ils tendent à se complaire et qui se caractérise par ce manque total de fierté, de dignité, d’abnégation, toutes qualités grâce auxquelles nos ancêtres et les Dahoméens de l’époque coloniale étaient respectés et craints.

 

Au total, la tâche urgente qui s’impose à nous et qui doit être entreprise rapidement est de réinventer le Dahomey, le réinventer en créant les conditions qui obligent les Dahoméens à vouloir changer, à devenir vraiment Dahoméens. Et être Dahoméens comme nous l’affirmions le 7 mai dernier, c’est aimer et aimer passionnément ce pays ; être Dahoméen, c’est reconnaître que la Raison d’Etat est au-dessus de tout ; être Dahoméen enfin, c’est savoir taire certains de ses intérêts au profit du Bien commun. Tant que nous n’aurons pas fait nôtres ces qualités essentielles qui font qu’un homme peut se vanter d’être citoyen, il ne sera pas possible de réinventer ce pays, de s’en faire une idée au nom de laquelle on peut accepter tous les sacrifices.

 

Dahoméennes ! Dahoméens ! Nous avons la réputation d’être un peuple intelligent. Nous devons tout faire pour mériter cette réputation. II faut que nous mettions cette intelligence au service de notre pays en montrant que nous avons su profiter de notre liberté, de notre indépendance pour penser à sa construction et à son développement ; en montrant que, nous aussi, à l’instar des grandes nations, nous sommes capables de concevoir pour notre pays une politique.

 

Dahoméennes, Dahoméens. C’est donc à un effort constant de penser aux exigences de l’Indépendance que je vous invite, en ce jour anniversaire, avec une angoisse que je ne peux dissimuler pour des raisons que les uns et les autres vous comprendrez aisément.
J’ai donc l’espérance que ces heures de fête et de joie légitime seront aussi pour tous des heures de réflexion, d'une réflexion profonde et féconde qui permettra à chacune et à chacun, de prendre conscience de l’ampleur des problèmes qui se posent à nous avec la détermination de contribuer à les résoudre pour sauver enfin ce pays. J’en appelle à votre conscience, j’en appelle à toutes les bonnes volontés, de nos villes jusque dans nos hameaux les plus reculés.

 

Et puisque nos compatriotes de l'Ouémé ont, cette année, l’insigne privilège de voir ce douzième anniversaire célébré chez eux, c’est à eux plus particulièrement que je voudrais m’adresser, avec la certitude qu’ils sauront se hisser au veau de l’événement, qu’ils prendront une part plus active aux immenses mutations à venir, et qu’ils seront parmi ces forces et ces ferments qui vont travailler au renouveau du Dahomey.

 

Joyeux anniversaire à tous ! Bonne fête pour tous ! et que vive le Dahomey. »


http://www.obhelyquenum.com/politique/quand-le-president-ahomadegbe-sadressait-aux-dahomeens.html?PHPSESSID=bae4625825db9a0c1a099aac762bff15

 

 

 



 
 
Tag(s) : #EDITORIAL
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