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ECONOMIE MONDIALE: L'Afrique quémande son développement

(Le Pays 28/09/2007)


A peine les Africains ont-ils fini de "disserter" sur les déclarations du président français Nicolas Sarkozy, lors de la conférence qu'il a prononcée devant l'Université Cheick Anta Diop de Dakar en juillet, qu'ils recommencent à "pleurnicher" auprès des grandes puissances occidentales pour "quémander" à celles-ci de leur donner les moyens de leur propre développement. Cela à la faveur de la 62e session de l'Assemblée générale de l'ONU en cours à Washington.

Plusieurs voix officielles se sont alors élevées pour demander - ou exiger - que l'Occident tienne ses promesses, qu'il dépasse les déclarations d'intention pour poser des actes concrets et palpables.

C'est vrai qu'une fois de plus, les Grands du Nord se sont érigés en donneurs de leçons, en censeurs, en s'offrant en modèles au reste du monde; c'est vrai qu'ils ont adopté ici ou là des positions et des mesures qui ne doivent être appréciées qu'en fonction des intérêts économiques et géostratégiques de leurs pays respectifs. Ce qui est, du reste, légitime et de bonne guerre. Ils sont conscients de la nécessité pour eux de défendre et de garantir les intérêts de leurs Etats. Quitte à ce que les Africains en fassent autant, et c'est là que le bât blesse.

Au sujet de la conférence devenue historique de Nicolas Sarkozy à Dakar, l'essentiel des critiques négatives a porté sur son ignorance - réelle ou supposée - de l'histoire et de l'anthropologie africaines, voire sur le mépris que celui-ci afficherait pour les valeurs et traditions africaines. Comme si pour être un bon président en France et pour servir ses intérêts, il avait besoin d'être un érudit en histoire africaine. A quoi cela lui aurait-il servi du reste dans la mesure où l'Afrique demeure toujours sous-developpée après 47 ans de souveraineté nationale, même si elle regorge de grands historiens africains ? Manifestement, le problème est là où on ne veut pas le voir : la responsabilité de l'Afrique contemporaine dans sa propre situation. Nicolas Sarkozy a eu le courage et l'honnêteté politique et intellectuelle d'affirmer que le développement de l'Afrique doit lui incomber fondamentalement depuis la définition qu'elle doit se donner du concept "développement" jusqu'à la détermination des conditions objectives et subjectives pour sa mise en oeuvre. Et cela, en toute indépendance et en toute souveraineté.

On devrait plutôt avoir honte que ce soit un Français, de surcroît ignorant de l'Afrique, qui vienne nous le dire en terre africaine.

Pire, "les cahiers de doléances" que les responsables africains ont lus à partir des tribunes de l'ONU et de ses institutions spécialisées montrent bien qu'ils ne veulent rien entendre des appels de Sarkozy.

Alpha Omar Konaré, fidèle à lui-même et à ses options politiques, n'a pas manqué d'interpeller l'esprit de responsabilité, de conséquence et de dignité des responsables africains dans le traitement des questions de développement de l'Afrique. Il n' a pas manqué d'évoquer l'impérieuse nécessité pour les Africains de faire les choix utiles en toute indépendance ; de s'assumer et d'assumer, en toute responsabilité, les engagement qu'ils prennent et les actes qu'ils posent ... avant de penser à appeler au secours.

On se plaint déjà du fait que l'ONU égrène un chapelet de promesses qui ne seront jamais tenues, que les Grands "parlent" plus qu'ils n'agissent ... Mais à aucun moment, aucun responsable africain n'a véritablement déterminé les actions concrètes qu'il entend déployer pour contribuer au développement. Ni leur part de responsabilité dans la pauvreté de leur peuple et les moyens qu'ils mettront en oeuvre pour réduire la misère dans leur pays. Même les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté dans les Etats africains ont été inspirés et écrits par les autres (les Grands du Nord). Ils seraient même "bénis" par ces derniers, car cela paraît la condition sine qua non pour bénéficier de leur soutien.

En un mot, il faut que les "Plans" de développement de l'Afrique soient acceptés, homologués par le Nord. Et l'on s'étonne que les débats à l'OMC s'enlisent, que la signature de l'APE soit remise au lendemain, que l'ONU soit "la chose" des Grands du Conseil de sécurité !

En fait, le mal de l'Afrique est justement ce que Sarkozy, Konaré, Ki-Zerbo et autres ont, communément mais de manières diverses, déclaré : on ne développe pas, on se développe. On ne peut pas se développer en étant sur la natte des autres.

Le mimétisme servile, notre propension à prendre les mauvais exemples des autres pour légitimer notre malcomportement, la honte de soi, nos vilains sentiments de jalousie face à l'ascension sociale d'un compatriote qui sait se battre honnêtement, l'absence de responsabilité, de dignité et d'engagement en comptant d'abord sur ses propres forces ... C'est tout cela qui constitue autant de freins au développement.

En Afrique, plus en Afrique francophone qu'en Afrique anglophone, sévit une mentalité d'assisté, un infantilisme sclérosant qui tue toute initiative privée ou même collective. Et en cela, n'en déplaise aux détracteurs subjectivistes de Sarkozy, certaines traditions africaines y sont pour quelque chose.

La mentalité de soumission peut être une entrave au développement, en ce sens qu'elle favorise la répétition, la reproduction, en lieu et place de l'émancipation, condition de base de tout changement qualitatif. Par exemple, l'Afrique a accepté de se soumettre au sens et au contenu que l'Occident a donnés aux concepts polysémiques de "développement", de "pauvreté", et même de "Droits de l'Homme" et de "démocratie". Il ne lui reste plus qu'à tout faire comme le voudrait l'Occident, et à ce rythme, l'Afrique sera toujours "sous-developpée", en "voie de développement". L'impunité, la corruption officiellement reconnue et entretenue, l'intrusion intempestive du politique dans les projets de développement, la peur panique d'une véritable responsabilisation des populations à la base, la culture de la médiocrité et la paupérisation systématique des compétences et des valeurs humaines attestées, les délits d'initié et l'affairisme illégal des hommes politiques et la jalousie morbide des cadres de l'Administration compromettent le développement du secteur privé et les initiatives privées saines, porteurs d'avenir.



"Le Pays"

 

 

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Tag(s) : #Politique Africaine
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