Une balade en voiture, une course à Zémidjan, un jogging en pleine agglomération. Pourquoi pas un pique-nique au bord de mer ou une virée médiatique dans l’antre des belles de nuit au quartier chaud de Jonquet ? Agenda bien rempli pour le locataire de la Marina. On savait déjà, à la suite de confidences sur la télévision nationale, qu’il sautait de temps en temps les conseils des ministres. Désormais les Béninois sont fixés sur les passe-temps présidentiels : à la découverte des merveilles du Bénin. Par ces temps de pluies, cela devenait trop dangereux de faire voler l’hélicoptère présidentiel à la merci de l’orage et des décharges incontrôlées de la foudre. Trop risqué les descentes dans les champs de coton, sur les chantiers de construction d’ouvrages sociocommunautaires, aux obsèques d’un parent de courtisan ; ou le survol de domiciles de certains gros opérateurs privés triés sur le volet à la recherche de modèles pour les nombreux chantiers privés du docteur à Djougou, Tchaourou, Parakou.
La querelle autour de l’absence d’une gouvernance programmatique revient en surface à travers les frasques du chef de l’Etat. Le sommet de l’Etat occupé à un brin de causette à un kiosque de journaux, à un déjeuner avec des dockers, à des emplettes de galettes au coin de la rue alors que des dossiers d’intérêt national attendent d’être solutionnés. Ils sont nombreux, ces ministres incapables de localiser leur chef sur le territoire national et sont contraints de squatter les allées du palais de la présidence en espérant obtenir un avis essentiel au déblocage d’une situation pressante. Les demandeurs d’audience les plus astucieux s’amusent tout bonnement à coincer le président de la République au détour d’une de ces virées présidentielles improvisées. Le centre de gravité de l’Etat continuellement en dérangement du fait de la bougeotte permanente du docteur-président.
La thèse de l’hyperactivité, du dirigeant infatigable, préoccupé du bonheur de son peuple manque cruellement de résultats concrets sur le terrain pour être crédible. Prenons le cas des pèlerinages répétés sur les chantiers de construction. On voit bien le sourire en coin des ingénieurs à la vue du chef de l’Etat tester la solidité d’un pilier en béton en le secouant. Comble de l’hilarité lorsque face aux doléances liées aux questions de retard de décaissement, le président de la République convie les entrepreneurs à venir chercher les milliards manquants à son bureau sous 24 heures y compris un dimanche. Ce n’est pas à un docteur en économie de développement, ancien conseiller technique à la présidence de la République et ancien président d’une banque sous régionale qu’on apprendra qu’il existe des procédures avant de décaisser des fonds publics et que la présidence de la République n’est pas le siège du trésor national.
Un penseur disait que « le travail éloigne de nous l’ennui, le vice et l’oisiveté ». Peut-être que les émergents considèrent comme un travail le fait de parader au volant d’une voiture arrachée à un inconnu. Du travail également lorsqu’on décide d’aller au service à dos de taxi-moto alors que le contribuable met gracieusement à votre disposition un parc automobile très fournis et composé de véhicules de haut standing y compris pour l’escorte qui doit transporter les gardes. Du travail pour le chef de l’Etat lorsqu’il s’invite à des cérémonies mondaines (mariages, obsèques, baptêmes, séances de prières). Du travail également lorsque l’hélicoptère présidentiel se pose dans les champs de cotonniers abîmés par les mauvais intrants sans que personne n’en porte la responsabilité. A la fin, il n’y plus suffisamment de temps à consacrer au chômage systématique des jeunes, à la baisse de niveau dans les écoles, à la traque des voleurs de la République , à la hausse vertigineuse des prix de produits de première nécessité.
Le petit peuple souffre et le prince prend du plaisir…
arimi choubadé
Rédigé le 12 mai 2010