| En installant mardi le Haut commissariat à la gouvernance concertée, le chef de l’Etat a déjà annoncé la tenue dans quelques mois du premier des fora qui suivront pour le dialogue participatif au service du développement. Un signe d’une bonne volonté politique afin de recréer les conditions d’un véritable consensus qui agit comme modérateur ou mécanisme inhibiteur des tensions sociales, depuis la conférence nationale de février 90. Quelles que soient les critiques légitimes qu’on peut faire à l’égard cette inhibition entre compromis et compromission, on est obligé d’admettre qu’en 1996, elle a sauvé le pays d’un affrontement sanglant, entre le premier régime du renouveau démocratique et ceux qui ont travaillé à le dessoucher. Pourtant il y avait la volonté manifeste et des actions palpables du pouvoir de l’époque, de reconstruction et de relèvement économique d’un pays ruiné à la veille de la conférence nationale. Certains estimaient que la gouvernance politique de l’époque menaçait la concorde nationale… Heureusement, grâce à un état d’esprit désormais très jaloux de la paix, les perdants de cet épisode ont fini par ravaler leur colère et leur frustration, contraints de mettre l’intérêt de la paix au-dessus de toute politique jusqu’au boutiste. On ne saurait occulter le fait que là-aussi, le peuple a su garder chaque fois-comme plus tard en 2001- son souci de préserver la paix sociale. Un pan de l’histoire du renouveau démocratique qui milite pour le chantier que le pays vient de mettre en route hier par l’installation du Haut commissariat à la gouvernance concertée. Or, avant le grand forum de la concertation sur la pauvreté, un handicap lourd pèse ici et maintenant sur le climat politique et social : la césure qui est en train de se créer à l’Assemblée nationale, entre une bonne partie des parlementaires se réclamant de la mouvance et une frange du bureau, en particulier son président Mathurin Nago. Il y a bel et bien une crise politique qui se profile à l’horizon, et dont la résonance est train de déborder le cadre du parlement pour se répandre dans l’opinion publique. Elle pourrait se nourrir, en récupératrice, de la tension sociale qui perdure dans certains secteurs comme l’éducation, la santé, l’université, non pas seulement comme le résultat d’une surenchère mais aussi comme le signe d’un malaise dans le dialogue. Elle est annonciatrice d’événements qui pourraient déstabiliser la majorité présidentielle, certains rêvant déjà d’en faire comme victime expiatrice le président de l’Assemblée nationale à qui, après le groupe de 13 députés de la mouvance présidentielle, se sont ajoutés d’autres parlementaires de ce qu’il convient d’appeler désormais « la minorité » au parlement, portant le nombre à 38, reprochent de ne pas assez défendre, face à l’Exécutif, certains de leurs collègues en difficultés personnelles, de ne pas conduire la majorité présidentielle dans un esprit de consensus avec les autres composantes non Fcbe de cette majorité, et plusieurs autres récriminations… Bref , les frustrations ressenties par certains au sein de la mouvance présidentielle au parlement est en passe d’amener indirectement à une perte de majorité, si toutes les forces de la mouvance ne se ressaisissaient pas à temps, pour un dialogue ouvert, franc, sincère et fécond, autour de ce tout ce qui fâche et comment parvenir à trouver des solutions aux préoccupations des uns et des autres, et comment cette mouvance pourra accorder ses violons afin que le consensus renaisse autour de la vision et des actions entreprises pour le changement. Car ce qui préoccupe aujourd’hui toute la nation, c’est que le recours au consensus fasse triompher la primauté de la concorde, du bien-être collectif sur les autres considérations très partisanes, politiciennes et de revanche politique. Une perte de majorité au Parlement est une donne sérieuse à ne pas considérer comme un épiphénomène. Dans son pari pour l’émergence, et dans sa dynamique de développement tous azimuts, le chef de l’Etat et son gouvernement ont bien besoin au Parlement d’un contexte favorable au soutien de l’action gouvernementale. Laisser se dissoudre dans la méfiance et les défiances ce consensus, dont le pays a besoin pour réussir le changement, pourrait créer un contexte démobilisant pour les actions du gouvernement, et mettre de l’eau au moulin de ceux qui voudraient prendre leur revanche sur le changement intervenu en avril 2006. Dialoguer devient plus que jamais le leitmotiv de la gouvernance concertée et chacun en bon patriote devrait, en toute sincérité, jouer sa partition de bonne volonté et d’honnêteté dans ses motivations profondes. Courageusement et sans arrière-pensée le chef de l’Etat, les partis de la majorité devraient vite prendre l’initiative de trouver le cadre ouvert et arbitral à ces retrouvailles qui clarifieraient et calmeraient le jeu politique et social très électoraliste pour le moment. | |