29 octobre 2009
Nouveau gouvernement au Bénin: Les vraies raisons du blocage de Yayi Boni
Le prochain gouvernement tant attendu ne sera pas constitué de sitôt. Selon certaines indiscrétions, on peut déjà recenser quatre préoccupations majeures qui empêchent le président Yayi Boni de composer son équipe gouvernementale de ‘’guerre’’ pour 2011.
Les actuels ministres du président Yayi Boni ont plus de chance de garder leur portefeuille pendant un bon moment encore. En tout cas pas jusqu’à janvier 2010. A cause des complications au sommet de l’Etat et surtout des contingences politiques actuelles. Quatre grandes contraintes empêchent en effet le premier magistrat de remanier son équipe gouvernementale. Elles sont d’ordre politique, stratégique et sont liées à la mauvaise gouvernance et à l’examen du budget général de l’Etat gestion 2010 actuellement sur la table de la représentation nationale. Toutes les conditions semblent désormais bien réunies pour qu’en absence d’un de ses quatre critères, le président Yayi Boni tombe en remaniant son gouvernement. D’abord sur le plan politique, le chef de l’Etat a commis tellement d’erreurs stratégiques qu’il se retrouve sans une seule marge de manœuvre. En tout temps et en tout lieu, ce sont les ministres nommés qui forment leur cabinet. Ce qui n’a pas été le cas pour les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) où certains thuriféraires ont poussé le premier magistrat à installer un comité au Palais de la Marina pour désigner à la place des ministres leurs collaborateurs. Résultat : Tout se passe comme si le ministre n’est juste qu’un chef de service. Outre le fait qu’il a perdu presque toute sa légitimité, il a autour de lui des agents de renseignement du président de la République ou des membres du comité qui les a nommé. Alors même que, par le passé, c’est sur le cabinet ou les autres militants nommés que le ministre s’appuie pour créer la vraie popularité autour du chef de l’Etat. Dans un passé récent, la situation a obligé des militants d’autres groupes politiques à adhérer au parti du ministre pour louer les œuvres du chef de l’Etat. A titre d’exemple, presque tous les directeurs centraux et chefs de services se sont retrouvés membres du Parti du Salut (Ps) du ministre Damien Zinsou Alahassa sous le général Mathieu Kérékou. Idem du temps du Dr Léonard Djidjoho Padonou où c’était ‘’Notre cause commune (Ncc)’’ qui avait droit de cité dans le système éducatif national. Au Palais de la Marina même, des parrains s’interposaient pour placer les leurs pour mieux contrôler leur militantisme et en profiter pour donner une certaine visibilité auprès du président de la République. Ce sont sur ces valeurs que le ‘’Caméléon’’ s’est bien appuyé pour diriger de main de maître le pays durant ses mandats. Le président Yayi Boni qui n’a pas su tirer leçon de cela est vraiment bloqué.
La trouille d’un éventuel rejet du budget 2010
Si le fait que le chef de l’Etat a tenu à avoir un œil sur la formation des cabinets ministériels jouent contre lui, l’incertitude du vote du budget général de l’Etat exercice 2010 l’oblige aussi à ménager les siens qui sont actuellement divisés au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo. D’ailleurs, c’est l’instabilité de sa majorité parlementaire qui le contraint à savoir raison garder et éviter un remaniement ministériel qui va lui compliquer la vie. Car aujourd’hui, les députés Fcbe sont préoccupés par comment s’organisent pour retourner à l’Assemblée nationale en 2011. Parce qu’aucun d’entre eux n’entend être suppléant il y des gens de l’Union pour la majorité présidentielle parlementaire (Umpp), des gens de la Convergence 2011et les autres restés Fcbe. Sans compter les ministres qui n’entendent pas perdre de sitôt leurs portefeuilles. Situation qui a suscité la prolifération des mouvements et des partis politiques dans cette mouvance où chacun cherche à sauver sa tête. Dans ces conditions, un remaniement qui intervient et ne prend pas en compte les intérêts de chacun des acteurs de cette mouvance pourrait « tout foutre » en l’air.
La mauvaise gouvernance politique et économique
Le président Yayi Boni a passé aussi tout son temps dans la propension à trop faire savoir et à être seul à la une de tous les débats politiques. Il s’est même permis d’aller inaugurer même des bâtiments construits avec des matériels précaires à la place des directeurs régionaux. Il est dans l’eau, autant de fois qu’il pouvait dans les médias, dans deux avions, au marché et dans la micro finance. Aujourd’hui, il semble qu’une certaine monotonie a gagné les populations à la base. Du coup, au lieu du populisme auquel il aspirait, c’est plutôt l’ennui qui a gagné la base qui l’a vraiment élu à 75%. Et le plus grave aura été sa sortie de presse dans le cadre du sulfureux dossier de la Cen Sad pour tenter de répondre à l’opposition non déclarée qui gagnait du terrain. Et surtout l’option de ne pas se limiter au rapport de l’Ige/l’Igf. En effet, il s’agit d’une structure gouvernementale reconnue comme telle. Aucune commission ad hoc ne peut être mise en place pour reprendre ses travaux. C’est pourtant ce qui a été conseillé au chef de l’Etat juste dans l’intérêt d’innocenter les mis en cause. Et sans tenir compte des commentaires dans l’opinion publique, le président Yayi Boni les a réhabilité et fermé certainement à jamais le volet des irrégularités constatées dans l’organisation du sommet. Toute chose qui vient s’ajouter à d’autres grands dossiers de malversations mis à la disposition de l’opposition par certains cadres de l’administration. Tous ces faits ont renforcé les revendications syndicales et on s’achemine vers un blocage de l’administration. Parce qu’à l’allure où vont les choses, c’est vers une grève générale du mardi à vendredi qu’on devrait, dit-on, aboutir. Dans ce flou où le président Yayi Boni ne sait pas vraiment sur qui compter, il vaut mieux ne pas tenter un remaniement ministériel.
Des réserves un peu partout dans le pays
Au regard de toutes ces situations, il semble que rares sont les personnalités qui souhaitent encore travailler sous le président Yayi Boni. Joints hier, plusieurs noms jusque là cités, n’entendent pas entrer au gouvernement dans les conditions actuelles. Certains d’entre eux étaient présents à une rencontre politique le week-end écoulé et ont fait le procès du Changement. D’autres sont attendus le samedi prochain à Kouandé, Bèmbèrèkè et Natitingou pour dire à la face du monde leurs ressentiments par rapport à la manière dont le pays est en train d’être géré. Dans la même foulée, on apprend que certains ténors de la société civile auraient été contactés en vain pour prendre le train du Changement en marche. Parce que, dit-on, on pense que tout est déjà fini sous le règne du changement et aucun argument ne pourra aider à sauver les meubles. Ainsi, le président Yayi Boni se retrouve de plus en plus seul. Car, à la présidence de la République même, ce n’est plus le franc jeu des premières heures de 2006. Idem dans les renseignements généraux et les ministères où les documents sensibles qui auraient pu être jalousement gardés, se retrouvent facilement dans les rues. Parce que le temps des retournements de vestes approche et chaque proche du président Yayi Boni s’organise à sa façon pour ne pas être du reste. Un remaniement qui intervient dans ces conditions pourrait vite libérer les esprits.
Jean-Christophe Houngbo (Br.Ouémé-Plateau)