Campagne agitée pour l’élection du bâtonnier de Paris
Avocats / vendredi 19 novembre par Nicolas Beau
La candidate à la vice-présidence du bâtonnat de Paris, le plus important barreau de France, est en butte à de violentes critiques pour avoir créé des sociétés commerciales au sein de son cabinet d’avocats.
Bienvenue dans le monde feutré mais impitoyable des avocats parisiens
La campagne pour l’élection du futur bâtonnier de Paris, qui aura lieu les mardi 30 novembre et jeudi 2 décembre, ne se fait pas à fleurets mouchetés. Pour séduire les 22500 avocats du barreau de Paris, le plus important de France, les six candidats à cette prestigieuse charge, accompagnés de leurs vice-bâtonniers, mènent une véritable campagne politique. Les réunions se multiplient dans les grands cabinets parisiens, transformés pour le temps d’une soirée en un préau électoral ; et les ragots volent bas dans une profession de paons où, depuis Daumier, la robe fait le moine.
L’enjeu de l’élection du bâtonnier, c’est l’égo !
Six candidats se présentent au bâtonnat de Paris. Les outsiders, Jean Balan, Bruno Toussaint et Gérard Coscas, ne sont pas des célébrités. Tout aussi inconnus du grand public, les trois favoris sont Christiane Féral-Schulhl, spécialiste du cyberdroit et de l’e-commerce ; Brigitte Longuet, plus branchée sur l’immobilier et épouse de l’ex-futur ministre et Pierre Olivier Sur, un de ces grands avocats pénalistes, qui penchent à gauche pour les droits de la défense et à droite pour la composition de leur clientèle.
Deux femmes sur les trois prétendants, ce qui n’est que justice dans une profession désormais largement féminisée. Et encore Pierre Olivier Sur, le favori pour l’instant, fait campagne avec comme vice bâtonnière l’avocate Catherine Paley-Vincent. Pour l’instant et depuis le XVIe siècle, date de la création du barreau, une seule femme a été élue en 1998.
L’enjeu est de taille, c’est l’égo du futur vainqueur, dans un monde de paons. Qui évoquera le fait qu’un avocat sur cinq est au salaire minimum ? Et que plusieurs milliers d’entre eux ont déposé leur bilan ? Personne ou presque, le seul grand débat de fond évoqué est la création de « l’avocat en entreprise », une réforme libérale qui est le cheval de bataille des grands cabinets anglo-saxons, qui pèsent lourd dans l’élection (6000 avocats sur 22000). Les derniers parrains de l’école de formation du barreau n’étaient autres que Christine Lagarde et Jacques Attali, c’est dire.
Un trésor de guerre de trois milliards d’euros
Le Barreau de Paris est riche, fort riche. Le trésor de guerre de trois milliards dont les revenus - 200 millions - sont gérés par la BNP dont l’ordre des avocats de Paris est le deuxième plus gros client. Ces fonds permettent de financer le fonctionnement de l’Ordre (et ses frasques comme Bakchich l’avait raconté, lors de sorties un peu arrosées), l’aide juridictionnelle et la formation des avocats.
Le Barreau est surtout le principal interlocuteur du garde des sceaux et d’un Président de la République, avocat lui même et, paraît-il, à jour de ses cotisations. Autant dire que la lutte est féroce et tous les coups sont permis.
Louis Blanc, reviens, ils sont devenus fous
Utilement, cette campagne est enfin l’occasion de découvrir quelques pratiques peu avouables dans une profession généralement épargnée par la presse avec laquelle les grands ténors du barreau entretiennent des relations habilement négociées, à coup de PV fournis et d’infos distillées.
Le cas de Catherine Paley-Vincent, qui fait équipe avec Maitre Sur, pose un sérieux problème. Et effet, le cabinet Ginestié-Magellan-Paley Vincent, qu’elle a créé avec ses associés, a créé une filiale, la société commerciale GMG, dont l’unique objectif est de salarier les membres non avocats du cabinet.
Plus étrange, cette entité dégage des bénéfices que se partagent seulement certains associés du cabinet en question, dont madame Paley Vincent, à hauteur de 18%. « Des bénéfices à GMG, mais vous plaisantez », a expliqué cette dernière à Bakchich. On comprend ses dénégations. Les avocats, s’ils ont la possibilité de se constituer en société civile de moyens, sans marges bénéficiaires, ne sauraient se livrer, d’après la loi, à des activités commerciales.
Hélas pour Maitre Paley-Vincent, l’extrait Kbis du tribunal de commerce indique clairement que la société GMG indique le montant des dividendes dégagés, entre 260000 euros et 330000 euros. Lesquels dividendes commerciaux sont naturellement soumis à un régime fiscal moins sévère que le bénéfice d’un cabinet d’avocats ordinaire. Malheureusement, explique un avocat bien informé, l’activité de cette coquille juridique s’apparente à « un prêt illicite de main d’œuvre », une opération interdite depuis…la constitution de 1848, rédigée par le républicain Louis Blanc et quelques autres.
Et ce n’est pas tout. Le même cabinet décidément créatif, qui a pignon sur rue place des Etats-Unis dans le cossu seizième arrondissement, a créé une deuxième société, Ginerativ, dédiée à la conception d’actes juridiques commercialisés auprès des experts comptables. De façon illégale là aussi, les jeunes collaborateurs du cabinet sont censés participer à la mise à jour de ces logiciels, et cela de façon bénévole, pour le plus grand profit de Maitre Ginestié, le gérant de Ginerativ. Or chacun sait que deux anciens collaborateurs du cabinet Ginestié Magellan Paley-Vincent ont porté plainte devant le Conseil de l’Ordre pour obtenir le paiement de leurs prestations. La procédure traine depuis huit mois.
De tels arrangements avec le droit sont d’autant plus surprenants que Catherine Paley-Vincent préside le comité d’éthique au sein de l’Ordre des avocats. La femme de César se doit d’être irréprochable et une candidate à la vice-présidence de l’Ordre des Avocats également.
Source: http://www.bakchich.info