Le Bénin profond s’échauffe
La crise autour de l’arrestation du maire Clément Gnonlonfoun de Dangbo et de son Csaf, a tous les ingrédients d’un conflit qui pourrait se généraliser dans le pays, quelle que soit l’issue du procès. Que les camps politiques qui sont presque rangés en ordre d’invectives mutuelles pour ne pas dire de bataille, y pensent avant d’aller plus loin dans les jets de pierres – symboliques jusque là – qu’ils se lancent, et dans leurs réponses du berger à la bergère, en l’absence de véritables débats contradictoires qui auraient servi d’exutoire aux violences et auraient éclairé un peu plus l’opinion inquiétée.
Combien de communes n’ont pas les ingrédients que voici ? Contentieux et conflits électoraux toujours pas entièrement vidés depuis avril 2008. Des élus locaux difficilement installés et mécontents d’un mandat tronqué.
Des rancœurs et des haines ainsi attisées par la politique, au sein de villages et de hameaux qui se divisent jusqu’aux familles et qui puisent du vénin supplémentaire dans les haines ancestrales et les différences religieuses. Au point où, même au sein du même groupe ethnique et de la même mouvance politique, des intérêts opposent des gens portés de moins en moins à négocier ou à simplement accepter de dialoguer. Et comme ces fiels locaux sont le fumier sur lequel les acteurs rivaux au niveau central ou national cultivent leurs bases, les idées et les débats de projets de développement ont de moins en moins droit de cité, dans un contexte où les avantages à se partager s’amenuisent désespérément. Alors le mouvement tenté et laissé à queue de poisson, de multiplier des départements presque infiniment est relayé au niveau local par les tentatives de division de communes pour la multiplication de fiefs de contrôle – ou faut-il dire fiels ? – et des découpages électoraux. Dans presque toutes les communes du Bénin, la plupart de ces éléments de ce cocktail molotov sont en combustion.
A des degrés et selon des versions variées, la crise qui monte de la vallée, mine les plateaux, secoue les collines et tout le Bénin profond s’échauffe sans que le phénomène ne soit analysé dans sa totalité. Alors que les projecteurs sont sur les antagonismes Yayi-Tchané, mouvance-opposition et sur les misères des médias, l’affaire Gnonlonfoun, la situation se détériore encore plus dans le Bénin profond. L’opinion publique a besoin d’en prendre conscience.
Abbé André S. Quenum
Source: La Croix du Bénin 23/10/09