BENIN: Ode à la République
Par l'Abbé André S. Quenum
28 novembre 2008
O toi, République ! Dahomey d’hier, Bénin d’aujourd’hui ! Que n’es-tu oubliée ! Que n’es-tu l’image de tes nombreux fils et filles, citoyens ordinaires, ignorés. Ignorés comme toi. Certains n’ont point la fortune de connaître la date de leur naissance.
D’autres n’ont pas le loisir de souffler des bougies. Voici que tu fermes tes 50 ans de création – discrètement, humblement, silencieusement – similairement à leur sort.
C’est déjà quelque chose que la date de ta création, à toi, soit connue de certains de tes fils et filles : le 4 décembre 1958, la colonie dahoméenne devient République dahoméenne. C’est l’étape d’un peu plus d’autonomie, signe avant-coureur de l’indépendance. Mais, peu de reconnaissance t’est accordée, ô République ! Tu as, certes, évolué au gré des Constitutions. Mais, à combien de Constitutions, et donc de Républiques en sommes-nous aujourd’hui? Qui, à part les érudits de Constitutions et d’histoire, a le temps de penser à ces arguties ?
Nous n’avons pas le temps de penser à toi, ô République ! Hier Dahomey, ainsi nommé à défaut. Aujourd’hui Bénin, ainsi rebaptisé par excès, que nous dit de toi ton nom ? Ô toi l’insaisissable ! Les citoyens qui sont ordinaires comme tu l’es, n’ont pas le loisir de penser à toi car primum vivere, deinde philosophari (vivre d’abord, philosopher ensuite).
Ceux de tes fils et filles les moins ordinaires, les plus puissants de ce pays sont actuellement trop occupés à des négociations « coupées et décalées », en vue de la redistribution des cartes politiques qui conduisent à l’argent, au pouvoir et à la visibilité. Rien de cela ne procures-tu, ô toi, République, trop discrète. Crois-tu vraiment que les lèvres sur lesquelles tu es fréquemment, t’ont à l’esprit ? Si tu veux savoir, qu’un sondage soit lancé auprès des plus puissants parmi nous pour leur demander, non pas la date de ta création – ce serait trop leur demander –, mais ce qu’est une République. Qu’es-tu donc République ?
… Le temps me manque pour t’écrire davantage car… je me dois d’aller vérifier si l’alerte d’un 3e braquage à Dantokpa est vraie ou fausse…Excuse, République. Nous ne sommes pas en sécurité pour penser aisément à toi. Peut-être que nous t’accorderons un peu plus de temps si la célébration des 50 ans d’indépendance ne nous surprend pas. En attendant, République, salut!
Abbé André S. Quenum