BENIN: Yayi et l'UN; le clash créé par la violation d’un pacte secret
Publié le 19 mai 2011
Ils étaient en mars 2006, les soutiens décisifs. Bruno Amoussou, Léhady Soglo, Antoine Idji Kolawolé et autres ont réussi à faire passer le Président élu Boni Yayi de 35% des suffrages exprimés à environ 75% au second tour de l’élection présidentielle. Apôtres faiseurs de Rois, ils ont été réduits au statut d’opposant sous ce même quinquennat. Que s’est-il passé entre temps ? Beaucoup de spéculations au cœur desquelles, une histoire d’accord non respecté. Après cinq ans de blackout sur ce pacte confidentiel, nous vous amenons dans les méandres d’un deal politique violé à la base d’un clash.
Lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de mars 2006. Leaders et candidats malheureux des groupes politiques ABN, RB et Madep, Bruno Amoussou, Léhady Soglo et Antoine Idji Kolawolé appellent à voter pour le premier candidat Boni Yayi. Ce vendredi soir du 17 mars 2006 à Gbégamey (un quartier de Cotonou), au quartier général de l’Alliance ABN, l’instant était historique et plein de suspens.
Les résultats du deuxième tour de la présidentielle étaient connus dès lors que Nicéphore Soglo, Bruno Amoussou et leurs alliés ont balancé dans le camp du candidat Boni Yayi. Celui-ci était ainsi élu avant la date du scrutin. On peut alors aisément imaginer le poids de ce soutien dans l’élection du Chef de l’Etat Boni Yayi en 2006. Et pourtant à quelques heures de leur déclaration de soutien ce 17 mars, ils étaient toujours annoncés aux côtés de Me Adrien Houngbédji. Un accord signé aux dernières heures a fait basculer les donnes.
L’existence effective d’un accord secret !
« Nous devons être partie prenante de ce changement qui remettra le Bénin sur les rails d’un développement harmonieux et durable, un développement que vous et moi avons déjà eu l’occasion de prôner et d’expérimenter avec succès de mars 1990 à mars 1996 et qui rimera avec justice sociale et paix », déclarait Nicéphore Soglo.
Avant que ce vendredi 17 mars 2006, l’ancien Président de la République, leader charismatique ne se résolve à faire cette déclaration de soutien à Boni Yayi sous les projecteurs de la presse nationale et internationale, il était quelques heures plutôt avec son parti Renaissance du Bénin, l’Alliance ABN et le Madep dans les coulisses qui ont défini les termes du partenariat avec le candidat Boni Yayi. Ce pacte secret intitulé « Protocole portant partenariat politique » a été paraphé et signé le même jour que la déclaration de soutien.
Cosignés par le candidat Boni Yayi et Bruno Amoussou, Léhady Soglo et Antoine Idji Kolawolé, l’accord définissait clairement les conditions du soutien au candidat Boni Yayi qui se déclinent en modalités de cogestion du pouvoir d’Etat. Contrairement aux préjugés ancrés dans l’opinion publique, cet accord a édicté dans ses objectifs des valeurs certaines de démocratie et de développement national.
On peut lire entre autres au titre des engagements souscrits par les deux parties dans ce protocole, la promotion et le renforcement de la bonne gouvernance aux plans politique, économique et socio-culturel, « combattre avec détermination la corruption et l’impunité, renforcer la lutte contre l’insécurité grandissante dans nos villes et campagnes, … faire de la lutte contre le chômage, notamment celui des jeunes une priorité etc. ». Des engagements qui contrastent foncièrement avec ceux que l’opinion générale a jusqu’à présent stigmatisés.
Néanmoins il n’en demeure pas moins vrai qu’à cette table du protocole de partenariat, un véritable partage du gâteau a été opéré. Aux côtés des valeurs de gouvernance sus-énoncées, ces partis politiques n’ont pas occulté de se partager les portefeuilles ministériels ainsi que divers postes de commandement, de la diplomatie, de la haute administration et des sociétés d’Etat.
Une table de répartition a même été définie à cet effet et fait office d’annexe audit protocole. C’est donc sur la base d’un accord qui exprime sans équivoque les objectifs de gouvernance et les engagements des parties que l’ABN, la RB et le Madep ont effectué l’appel du 17 mars 2006.
Pacte à interprétations multiples
Difficile de croire qu’en apportant son soutien à Boni Yayi et qu’en déclarant urbi et orbi ce vendredi 17 mars à ses électeurs que « … les résultats du 1 er tour de l’élection présidentielle qui a eu lieu le dimanche 5 mars 2006, sont révélateurs de votre demande de mutation profonde et de changement, pour vivre mieux, pour marcher vers une nouvelle espérance, face à l’extension de la pauvreté et à l’effondrement de la production nationale », qu’on en vienne à voir Amoussou Bruno dans l’opposition sur presqu’entièrement les cinq années du mandat de Boni Yayi.
A la base de cette distance observée dans le rang des anciens alliés de Boni Yayi durant le quinquennat de ce dernier, aussi bien les partisans du Chef de l’Etat que ses anciens alliés devenus opposants évoquent le fameux protocole de partenariat. Seulement, ils le font sous des angles bien différents. Pour l’opposition demeurée durant les cinq années très laconique sur le sujet, il s’agirait d’une crise de confiance profonde envers un partenaire qui aurait manqué d’honorer à ses engagements.
Les partisans du Chef de l’Etat ont soutenu, quant à eux, notamment à travers son Conseiller Spécial Amos Elègbè et le Mouvement des Jeunes Patriotes, l’impossibilité pour Boni Yayi de satisfaire des clauses léonines qui partagent le « pays comme un gâteau ».
Violation et clash !
Mais à la lecture de ce pacte longtemps gardé loin des yeux indiscrets, quelques fois faussement agité à distance et exhibé comme le pacte secret pour soutenir les commentaires partisans, l’on se rend compte qu’il n’a pas été à maints égards, respecté. En se limitant aux engagements des parties stipulés dans ce protocole, le constat de la violation est sans équivoque.
En effet, il est mis à la charge de l’ABN, la Rb et le Madep à titre principal dans cet accord, de « faire une déclaration publique dans les meilleurs délais, appelant tous leurs électeurs du 1er tour à porter leur choix sur le candidat Boni Yayi » et de faire une campagne électorale active et visible en faveur du candidat Boni Yayi.
Les conditions exceptionnelles d’organisation du second tour ne permettant plus l’ouverture de campagne électorale, ces partis sont d’office dégagés de cette dernière obligation. Quant à l’appel, il a eu effectivement lieu dans la même journée du 17 mars 2006 à Cotonou à grand renfort médiatique. On peut ainsi considérer que cette partie a rempli les termes de ses engagements.
Par contre, il n’est pas aisé de dire autant de l’autre partie. Au vu des engagements souscrits par Boni Yayi, il est mis à sa charge de « considérer Messieurs Bruno Amoussou, Léhady Soglo et Idji Kolawolé comme partenaires politiques de premier ordre dans la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat ».
En cas de victoires des clauses plus pointues formulées dans l’annexe au protocole conviennent que « les différents postes ministériels sont répartis à parts égales entre les deux parties selon la typologie ci-après ministères de souveraineté, ministères économiques et techniques et ministères sociaux et culturels …».
Mais la configuration politique du premier gouvernement de Boni Yayi rendu public le 8 Avril 2006, est loin de présenter l’allure convenue dans le protocole. 4 portefeuilles ministériels sur 21 sont attribués à ce bloc. L’ABN s’en sort avec deux postes qu’occupent Théophile Montcho et Jocelyn Degbe en l’occurrence le Ministère de la Culture et des Sports et le Ministère des Mines Energies et Eaux.
Le Madep obtient le seul portefeuille du Ministère de la Protection de la Nature avec Jean-Pierre Babatounde et enfin la Rb qui se contente du Ministère de la Justice et des Relations avec les Institutions, Abraham Zinzindohoué. Le gain est en flagrante disproportion avec les termes de l’accord. Et c’est la porte ouverte aux méfiances réciproques.
Puis le clash que va consacrer le second gouvernement formé le 9 janvier 2007 qui signe le renvoi de tous les représentants du bloc ABN, RB et MADEP. Depuis la guerre est ouverte et les positions vont radicalisant jusqu’à l’avènement de l’alliance Union fait la Nation qui se positionne comme une opposition radicale au pouvoir de Boni Yayi.
Médard GANDONOU
L'Evènement Précis