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Rhétorique de candidat et prudence de président lors des vœux de M. Sarkozy
LE MONDE | 01.01.08 | 10h27  •  Mis à jour le 01.01.08 | 10h28

lu depuis huit mois, Nicolas Sarkozy n'a pas pu tout réaliser de ses promesses de candidat. Les Français le savent. Restait au chef de l'Etat à en prendre publiquement acte. C'est ce qu'il a fait, lundi 31 décembre, en présentant pour la première fois ses vœux aux Français. "Tout ne peut être résolu en un jour", a-t-il concédé au court de sa brève allocution radiotélévisée, moins "décoiffante" qu'annoncé. Mais, comme il l'avait fait tant de fois lorsqu'il n'était que candidat, il a promis de "tout mettre en œuvre" pour donner aux Français "le sentiment que tout pourrait devenir possible". Un slogan de campagne dont il juge qu'il reste d'actualité.

 

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A peine halé, comme s'il convenait d'effacer les traces de ses vacances luxueuses et controversées en Egypte, assis derrière son bureau du premier étage de l'Elysée, M. Sarkozy a consacré l'essentiel de son intervention à illustrer sa méthode de gouvernement, à justifier ses choix aux yeux de ceux qui "trouvent que cela n'a pas été assez vite" et ceux qui, au contraire, "pensent que le changement a été trop rapide".

Aux premiers, le chef de l'Etat a présenté "l'exigence du dialogue social et de la négociation" comme excuse à sa prudence, assurant qu'il ne croyait pas "à la brutalité comme méthode de gouvernement". Il a renvoyé les seconds à l'urgence, "tant la France a pris du retard sur le reste du monde" et "parce que le temps presse si nous voulons rester maîtres de notre destin".

Ce faisant, M. Sarkozy montre qu'il entend la double critique qui s'exerce sur son action depuis son élection. Une partie de sa majorité, des libéraux et du Medef juge qu'il ne va pas assez loin dans son ambition de réforme; mais de nombreux Français estiment qu'il a ouvert trop de chantiers et trop vite. "Une première étape s'achève sur la voie du changement", a affirmé le chef de l'Etat.

S'efforçant de redonner du sens à son action passée et à venir, le président de la République a ainsi mis sur le compte de "l'urgence" ses premières réformes, dont certaines ne portent pas leurs fruits ou apparaissent comme des pis-aller.

"Urgence" à dépasser les clivages partisans au nom de "l'ouverture"; "urgence" à créer le "choc fiscal et social" dont les résultats, eux, lambinent; "urgence" du pouvoir d'achat, de l'autonomie des universités, de la loi sur le service minimum, de la modernisation de l'Etat, du traité simplifié. Même ses premiers pas contestés en politique étrangère avec la visite de Kadhafi à Paris, les félicitations à Vladimir Poutine ou le dialogue avec la Syrie, sont mis sur le compte de "l'urgence", afin que "la France se remette à parler avec tout le monde".

Mais en 2008, promis, M. Sarkozy veut tracer des perspectives autrement plus ambitieuses. "Une seconde étape s'ouvre", a-t-il poursuivi. Reprenant de la hauteur, le chef de l'Etat a alors appelé à "une politique de civilisation" et à "une nouvelle renaissance". Cette dernière expression, empruntée au registre pompidolien, avait déjà été utilisée – sans davantage de précision – dans sa "lettre aux éducateurs" adressée, début septembre, à tous les enseignants. Pour le chef de l'Etat, cette "politique de civilisation" concerne la culture, l'éducation, l'identité, les droits de l'homme, l'environnement et la moralisation du capitalisme financier. "Que la France montre la voie, a-t-il lancé avec des accents gaulliens, cette fois. C'est ce que depuis toujours tous les peuples du monde attendent d'elle." Premier à réagir, le premier ministre, François Fillon, s'est déclaré prêt à relever le défi des "réformes de civilisation" et à "changer la France en profondeur, pour qu'elle soit toujours en initiative dans le monde, plus conquérante en économie mais aussi plus juste pour ses citoyens et plus respectueuse de la planète".

En direct, certes, mais les yeux sur le prompteur, M. Sarkozy a personnalisé à outrance son texte, employant à quarante-cinq reprises le "je", comme pour mieux illustrer sa volonté "d'assumer ses responsabilités" : "j'ai pris les miennes. J'ai pu commettre des erreurs", a-t-il reconnu. Au passage, il s'est même autorisé une "autocitation" en renvoyant les téléspectateurs à son désormais célèbre "je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas".

Mais sur le fond, il ne s'est pas départi d'un certain flou, tout à fait dans la tradition des allocutions du 31 décembre. Si les accents, la rhétorique restent ceux du candidat, sa prudence est bel et bien celle d'un président. Ainsi ne s'est-il pas départi du conditionnel pour juger que "les premiers résultats de l'action entreprise devraient se faire sentir" en 2008 malgré "une conjoncture internationale freinée par la crise financière". De la même manière, c'est avec une humilité inhabituelle qu'il a admis que "beaucoup reste à faire pour que les mesures mises en œuvre se traduisent par des améliorations visibles dans la vie quotidienne" des Français.

En 1995, lors de ses premiers vœux, Jacques Chirac avait déclaré : "Nous sommes sur le début du chemin, mais nous sommes sur le bon chemin." Une formule que M. Sarkozy, lundi soir, aurait pu faire sienne.


Philippe Ridet
Tag(s) : #POLITIQUE FRANCAISE
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