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LETTRE OUVERTE DE L'HONORABLE ASSAN SEIBOU à Boni YAYI (suite)

 

A-   Le soutien aux opérateurs économiques béninois

S’il se pose une énigme aux Béninois aujourd’hui, c’est bien l’acharnement du président contre les opérateurs économiques de nationalité béninoise. Interrogez l’un quelconque d’entre eux, parmi les plus connus et les plus actifs avant 2006, sur ses relations avec le pouvoir. Vous en serez médusé. Une chronique plus qu’édifiante.

1-    Séfou FAGBOHOUN, actionnaire majoritaire de la SONACOP au nom du groupe CPI au sein duquel il ne détient qu’une part du capital, est suspecté  par la commission bancaire de l’UEMOA d’avoir acheté la SONACOP avec l’argent de la SONACOP. Le ministre des Finances Abdoulaye BIO TCHANE décide de poursuivre les investigations et de clarifier la situation par tous les moyens ;  mais peu après il quitte le gouvernement pour un poste au Fonds monétaire international. Le président KEREKOU suit le dossier de plus près, il veut comprendre comment un acquéreur peut racheter une affaire avec l’argent du  vendeur. Les relations se détériorent entre KEREKOU et FAGBOHOUN, deux amis de longue date.  YAYI succède à KEREKOU et, quelques semaines après, sans aucun mandat judiciaire relatif à l’affaire, jette FAGBOHOUN en prison durant deux ans,  bloque ses comptes bancaires à l’étranger (encore à ce jour), saisit ses terrains nantis de titres fonciers et les rétrocède à un expatrié  malgré les actes judiciaires qui l’interdisent. Voilà comment, par l’exercice arbitraire du pouvoir, un homme d’affaires a été détruit au prétexte d’une dette commerciale pour laquelle, en définitive, la justice n’a retenu aucune charge contre lui. La presse nous apprend que YAYI tente publiquement d’obtenir le pardon de FAGBOHOUN. Question : les poursuites, était-ce désir de justice ou volonté de nuire ?

2-    Séverin ADJOVI, un autre chef d’entreprise de renom, a mis en émoi l’auditoire de l’émission télévisée où il a livré d’étourdissantes révélations sur le harcèlement et les persécutions dont il est l’objet. En cause : le pouvoir qui tente de le contraindre à  vendre ses parts dans une société qu’il a  lui-même créée de longue date. L’homme d’affaires dénonçait, en particulier, le fait que la dépossession se tramait au profit de firmes étrangères, pas même pour d’éventuels sociétaires béninois.

3-    L’épisode ADJOVI, ne l’oublions pas, fait partie d’un plan de mise à mort d’entreprises autochtones connues pour offrir aux populations des services à bas prix : il suffit que leurs promoteurs apparaissent politiquement indociles aux yeux du pouvoir.  Sous prétexte  de recouvrer les pertes causées à l’Etat dans les contrats avec les opérateurs GSM, un réseau comme BELL BENIN, le moins cher pour le consommateur, se verra torpillé par une dynamite fiscale de plusieurs milliards de francs alors que, à ce jour, nul ne sait lesquelles des autres sociétés indexées se sont acquittées du passif et pour quel montant. De sources dignes de foi, certaines (multinationales) seraient simplement exemptées. Par la même occasion, le gouvernement ouvre un boulevard à un nouveau concurrent extérieur sur le marché national… bien malin qui saura à quelles conditions.        

4-    Patrice TALON : l’homme que j’ai vu lors de la campagne électorale en 2006, déterminé à porter YAYI au pouvoir (on dit qu’il y a investi des milliards et serait le financier principal de la campagne). Je l’ai vu mener d’épuisantes  négociations à la recherche d’alliances entre les deux tours. Cet homme effacé et humble, ne tarde pas à se rebiffer peu après l’investiture et, en 2007, apparaît  aux côtés d’AMOUSSOU Bruno, son ennemi déclaré un an plus tôt, pour la conquête du pouvoir législatif contre YAYI. Devinez ce qui s’est passé. Un indice connu : le gouvernement venait d’annuler la procédure de privatisation de la SONAPRA après que TALON en a été déclaré adjudicataire. La société ne lui sera cédée qu’un an plus tard, après avoir subi une réduction de son portefeuille et, surtout,  une mémorable saignée financière (FAGNON, le bouillant ministre de YAYI BONI, en était le directeur général sur qui pèsent à ce jour, des soupçons de malversations chiffrées à une cinquantaine de milliards FCFA).

5-    Issa SALIFOU dit SALEY : l’homme qui aura tout enduré sous le changement. A maintes reprises, il subit des redressements fiscaux abusifs, des avis de compensation entre BELL BENIN et LIBERCOM largement au-delà de ce qu’il doit… Vous vous souvenez qu’à la demande du président de la République,  SALEY devait être déchu de son mandat de député si l’hémicycle ne s’était mobilisé en sa faveur. Et aujourd’hui il paraît qu’il essuie une obstruction ouverte de la part du chef de l’Etat dans une transaction internationale dont dépend la survie de ses entreprises.

6-    La télévision nous a récemment montré un autre ami de YAYI appelé Martin RODRIGUEZ, aujourd’hui installé en Côte d’Ivoire où il promeut de formidables projets de développement, qu’il dit malheureusement ne pas pouvoir réaliser au Bénin parce que bloqué par la mesquinerie (en parler local «la béninoiserie») des gouvernants de ce pays. Nous avons tous éprouvé une vive émotion à entendre la complainte d’un  entrepreneur aussi nationaliste, harcelé jusqu’à l’exil par le pouvoir dans un contentieux qu’il voulait sincèrement régler à l’amiable avec l’Etat. Nous apprenons que M. RODRIGUEZ est de nouveau courtisé par le gouvernement, pour une tout autre raison : il en sait long sur l’affaire de l’avion présidentiel, un autre scandale dans lequel s’est englué le gouvernement du changement.

7-    Je n’ai pas besoin d’étaler tous les cas, d’El Hadj DAOUDA LAWAL à SALIFOU dit SASIF, en passant par Charles TOKO, Edmond   AGOUA, VENANCE GNIGLA, CHANVOEDO…Approchez ceux parmi eux qui ont fini d’avoir peur et vous aurez peur pour notre pays.

L’analyse de cet incroyable feuilleton montre que les opérateurs victimes de telles persécutions sont ceux dont la dimension économique et l’influence sociale constitueraient un obstacle pour le pouvoir monocratique. Un régime qui, vous le voyez, ne peut s’accommoder que de fabrications sur mesure, il se crée donc cette  poignée de nouveaux riches, la seule classe économique agréée de nos jours : elle ne compte que quelques amis ou parents du président, des directeurs de société d’Etat et des caciques du régime…

                                                                                     

B-    La maîtrise des dossiers d’Etat

Quatre ans durant, j’ai suivi les interventions du président YAYI BONI sur la gestion des dossiers de l’Etat. Je ne vis pas dans un autre pays que le nôtre, mais comme vous, je voyage un peu, je lis aussi, j’en apprends sur la façon dont travaillent les présidents de la République. J’ai également observé à l’œuvre les présidents KEREKOU et SOGLO, les seuls par qui ma génération a pris conscience de ce qu’est  véritablement un chef d’Etat. Je me surprends à comparer entre elles leurs différentes méthodes de travail, et plus volontiers les deux premières, véritables écoles,  à celle du président YAYI.

8-    YAYI BONI restera probablement le seul président de notre République à professer publiquement, en direct sur l’écran, qu’il ne participe pas souvent au Conseil des ministres et que les décisions prises en son absence ne l’engagent pas. Cet organe est et demeure jusqu’à nouvel ordre l’instance suprême de la décision gouvernementale… De même, qui d’entre nous n’a  été abasourdi quand, en réaction  aux lacunes d’un collectif budgétaire soumis à  l’Assemblée nationale par le gouvernement, le président YAYI a déclaré ne pas avoir « le temps de lire ces choses » et qu’il avait « mieux à faire ». C’est dire que le chef ne lit pas et ne connaît pas le contenu des dossiers !! Cela n’est pas étonnant car tout porte à croire que le président improvise les tournées tous les jours pour éviter d’avoir à lire les dossiers. Dans ces conditions, qui connaît les dossiers, qui nous gouverne réellement ? Les Béninois se rappellent comment un ministre du président SOGLO s’est couvert de ridicule pour avoir dit à la télévision qu’il avait, comme il est courant chez les ministres selon lui, signé un document sans y faire attention et ne savait donc pas le contenu de l’engagement signé : ledit ministre perdait son portefeuille  peu après. Ici, c’est le président de la République lui-même qui avoue quelque chose dans le genre, et qui engage l’Etat. Rire ou pleurer ?

9-    Les improvisations !!! Dans toutes les démocraties, lorsqu’un  gouvernement est accusé d’improvisation et de pilotage à vue, il s’en défend vaillamment, à moins de briguer la palme de l’incompétence et de l’incapacité. Dans le Bénin d’aujourd’hui, la chose n’émeut plus personne, tant elle est quotidienne. La gratuité de la césarienne, la gratuité de l’école, l’inscription en ligne des étudiants, les machines agricoles, l’aéroport de TOUROU, le microcrédit aux plus pauvres, les visites officielles sur le terrain, les visites d’Etat (où il arrive qu’on nous mette en attente ou qu’on nous reçoive au stade),…, ont été décidés ou lancés sans étude préalable et parfois sans avoir été budgétisés. Nous sommes habitués au Bénin, à la justification après coup de projets démarrés, bien moins à l’étude avant réalisation.

Les improvisations sont en réalité la conséquence d’un esprit brouillon dans la gestion de la chose publique aggravé par le fait que le chef lui-même se dispense de lire les dossiers pour les maîtriser. Cela rejaillit inévitablement sur la nature des décisions souvent fébriles au sommet de l’Etat, comme si à chaque fois le chef découvre qu’on l’a trompé ou qu’il s’est trompé, car ce sont les conseillers et courtisans qui gouvernent au gré de leurs intérêts. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à considérer le nombre des nominations et des révocations spectaculaires dans les ministères et à la tête des sociétés et offices d’Etat. Au nom des courtisans et « conseillers-chefs d’Etat », bonjour les dérives.     

Tag(s) : #Politique Béninoise
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