28-01-2010
Le Bénin, un pays sans Etat ?
Écrit par Paul Emile da Silva
Conducteur de taxi-moto chargé de quatre paquets de ciment posés sur le réservoir à essence avec protubérance sur le guidon et deux autres paquets posés en liberté sur le siège arrière et le conducteur lui-même posé au milieu de l’attirail comme zombie raide fixant devant lui un horizon vidé de tout espoir, une mère de famille amenant ses enfants à l’école ou les en ramenant, deux accrochés à elle sur le siège arrière de la motocyclette et le troisième debout entre ses jambes sur la courbe conduisant au guidon et elle-même au milieu de la marmaille, guidant vaille que vaille le cortège vers un horizon vidé de tout espoir, ce sont scènes de misère véritable, mais devenues si courantes à Cotonou qu’elles en sont devenues normales.
Et pourtant, un nez à nez soudain avec un passant qui traverse sans faire attention ou avec un incontinent qui a brûlé le feu rouge de l’autre côté (et ce ne sont pas distraction et indiscipline qui manquent à Cotonou), et le désespoir bascule dans le noir profond, la jeune fonctionnaire et ses enfants projetée sur le pavé ou sur ce qui reste de l’asphalte, le jeune conducteur de taxi-moto gigotant et gémissant sous quelques paquets de ciment et sous une moto qui pourrait s’enflammer à tout moment. Et l’on passe sous silence la présence des bus sans contrôle technique dont les conducteurs sans papier circulent librement à travers le pays au nom d’un contrat occulte passé avec les policiers à qui ils payent régulièrement une redevance, grâce à quoi ils font ce qu’ils veulent et surchargent autant qu’ils peuvent, sans jamais être inquiétés.
Ailleurs, un gouvernement responsable aiguillonné par un parlement responsable aurait voté des lois pour interdire de telles surcharges et pris des mesures pour civiliser les conditions de transport, car gouvernement et parlement responsables sont au service de la sécurité tous azimuts des citoyens. Mais où trouver au Bénin des politiques responsables ? Dans tel ministère, il se murmure aujourd’hui que ‘‘tout le monde connaît la vision du ministre, c’est la bouffe !’’.
Bouffer en écoutant la petite musique de fond du gémissement et du râle des citoyens qui souffrent et meurent pour cause d’incompétence de l’Etat. Et l’on a mal au cœur de penser que l’ex Jeanne d’Arc de la société civile ainsi que PIK l’intègre cautionnent l’intolérable de la cité Bénin laissée à l’abandon. Car il n’y en a pas que pour Cotonou, c’est tout le Bénin qui se retrouve livré au manque de patriotisme de ses dirigeants, au triste sort des pays sans état, pirates et factions de guerre en moins.
Paul Emile da Silva