Bénin du changement: Une République de transfuges ?
28 avril 2009 - Le Confrère de la Matinée
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Le besoin de changement manifesté d’abord par le peuple et porté ensuite par le candidat Boni Yayi (Photo Yayi et Soglo) doit être traduit dans les faits par l’instauration de valeurs telles que la conviction et le respect de la parole donnée. Mais c’est à une série de trahisons que la classe politique béninoise habitue de plus en plus l’opinion depuis avril 2006. Le Bénin du changement serait-il devenu une République des transfuges ? Ça en a tout l’air.
La construction du Bénin émergent dont Boni Yayi s’est volontairement fait le porte flambeau nécessite et appelle l’adoption de comportements basés sur le respect de vertus morales, philosophiques et politiques au sens noble du terme. C’est justement l’absence, la rareté et l’amenuisement de ces valeurs qui avait incliné les béninois dans leur grande majorité à se désolidariser de «la vieille classe politique » en faveur d’un technocrate lors de la présidentielle de 2006. Après trois ans de pratique de la nouvelle gouvernance dite de changement, une vague de retournements de vestes a de plus en plus cours au sein de la classe politique. Elle est l’expression de l’inadéquation entre les déclarations d’intention et les actes posés au quotidien par les politiciens béninois. On prend les mêmes et on recommence Le premier acte de cette vague de retournements de vestes qui s’est abattue sur la classe politique béninoise à l’ère du changement s’est fait observer au niveau des positionnements sur les listes électorales au cours des législatives de 2007. Comme par enchantement, d’anciens collaborateurs du général Mathieu Kérékou et caciques de son pouvoir ont réussi à se positionner convenablement pour ensuite être élus députés Fcbe. Pendant ce temps, les nouveaux maîtres du pays ne manquaient aucune occasion pour tirer à boulets rouges sur leurs prédécesseurs ainsi que leurs méthodes de gestion. On voit aujourd’hui les premiers à avoir retourné leurs vestes députés à l’Assemblée nationale et au Palais de la Présidence où ils arpentent les couloirs, tantôt comme conseillers, tantôt comme chargés de mission. On les voit aussi à la tête de divers mouvements de soutien aux actions de Boni Yayi. Et la question qui se pose est de savoir ce qu’ils peuvent apporter de positif au changement, si tant est qu’ils sont aussi comptables de la mauvaise gestion qui était érigée en système de gouvernance sous les régimes précédents?
Querelle autour du non respect des engagements
L’acte II a été marqué par le Mémorandum adressé au chef de l’Etat par le G13 l’année dernière, la sortie médiatique du G4 le 12 mars 2008 et la fronde parlementaire animée par ces deux groupes avec l’étroite collaboration de l’Alliance Force Clé. Ici, c’est le Président de la République lui-même qui est indexé par l’opposition non déclarée. Il lui est vertement et publiquement reproché de ne pas souvent tenir parole. En effet, pendant que les députés G13 l’accusent de marcher sur l’accord de législature qu’ils ont passé, le G4, par la voix du Président-maire, s’indignait aussi du fait que les accords signés avec Boni Yayi dans l’entre deux tours, accords au nom desquels le groupe ‘’Add-Wologuèdè’’ (composé de la Rb, du Psd et du Madep) avait appelé à voter pour lui contre le candidat Adrien Houngbédji, seraient littéralement foulés au pied. La récurrence de telles récriminations contre le premier magistrat du pays est telle que les avis sont partagés dans l’opinion. D’un côté, les irréductibles du changement qui attendent impatiemment que les détracteurs de Boni Yayi apportent les preuves de leurs accusations en exhibant par exemple des copies des deals qui les lient au Président de la République. De l’autre côté, ce sont les militants et sympathisants des G et F qui relaient avec volupté, les discours de leurs leaders. Mais ce qui est certain aux yeux des observateurs avisés de la chose politique, c’est qu’il y a manifestement un complot ourdi sur le dos du peuple par les politiciens béninois.
Le virage spectaculaire de certains élus locaux
Le 3ème acte s’est fait observer à la faveur des dernières élections locales. Face à la volonté clairement affichée par la famille politique du chef de l’Etat de contrôler la majorité des mairies, des élus locaux, obnubilés par les honneurs du pouvoir décentralisé, n’ont pas hésité à opérer un virage à 180°. Si certains ont réussi cette honteuse mue politique en se maintenant à la tête des conseils communaux, d’autres ont appris à leurs dépens que la trahison politique au nom d’intérêts personnels et égoïstes a un prix. Les cas les plus symptomatiques de ce revirement au niveau des municipalités sont ceux observés dans les mairies de Ouidah, d’Abomey-Calavi et de Sèmè-Podji. Dans la cité des Kpassè Pierre Badet, élu maire Rb passe chez les Fcbe mais ne parvient pas à rempiler. Chez les Aïzo d’Abomey-Calavi, Liamidi Houénou de Dravo élu maire sous la bannière du Prd rejoint aussi la mouvance présidentielle mais se voit contraint de laisser sa place à Patrice Hounsou-Guèdè, colonel à la retraite, ex-collaborateur du Président Mathieu Kérékou et politiquement proche du Prd. Chez les Xwla et Sèto de Sèmè-Podji, Mathias Gbèdan, maire Prd, parvient quant à lui à tirer profit de sa traitrise politique et est réélu maire Fcbe contre l’avis défavorable des militants qui ne voudraient pas s’accommoder d’un maire transfuge qui n’hésitera pas un jour ou l’autre à changer de camp. Valse de transhumances à l’Assemblée La démission confirmée du député Rachidi Gbadamassi du G13 au profit de Fcbe constitue la dernière scène du 4ème acte du mélodrame qui s’est emparé de la classe politique béninoise. A l’Assemblée nationale, l’année 2008 est marquée par l’exacerbation d’une crise politique qui couvait un an plus tôt. La bataille pour le contrôle de la majorité parlementaire s’est déroulée sans merci et sur fond de débauchages et de marchandage de certains députés. C’est à croire que le Palais des gouverneurs s’est transformé en un vaste marché où les députés offrent le triste spectacle de la marchandisation des élus de la Nation. En effet, malgré la « tentative de débauchage manqué » des honorables Léon Ahossi et Valentin Aditi Houdé, tous deux membres du G13, leur collège Adébayo François Abiola du Madep (formation politique membre de l’intergroupe G4, G13 et Force Clé) a fait son entrée au 4ème gouvernement du Dr Boni Yayi où il continue allègrement son expérience gouvernementale. On dénombre aujourd’hui un peu moins d’une dizaine de transhumants au parlement béninois après seulement deux ans de législature. Ainsi donc, le camp Fcbe a enregistré l’adhésion des députés Justin Agbodjèté de l’Add, Guéné Orousé du G13, Isidore Gnonlonfoun du Prd-Prs, Zéphirin Kindjanhoundé de la Rb et enfin-du moins pour l’instant-de Rachidi Gbadamassi du G13. Quant à l’opposition non déclarée, elle a vu les rangs du G13 s’agrandir avec l’arrivée de deux députés Fcbe, Wallis Zoumarou et Chabi Tokou Dari. Ce mélodrame que certains esprits ont tendance à qualifier de recomposition de l’échiquier politique n’est rien d’autre que l’expression d’une crise des valeurs non seulement de la classe politique mais surtout de la société béninoise. Certes, la Constitution du 11 décembre 1990 n’interdit pas la transhumance, mais il y a des mariages contre-nature que la morale a du mal à admettre. C’est malheureusement à ces noces que nous invitent de plus en plus les hommes politiques béninois.
Faustin B. ADJAGBA |