29/08/2014
NIGER : HAMA AMADOU, le Président de l'Assemblée Nationale s'adresse à ses compatriotes depuis son exil du Burkina Faso
Nigériennes, Nigériens,
Mes chers compatriotes,
J’ai décidé, aujourd’hui, après un an de harcèlements et d’acharnements politiques, et à la lumière des intentions malveillantes du pouvoir en place à l’endroit de ma personne, de vous parler de cette situation insolite et pleine de périls dans laquelle s’est retrouvé notre pays par la seule faute du président de la République; une situation qui, vous e savez autant que moi, augure d’une instabilité institutionnelle et politique prévisible. Lorsqu’on peut se permettre, parce qu’on dispose de la force publique, de mettre la main sur un citoyen et le jeter en prison quand on veut et comme on veut, alors, plus personne n’est en sécurité.
En violation flagrante des dispositions constitutionnelles, des principes du droit universel, des principes démocratiques ainsi que les intérêts du peuple nigérien, lssoufou Mahamadou nous replonge dans les affres d’une crise institutionnelle et politique dont nous n’avons que faire et dont personne ne peut soupçonner les conséquences désastreuses sur notre pays.
J’ai décidé de revenir sur ces harcèlements afin que les Nigériennes et les Nigériens, qu’ils soient militants de partis politiques ou membres de la société civile ; qu’ils soient pour ou contre les agissements intolérables du pouvoir en place, sachent qu’on ne construit pas un pays, encore moins une nation, sur le terreau de ‘injustice et de la primauté de la force.
On ne consolide pas, non plus, les bases de la démocratie et de la République en détruisant les fondements que sont, entre autres, le respect de la Constitution; le respect de la Charte des partis politiques et du Statut de l’Opposition l’égalité des citoyens devant la loi.
On ne consolide pas, dis-je, la République et la démocratie pour laquelle nos compatriotes ont payé le prix fort, en déstabilisant les partis politiques et en usant de faux complots pour éliminer des adversaires politiques.
Or, je suis, depuis 12 mois, victime d’un acharnement et d’un harcèlement aussi intolérables qu’injustifiés.
On a fait de ma destruction personnelle et de l’ensevelissement de mon parti, le Moden Fa Lumana Africa, la priorité des priorités à la tête de l’État alors que dans les mêmes moments, des millions de nos compatriotes sont dangereusement menacés dans leur existence, soit par une famine en perspective; soit par les inondations qui les ont pratiquement dépouillés de tout.
Pour mémoire, le 22 août 2013, le MODEN/FA LUMANA AFRICA-AFRICA décidait de se retirer de la MRN (mouvance au pouvoir), clamant ainsi sa souveraineté et son opposition à toute idée de main basse sur le Niger. Ce qui, manifestement,
Constituait un crime de lèse-majesté qu’on a décidé de nous faire payer, en usant de moyens frauduleux et déloyaux, voire, en violant la Constitution de notre pays.
Mais, doit-on réellement s’en étonner outre mesure lorsque ceux qui en sont les auteurs n’ont pas hésité un instant à violer leur serment coranique? Assurément, non.
Le 22 septembre 2013, soit un mois à peine depuis le retrait de mon parti de la MRN, sur RFI, Hassoumi Massoudou, ministre de l’intérieur, affirme à propos des leaders de l’opposition, moi en particulier, qu’ils sauront « les isoler et les traiter comme tels». Une menace sans détours qui ne tardera pas à se matérialiser puisque, dès le 5 octobre 2013, le même Hassoumi Massoudou décidait de la réduction drastique de ma garde rapprochée, ramenée à 5 éléments.
Nos compatriotes n’avaient pas fini de disserter sur cette façon singulière de gouverner lorsque, dans la nuit du 16 au 17 février 2014, un tir d’arme à feu vise ma résidence, au moment où j’étais en mission à Téhéran (IRAN). Ce tir comminatoire est, en langage clair, un avertissement, une façon de me dire que les commanditaires sont prêts à aller jusqu’à l’extrême.
Et bien évidemment, comme on s’y attendait, le ministre de l’intérieur, Hassoumi Massoudou, refuse de laisser l’enquête se poursuivre, limogeant pour cela, le directeur général de la police nationale qui refusé de marcher dans sa combine.
Habitués du fait, ils entreprennent de se donner toutes les chances de me démettre de la présidence de ‘Assemblée nationale en achetant la conscience de certains députés à qui de l’argent a été proposé pour voter une motion de défiance contre moi.
Mais, l’argent ne suffit pas à avoir tout.
Leur sale besogne a connu ses limites objectives d’autant plus que des députés, qui ont compris l’enjeu pour le Niger et son peuple, ont catégoriquement rejeté l’offre qui, je le souligne, vient parfois directement du président de la République et même d’autres personnalités insoupçonnées de la République.
C’est pratiquement rassurés sur leur moisson que le 19 avril 2014, la majorité parlementaire a donné un point de presse au cours duquel elle annonce que leur seul objectif est de débarquer le président de l’Assemblée nationale, du seul fait qu’il est un opposant et qu’à ce titre ne saurait être à la tête de l’Assemblée.
L’acharnement et le harcèlement atteindront leur paroxysme lorsque le 2 mai 2014, le ministre de l’intérieur décidait du retrait de l’ensemble des agents de la police et de la garde nationale qui composaient ce qui restait de ma garde rapprochée, excepté l’Aide de Camp, le Coi Abdouikarim Soumaila et un autre militaire, le caporal Boureima Moussa dit Commando.
Il poussera le cynisme jusqu’à rencontrer, le 4 mai 2014, les compagnies privées de sécurité pour leur interdire formellement, sous peine de sanctions, de louer leurs services au président de ‘Assemblée nationale. Puis, pour achever le travail qui consistait à me dépouiller de toute protection, les mai 2014, mon aide de camp, à son tour, est relevé de ses fonctions par décret 2014-338/PRN/MDN du OS mai 2014, sans être remplacé.
Cet acharnement à me détruire ne se limite pas à ma personne. Ceux qui sont prêts à mettre toutes les recettes de ‘État dans cette sordide entreprise, ont décidé aussi de s’en prendre parallèlement à mes collaborateurs et à mes proches. C’est dans cette logique que des militants de mon parti ont été arrêtés sur des bases totalement fausses. L’alibi, c’est un complot monté de toutes pièces autour d’une prétendue attaque qui aurait visé, dans la nuit du 19 au 20 mai 2014, le domicile d’un député membre du bureau de l’Assemblée nationale. Cela a suffi pour que, sur la base d’aucune preuve, des militants de mon parti soient arrêtés, certains ayant été illégalement détenus en prison pendant plus de trois mois, malgré la décision de relaxe du juge, fondée sur la vacuité totale du dossier.
Le 17juin 2014, le Caporal Boureima Moussa dit Commando, le seul militaire qui restait de ma sécurité, est mis aux arrêts de rigueur pour avoir opté pour la démission plutôt que d’accepter l’affection qu’on voulait lui imposer, conscient que l’objectif visé n’a rien de professionnel mais relève plutôt du règlement de compte politique.
Ayant jusqu’ici échoué dans toutes leurs tentatives et se rendant compte qu’ils sont en train de perdre des soutiens à l’Assemblée nationale, le Président lssoufou Mahamadou décide de changer de registre et d’user d’autres moyens …en s’attaquant à des symboles sacrés dans notre société, à savoir la famille. Ainsi, le 22 juin 2024, mon épouse est interpellée à la police judiciaire, en même temps que 29 autres, pour une soi-disant supposition d’enfants pour laquelle elles croupissent, depuis le 25juin 2014, en prison, sans la moindre preuve.
C’est de cette affaire que Issoufou Mahamadou abuse, alors même que la justice elle-même a avoué ne disposer d’aucune preuve.
li peut continuer à abuser du pouvoir d’État pour régler ses comptes politiques et prospérer dans le seul registre dans lequel ils excellent, le détournement des deniers publics.
Il peut me faire arrêter illégalement en violant la Constitution, mais il ne pourra jamais vaincre la volonté partagée de toutes ces Nigériennes et de tous ces Nigériens qui sont déterminés à se battre pour refuser la pensée unique.
Il peut violer les lois et règlements de notre pays pour me faire arrêter mais il trouvera toujours d’autres HAMA AMADOU sur son chemin.
À mes compatriotes de tous bords politiques et de toutes confessions, je voudrais dire que plus personne n’est en sécurité, y compris ceux qui, pour des motivations diverses, auront contribué à favoriser la naissance d’un monstre qui finira par les dévorer tous.
Quant à moi, je m’en remets à Dieu, convaincu qu’il séparera le bon grain de l’ivraie.
Que Dieu préserve le Niger et son peuple de leurs intentions malveillantes.
COMMUNIQUE DE PRESSE DE LA COORDINATION LUMANA France
Face à la détérioration continue du climat socio-politique Nigérien notamment au vu des faits de ces dernières 48 h, la coordination LUMANA de France assiste avec tristesse à l’instrumentalisation de l’appareil administratif et judiciaire de l’Etat par un régime dont la gouvernance politique se caractérise tout simplement par un gangstérisme d’Etat.
En effet comment comprendre, qu’en dehors de tout respect de la loi fondamentale qu’est la constitution nigérienne, du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le gouvernement utilise l’appareil judiciaire et policier de l’Etat afin, au mieux, d’emprisonner le président de l’assemblée nationale ?
Le fait reproché au président Hama Amadou serait lié l’affaire dite « Trafic de bébés ».
Même si cette affaire de droit commun à laquelle on sent un fort parfum politique mérite un traitement objectif par l’appareil judiciaire, force est de constater qu’elle est indéniablement instrumentalisée à des fins de liquidation politique.
Comment continuer à faire confiance à un appareil d’Etat dont les animateurs et acteurs principaux se trouvent être les mêmes que ceux qui ont animé le « Tazartché » qui reste dans la mémoire collective comme un triste épisode de la démocratie nigérienne ?
Comment continuer à faire confiance à un gouvernement ayant une lecture très étriquée des dispositions constitutionnelles aux fins d’emprisonner le Président de l’assemblée ? Est-ce sont ceux-là qui se targuent partout d’être des démocrates exemplaires ?
Comment admettre, que composé de 13 membres, cette requête non seulement ne s’appuyant sur aucune base juridiquement fondée, ne soit adressée qu’aux seuls membres de la mouvance présidentielle alors que toute correspondance adressée à l’institution et de surcroit celle-là, doit être adressée à son Président ?
Comment ces « pseudo démocrates » peuvent-ils prétendre d’une quelconque légitimité alors qu’ils sont entourés de conseillers ou propagandistes qui sont des individus ne s’épanouissant que dans une situation chaotique car leurs principes démocratiques se situent entre le régime de Vichy et le régime Nazi ?
Comme nous le craignions, nous assistons au glissement du pouvoir actuel vers un contexte socio-politique où les libertés individuelles et la sécurité des citoyens sont menacées, particulièrement ceux dont le seul tort est de croire à un autre Niger différent de celui que le Guri Système est en train de mettre en place.
Nous demandons à l’ensemble des démocrates Nigériens de faire face à une dictature dont l’installation ne fait aucun doute.
Nous accusons Mahamadou ISSOUFOU de faire peser sur le Niger une menace d’implosion par la mise en place d’une gouvernance concourant à réunir l’ensemble des circonstances ayant entrainé d’autres pays à vivre des situations conflictuelles désastreuses.
Nous appelons la communauté internationale à prendre toutes ses responsabilités devant la situation qui prévaut au Niger afin d’éviter la multiplication de foyers de tension dans une sous-région déjà sous le coup de conflits multiples.
Nous réaffirmons notre soutien sans faille à son excellence Hama Amadou, Président de l’Assemblée nationale et président du MODEN/FA Lumana.
Nous accompagnons toutes les actions inscrites dans le cadre républicain et tendent à marquer une opposition tenace à la mise en place d’un système politico-judiciaire liberticide.
Pour un Niger démocratique, paisible et prospère.
Vive Le MODEN/FA LUMANA
Vive l’ARDR
Vive l’opposition nigérienne
Que Dieu préserve le Niger et son peuple
Fait à Paris le 29 août 2014
Dr Amadou Hassan Boubacar, constitutionnaliste, coordonnateur de l’association des constitutionnalistes du Niger : «Le président de l’Assemblée nationale ne peut être arrêté sans pour autant qu’on ne lui enlève son immunité au préalable»
Le Monde d’Aujourd’hui : Dr. Amadou, vous vous êtes prononcé la semaine dernière sur certaines télévisions de la place à propos de la procédure qui s’impose nécessairement en ce qui concerne le président de l’Assemblée nationale dans l’affaire dite des bébés importés ? Pouvez-vous reprendre cette explication pour éclairer la lanterne de nos nombreux lecteurs ?
Dr. Amadou Hassan Boubacar : Ce qu’il faut dire par rapport au projet d’arrestation du président de l’Assemblée nationale au cours de l’intersession, c’est vrai, l’article 88 de la Constitution, notamment son alinéa 4, a prévu qu’un député hors session peut être arrêté avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf cas de flagrant délit, des poursuites autorisées ou des condamnations définitives.
Mais en amont, l’article 88, alinéa 1er, a posé le principe de l’immunité parlementaire ; il dit que les membres de l’Assemblée nationale jouissent de l’immunité parlementaire et c’est ça le principe. Et au niveau de l’alinéa 2, il pose le principe puisque l’immunité parlementaire couvre deux protections : il y a ce qu’on appelle l’irresponsabilité contenue au niveau de l’article 88, alinéa 2, qui dit qu’aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Là, c’est le principe de l’irresponsabilité, c’est une protection absolue. L’alinéa 3 dit : sauf cas de flagrant délit, aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière correctionnelle ou criminelle qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale et maintenant le dernier alinéa que je viens de citer là, il donne la compétence au bureau d’autoriser l’arrestation d’un député en dehors des cas de flagrants délits.
Aujourd’hui, la situation dans laquelle on se trouve, c’est-à-dire l’intersession, le président de l’Assemblée nationale ou n’importe quel autre député ne peut être arrêté sans pour autant qu’on ne lui enlève son immunité au préalable. La poursuite des députés est prévue par la Constitution, puisque l’inviolabilité n’est qu’une protection prévue pour le parlementaire, donc il s’agit juste d’une immunité de procédures. Lorsqu’on respecte un certain nombre de procédures, un député peut bel et bien être poursuivi, mais la poursuite là n’est autorisée par le bureau de l’Assemblée nationale, que suite à la procédure de levée de l’immunité parlementaire. C’est pour cela qu’au niveau de l’article 88, alinéa 4, en ce qui concerne le bureau, hors session, il est dit qu’il ne peut autoriser que l’arrestation qui suppose au préalable que la levée de l’immunité parlementaire a été obtenue suite au vote à la majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale conformément à l’article 55 du règlement intérieur de l’institution.
Donc, toute mesure coercitive à l’encontre d’un député ne peut être obtenue qu’après l’autorisation de poursuite qui est donnée par la plénière de l’Assemblée nationale après la levée de son immunité parlementaire. En somme, l’arrestation, ici, suppose que déjà la plénière a eu à lever l’immunité du député. En France, le bureau de l’Assemblée nationale se prononce par rapport à l’arrestation d’un député, à titre de mesures privatives de liberté, après avoir entendu le rapport de la Délégation des immunités, qui entend d’abord le député et fait un rapport au bureau, et celui- ci se prononce à son tour par rapport à ces mesures privatives de liberté. Pour le cas du Niger, la procédure de levée d’immunité parlementaire se fait après la mise en place d’une Commission ad’ hoc composée de 15 membres à la représentation proportionnelle, et c’est elle qui entend le député, fait un rapport à la plénière qui se prononce par rapport à la levée de l’immunité parlementaire.
Donc voilà comment les choses doivent se passer, et il ne faut pas que les gens fasse une lecture littérale de l’article 88, alinéa 4, pour dire que le bureau de l’Assemblée nationale peut autoriser l’arrestation. C’est trop facile de croire qu’on peut arrêter un député sans pour autant lever son immunité. Sinon, pourquoi on a institué le principe de l’immunité parlementaire qui est posé au niveau de l’alinéa 1er de l’article 88 ? Et si jamais un tel projet parvenait à se réaliser, c’est-à-dire le bureau se réunit et autorise l’arrestation du président de l’Assemblée nationale, ce sera un précédent très grave, qui placerait n’importe. député dans une situation d’insécurité ; le pouvoir exécutif peut toujours attendre l’intersession pour autoriser l’arrestation de n’importe quel député. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’immunité dont jouit le député ne concerne pas sa personne, c’est une immunité qui protège le mandat parlementaire. C’est ça qui est extrêmement important et l’esprit de l’immunité protégeant le mandat parlementaire, c’est pour permettre au député d’exercer son mandat en toute indépendance, à l’abri des pressions ou des abus de toutes sortes du pouvoir exécutif ou du pouvoir judiciaire, c’est cela le sens de l’immunité parlementaire.
De nombreuses rumeurs soutiennent pourtant que le bureau de l’Assemblée nationale ou plutôt ce qui tient lieu actuellement de bureau à l’institution peut décider de livrer un député à la justice, voire d’autoriser son arrestation. Qu’en est-il exactement ?
Le bureau de l’Assemblée nationale, hors session, ne peut autoriser l’arrestation du président de l’Assemblée nationale sans la levée préalable de l’immunité parlementaire de ce dernier. Une fois que son immunité est levée par la plénière, conformément à l’article 55 du règlement intérieur à la majorité des 2/3 de l’Assemblée -c’est-à-dire 76 députés- et qu’il est resté libre de ses mouvements (c’est le cas d’un certain nombre de députés actuellement), durant l’intersession, si on veut l’arrêter, c’est en ce moment là que le bureau peut se réunir et autoriser son arrestation, puisqu’au préalable l’immunité a été levée. Donc voici le sens de l’article 88, alinéa 4 de la Constitution.
Faut-il déduire que toute autre procédure judiciaire serait synonyme de violation de la Constitution ?
Il n’y a aucune autre de procédure en dehors de celle prévue par les textes. Sinon pourquoi au niveau de l’article 88, alinéa 3, on a dit que sauf cas de flagrant délit, aucun député ne peut pendant la durée des sessions être poursuivi ou arrêté en matière criminelle alors qu’au niveau de l’alinéa 4, en ce qui concerne le bureau, il n’a pas été dit que hors session le député ne peut être poursuivi puisque la levée de l’immunité parlementaire fait suite à une poursuite qui est enclenchée. Il faut qu’il y ait une poursuite judiciaire pour que le député soit recherché et éventuellement arrêté. Et un député ne peut pas être recherché, encore moins être arrêté tant qu’il n’y a pas eu de poursuites, qui ont donné lieu à la levée de son immunité parlementaire.
Et si le pouvoir en place passe outre et procède à l’arrestation du président de l’Assemblée nationale ?
Ce serait une violation de l’esprit de l’article 88 de la Constitution, puisque le constituant n’a pas insinué que le bureau, en dehors de toute procédure préalable de levée de l’immunité d’un député, peut se réunir pour livrer un député à la justice. Je vous ai dit que la procédure, même pour la plénière avant qu’elle ne se prononce à la majorité des 2/3 pour lever l’immunité parlementaire, il faut qu’on mette en place une Commission ad’ hoc composée de 15 membres qui doit examiner le dossier, entendre le député et faire un rapport à la plénière. Et c’est après cela que la plénière va, en fonction de ce que l’audition a donné, se prononcer à travers un vote à bulletin secret à la majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale. Au demeurant, comment est-ce qu’un bureau qui n’est pas au complet va se prononcer, sans pour autant lever l’immunité, en autorisant l’arrestation du président de l’Assemblée nationale ? S’il le fait, ce serait une entorse grave, une mauvaise compréhension de l’esprit de cet alinéa 4 de l’article 88 de la Constitution.
Quelles sont les conséquences d’une telle violation de la procédure ?
Les conséquences, c’est qu’il y a une situation d’insécurité juridique qui est créée pour tous les députés mais aussi pour tous les citoyens. Lorsqu’au mépris des textes de lois et règlements de la République et de surcroît de la Constitution qui est la loi fondamentale, on passe outre pour prendre des mesures restrictives, coercitives, à l’endroit d’un député de surcroît le président de l’Assemblée nationale, je pense que c’est une situation extrêmement grave pour notre pays, où la gouvernance s’inscrit dans le cadre non pas du respect de l’Etat de droit et de la démocratie mais plutôt de l’arbitraire et de l’injustice, toutes choses qui sont bannies par la Constitution notamment en son préambule où le peuple nigérien souverain a réaffirmé son opposition absolue à tout régime fondé sur l’arbitraire, sur l’injustice, le pouvoir personnel…
Je pense que ce serait une violation assez grave de la Constitution. Si le président de la République, en tant que garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et qui a juré sur le Coran de respecter et faire respecter la Constitution se laisse entraîner dans ce cul de sac au risque de créer une situation d’instabilité sociopolitique ou dans un Etat de non droit, ce serait très grave, un recul regrettable pour la démocratie et l’Etat de droit au Niger.
Dans la gestion de ce dossier, quel comportement le pouvoir exécutif doit-il observer pour garantir justement la stabilité sociopolitique ?
La démocratie, c’est d’abord le respect de la règle de droit. Quand on dit qu’on est dans un Etat de droit notamment la démocratie libérale qui fait une place de choix aux libertés, il faut que les libertés individuelles et collectives des citoyens soient respectées. Tant qu’on ne s’inscrit pas dans le respect de la loi fondamentale et dans le respect de la légalité tout court, je pense que cela ne serait pas de nature à créer une situation de stabilité. Ce qu’il faut craindre, c’est de pousser les concitoyens à la révolte. Car trop de frustrations, lorsqu’on se rend compte que le respect de la loi est seulement imposé aux gouvernés et que les gouvernants eux sont affranchis du respect de la règle de droit, je pense que là il y a véritablement un problème.
Et vous savez très bien que les dispositions pertinentes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaissent quand même à tout citoyen le droit naturel à la résistance face à un régime oppressif. On ne souhaite pas qu’on en arrive là, où on va pousser le citoyen, à son corps défendant, à faire recours à ses droits liés à la nature humaine face à un régime dictatorial. Je pense que les princes qui nous gouvernent vont entendre raison. Maintenant, pour revenir à la procédure, on peut arrêter le président de l’Assemblée nationale lorsqu’on estime qu’il est impliqué dans ce dossier des bébés, nul n’est au dessus de la loi, mais faudrait-il encore respecter la procédure légale, qui est prévue par la Constitution.
Si le président de la République veut faire respecter le principe de l’égalité des citoyens devant la loi conformément aux dispositions constitutionnelles (puisque les autres personnes présumées coupables dans l’affaire sont arrêtées), on inscrit à l’ordre du jour d’une prochaine session parlementaire le point relatif à la levée de l’immunité parlementaire du président de l’Assemblée nationale. Et si cette dernière ne parvient pas à faire lever cette immunité conformément à l’article 55 du règlement intérieur et que le président de la République tient à ce que justice soit faite dans ce dossier, il dispose du pouvoir discrétionnaire de dissolution de l’Assemblée nationale. A partir de ce moment, le président de l’Assemblée nationale ne peut plus se prévaloir d’une immunité parlementaire, et il peut être poursuivi et arrêté par la justice. Ainsi, le problème est réglé.
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