Jeudi 22 décembre 2011
SENEGAL: Résister est un devoir
Par Souleymane Jules Diop
C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé,
qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise
la violence, l’opprimé n’a pas d’autre choix
que de répondre par la violence
Nelson MANDELA
Nous voici donc à la veille d’une nouvelle provocation. Les mises en garde des élus américains, les appels au retrait lancés par les diplomates européens ont été de moindre intensité, face à la soif de pouvoir qui s’est emparée d’Abdoulaye Wade. Le calendrier républicain a été modifié, la tenue du Conseil des ministres avancée pour satisfaire un homme qui s’accroche à son pouvoir comme une huitre à son rocher. Les laudateurs viendront de partout pour le chanter, les masses pauvres seront payées pour ériger des haies à son honneur, exactement comme l’avaient fait avant lui de piètres dictateurs, inconscients que leur gloire était éphémère, leur chute imminente.
Les cadres du Pds pris par l’ivresse du pouvoir s’en prennent aux congressistes américains, en oubliant l’odyssée tragique d’Abdoulaye Wade, transformée en épopée guerrière par ses thuriféraires, qui s’était rendu jusqu’à Benghazi et non à Tripoli, pour regarder Kadhafi « les yeux dans les yeux » et le sommer de quitter le pouvoir. Ils oublient les appels de leur « seule constante » à l’endroit de Laurent Gbagbo, le sommant de respecter l’ordre constitutionnel qu’il avait établi. Ceux qui devraient ramener à la raison cet octogénaire devenu le jouet de ses caprices sont eux-mêmes dominés par leur instinct de conservation au point d’en être aveuglés. Peu d’hommes, comme le député Moussa Sy, osent élever la voix et marquer leur différence. De nombreux ministres, députés, sénateurs, responsables à la base savent que la voie empruntée mènera irrémédiablement au chaos, mais ils sont tétanisés par la peur de représailles et laissent le vieillard mégalomane s’en aller à sa perte.
Rien donc ne pourra empêcher l’issue tragique que tout le monde entrevoit et que seul Abdoulaye Wade refuse d’envisager. Il est prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, quitte à faire couler le sang des populations enragées et des masses découragées. Il déroule tout, selon une séquence bien choisie, pour ne laisser à tous les défenseurs de la République que le choix de la résistance à l’oppression. Devant la servitude qu’il nous impose, nous n’avons d’autre choix que l’affrontement et la guerre. Mais il en sera le seul responsable, comme le lui précise bien Hillary Clinton, consciente de la folie de cet homme. Depuis plusieurs semaines, il achète les hochements de tête et les acquiescements nourris à coups de milliards de francs. Il y a eu cette idée malheureuse de faire réunir des prétendus constitutionnalistes, logés, payés aux frais du contribuable pour défendre son indéfendable candidature. La semaine dernière, c’était au tour d’un groupe créé spécialement pour lui, une association de « maires noirs » en fin de parcours, pour défendre la validité de sa candidature où ils le pourront. Plus choquante encore, cette décision d’augmenter le salaire des hauts magistrats de cinq millions de francs, du jamais vu dans le monde. Pour obtenir l’assentiment des pauvres, ce monocrate a pris le parti, non pas d’être plus juste envers eux, mais de corrompre ceux qui pourraient parler et agir en leur nom. C’est en cela que le premier ennemi de tous les patriotes qui aiment ce pays n’est pas Abdoulaye Wade, mais cette bande d’opportunistes qu’il a façonnés avec son esprit mercantile. Le principal obstacle qui se dresse devant nous, chers compatriotes, c’est l’opportunisme d’une partie de notre élite petite-bourgeoise, sa couardise devant les riches wadistes, les liens traîtres qu’elle maintient avec eux, même à l’approche de leur fin inéluctable. Pour des faveurs octroyées indument, quelques hommes sont prêts sacrifier l’intérêt général et lier leur sort à celui de la famille Wade. C’est le rôle cyniquement contre-révolutionnaire de certains chefs religieux opportunistes, des hauts-fonctionnaires corrompus, des petits courtisans véreux qui ont pris place dans ce pays, qu’Abdoulaye Wade continue de croire que la détermination des populations à le faire partir faiblira à l’approche de la présidentielle. Abdoulaye Wade aime les gens petits et c’est pourquoi il ne parvient à rien de grand. Son régime est devenu si paranoïaque, qu’il en arrive à convoquer d’honnêtes citoyens à la police pour vérifier s’ils n’ont pas des pensées coupables.
Il est pourtant évident que seul, même avec sa bande de corrompus, il ne pourra pas tenir le pays longtemps sous son joug. C’est bien ce qu’il croyait avant le 23 juin, en assurant que jamais ce peuple ne se soulèverait contre lui, que l’opposition était déboussolée au point d’aller se plaindre chez Obama. Il est vrai que son régime prospère parce que des millions de combattants de la démocratie se heurtent toujours à leurs propres frères d’armes, retournés à coups de millions. Nous avons perdu en route un homme méritant comme Demba Dia, qui aurait pu jouer un grand rôle dans ce noble combat que nous avons engagé pour libérer le pays des mains d’un tyran qui ne supporte plus rien, même les affiches appelant au respect de la Constitution. Nous avons aussi perdu Idrissa Diop, qui a produit les refrains les plus engagés de l’histoire de la chanson sénégalaise, après Ouza Diallo. Mais il y a tous ces hommes qui ont choisi de sacrifier leur carrière pour le bien de ce pays. Je pense l’engagement de Youssou N’dour, au courage de Bara Tall, à ce qu’il leur a fallu sacrifier pour embrasser cette noble cause. Je peux ajouter le choix patriotique et particulièrement difficile de Mansour Sy Jamil, toutes les pressions qu’il a dû subir. Que dire de ces jeunes rappeurs du mouvement « Y en a marre », au premier plan du combat mené par le mouvement M23. Jamais, dans l’histoire de notre jeune nation, le sentiment patriotique n’a été autant exalté. Jamais l’esprit citoyen n’a autant dominé que pendant ces années difficiles.
Pour finir, la guerre qui sévit en Casamance, qu’il promettait de régler en 100 jours, alors que nos soldats y meurent encore, faute de moyens, devrait dissuader ce Minos des temps modernes de nous faire l’insulte de se présenter pour un troisième mandat. Pendant qu’il se prépare à festoyer bruyamment, nos jeunes soldats meurent sur le champ de bataille, abandonnés à leur sort. Qui pourrait comprendre que pendant que des jeunes conscrits risquent leur vie pour 300 francs, manquent de carburant pour faire des patrouilles, des dizaines de milliards de francs sont distribués à tour de bras à des « hauts fonctionnaires » et aux militants du Pds ? Qui peut défendre une telle injustice ? C’est ce qui fonde ma conviction. Je ne sais pas comment Abdoulaye Wade partira, mais il partira. Au mieux, il dominera cette guerre qu’il engage contre son propre peuple, mais il n’aura plus la paix jusqu’à sa mort. Au pire, il la perdra et finira comme son ennemi Gbagbo, devant un tribunal.
SJD
source: Seneweb.com