15/11/2010
Qu’est-ce qui se passe dans l’Eglise du Bénin ?
De nombreux chrétiens et citoyens s’interrogent et interpellent notre rédaction. Que se passe-t-il dans l’Eglise du Bénin, nous demandent-ils ? Par coups de fil, par courriers électroniques ou à l’occasion de conversations directes, l’interrogation s’amplifie. Nous avons le devoir de l’entendre, l’obligation d’y répondre.
On connaît désormais les faits. En moins de 4 mois, deux évêques sur les 10 que compte le Bénin démissionnent de leur charge pastorale avant l’âge de la retraite : Mgr Marcel Agboton et Mgr Fidèle Agbatchi. Chose inédite dans notre Eglise locale. Deux démissions d’autorités religieuses dans une société qui, de façon générale, n’a pas l’habitude de voir démissionner ses responsables. Dans chaque cas, la Nonciature apostolique près le Bénin a rendu publique la nouvelle en invoquant le paragraphe 2 du Canon 401, selon les usages de l’Eglise.
On connaît les réactions. Face à ces annonces officielles, les commentaires les plus contradictoires fusent de partout et les rumeurs de plus en plus folles se répandent. Au travers de tout cela s’expriment beaucoup de douleurs, de déception, de désarroi, d’incompréhension, de confusion et davantage encore d’interrogations.
Que faut-il comprendre ? Il y a besoin de faire mieux comprendre certains usages de l’Eglise en des situations de ce genre. Et il y a tout autant besoin de comprendre les réactions populaires et les attentes des chrétiens face à une situation douloureuse inédite.
N’y a-t-il pas besoin ici de se rappeler que Jésus seul est le Bon Berger, l’Unique prêtre ? C’est lui-même qui fait paître ses brebis. C’est par rapport à lui qu’il faut comprendre la position des évêques et des prêtres qu’il appelle à participer à son unique sacerdoce. Ceci s’exprime très concrètement dans le fait que Mgr Agboton d’abord, puis Mgr Agbatchi ont décidé ou ont été convaincus de démissionner pour que leur charge respective soit confiée à un autre. L’évêque n’est pas au-dessus du sacerdoce, il y participe. Comme tous les chrétiens sans distinction, il vit de son mieux des exigences de la foi et de la discipline de l’Eglise. A ce titre, s’il y a des difficultés ou des problèmes de quelque ordre que ce soit, Rome peut recevoir la démission d’un évêque. Mais cela ne veut pas dire que cet évêque, même s’il est en faute, n’a pas droit à sa bonne renommée ou au respect de sa conscience. Car l’exigence ou la discipline ne peut sacrifier la dignité de la personne humaine. C’est ce que l’Eglise essaye de faire devant nos yeux : deux évêques démissionnent mais nous ne savons pas pourquoi. Décisions publiques, courageuses et douloureuses, aux motivations privées non publiquement explicitées par respect de la conscience humaine.
Mais la dignité de la personne à respecter est aussi bien celle des pasteurs que celle des fidèles laïcs. Et le bien des âmes à rechercher, même et surtout en situation de difficultés comme c’est actuellement le cas, est tout autant le bien des âmes des pasteurs que le bien des âmes des fidèles, les uns et les autres parfaitement égaux dans le baptême.
Or en l’état actuel, on ne peut nier que les rumeurs s’amplifient et qu’elles ne servent ni la bonne réputation des évêques qui ont démissionné, ni la crédibilité de l’Eglise. On ne peut nier la confusion, le désarroi et la souffrance des uns et des autres. Il y a donc besoin de continuer à mieux chercher à atteindre ce bien des âmes.
Ce qui se passe dans l’Eglise catholique du Bénin, c’est qu’elle cherche encore comment faire face en Eglise famille à des situations de difficultés où le sens de la responsabilité est assumé, la vulnérabilité humaine est respectée dans sa dignité, la maturité des fidèles laïcs est impliquée. Elle cherche à apprendre à témoigner en Eglise famille aussi bien de ses faiblesses que de ses forces, pour savoir dire avec Saint Paul : «lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort». Cette quête est un chemin sur lequel les étapes à franchir sont encore plus nombreuses que celles déjà franchies. Le chemin est encore devant nous.
Abbé André S. Quenum
La Croix du Bénin