Yayi Boni veut empoisonner les béninois avec le riz OGM made in U.S.A.
INTERVIEW AVEC SOULE BIO GOURA SUR L’INFLATION ET LA CHERTE DE LA VIE
" On pense aujourd’hui que la crise va sévir au moins pendant les cinq ans à venir, le temps de trouver des substituts durables aux hydrocarbures "
30 mai 2008
![]() Soulé Bio Goura en service à LARES |
Le Docteur Soulé Bio Goura est un expert et consultant sur les questions économiques. Dans cet entretien, il explique en quoi la crise alimentaire actuelle est-elle une opportunité pour les économies africaines en même temps qu’elle apparaît plus structurelle que conjoncturelle...Il juge suffisamment grave certaines mesures qui sont prises par le gouvernement du Bénin.
Fraternité : En quoi la crise alimentaire actuelle apparaît-elle plus structurelle que conjoncturelle ?
Soulé Bio Goura : Beaucoup d’experts pensent que la crise alimentaire actuelle est une crise structurelle pour une raison très simple. Entre 1990 et 2005, on a assisté à une baisse des prix sur le marché international. Cela a été soutenu surtout par une sorte de baisse ou de stabilisation des prix des hydrocarbures qui constituent aujourd’hui le socle de l’activité économique. Or, on a constaté que depuis 2005 avec une accentuation en 2006, une poussée inflationniste qui est liée au repli des stocks du pétrole sur le plan mondial, que les Etats se sont lancés dans une course effrénée pour trouver les produits de substitution notamment le biocarburant qui consomme beaucoup de produits alimentaire en l’occurrence le maïs.... Tout cela a fait une pression assez structurante autour des hydrocarbures et sur l’ensemble des coûts aussi bien des transports que des matières premières même brutes. C’est le premier élément.
Et le second élément qui explique la crise ?
Le second élément, c’est que les pays exportateurs sur le marché international et structurellement excédentaires comme la Chine, l’Inde.... sont devenus subitement demandeurs à la fois de matières premières et de produits alimentaires. Le cas du riz est symptomatique avec la Chine qui est un pays exportateur net de riz mais qui a commencé aujourd’hui par devenir un pays importateur. Cela a sérieusement secoué le marché mondial et même les pays exportateurs ont commencé par prendre des mesures de régulation de leur offre intérieure en constituant des stocks tampons, surveiller la production et puis contingenter les exportations c’est-à-dire ne pas exporter plus de 30% de leur production pour ne pas éveiller la crise alimentaire des années 1960. La Chine semble atteindre la limite supérieure de ce qu’elle peut produire. Aujourd’hui, elle est obligée de sortir pour maintenir son niveau de productivité. Les pays comme la Malaisie, le Pakistan, le Vietnam de même que l’Inde ont choisi de ne plus exporter. Tout cela a fait une pression sur le plan mondial de sorte qu’on se trouve à un essoufflement de la productivité des pays asiatiques. Et on pense aujourd’hui que cette crise va durer au moins pendant les cinq ans à venir, le temps de trouver des substituts durables aux hydrocarbures. Pas seulement de l’essence mais de trouver des moteurs qui consomment moins, moins polluants et qui ne soient plus demandeurs de matières premières telle qu’on a aujourd’hui. Et cela, on ne peut pas y arriver avant les cinq ou dix ans à venir. Donc on aura une tendance des prix des plus haussières au niveau du Pétrole. Les gens ont prévu même que le baril irait jusqu’à 200- 300$ si l’envolée actuelle des prix se maintient avec aujourd’hui la barre de 130$. C’est très dangereux pour le marché mondial avec la détérioration des termes de l’échange.
Mais pour beaucoup d’analystes, la crise est bien une opportunité pour les économies africaines ?
Oui c’est une opportunité pour les économies africaine mais pas dans le court terme. Quand on voit les mesures qui sont prises, elles sont de moyens termes alors qu’on ne peut pas résoudre les problèmes structurels en moins de deux ans. Il faut un lourd investissement aussi bien matériel qu’humain que les Etats africains n’ont pas, parce que les mécanismes de financements ne sont pas structurés. Les Etats africains n’ont pas les moyens cash pour financer les politiques agricoles en terme de maîtrise de l’eau. Il faut pouvoir soustraire l’agriculture des aléas climatiques, faire des minis barrages hydro agricoles. Tout cela demande énormément de l’argent et de technique. Quand on regarde la plupart des barrages au Bénin, ils n’ont pas utilisé les 30% de leur capacité de 1960. Et 40 ans après, il faut les réaménager et cela exige beaucoup d’investissement.
Cela demande beaucoup d’argent mais l’Etat a pris certaines mesures. Quelles sont selon vous, la portée et les limites desdites mesures ?
Pour le moment, le gouvernement n’a fait que défiscaliser les produits en supprimant les Tva sur les importations. Une mesure qui ne touche pratiquement que les populations urbaines. C’est-à-dire, on retourne à la situation des années 1970 où sur la pression de la rue, on prend des mesures qui peuvent se relever très dévastatrice pour l’économie à la longue. Pour une raison très simple, la défiscalisation veut dire des pertes de recette pour l’Etat, des moyens qui manquent pour assurer l’investissement. Or ce qu’on aurait dû faire, c’est d’abord maintenir la pression inflationniste, de prendre cet argent pour investir dans la collecte des produits locaux -maïs, le sorgho, le gari...., orienter la consommation locale de façon à ce que les produits locaux soient moins chers que ceux importés, à faire emblaver plus les paysans et à intensifier la production locale. Ce qui n’a pas été fait. Aujourd’hui, on pense que c’est en important qu’on peut se sortir de la situation puisque j’ai même vu les diplomates américains aller voir le Chef de l’Etat pour lui manifester la volonté des Usa de donner des tonnes de riz et de maïs au Bénin. C’est des décisions extrêmement grave, très grave. Car, ce sont des débouchés qu’on trouve ainsi aux marchés américains. De plus, personne ne sait depuis quand ce riz est stocké et quelle est sa qualité nutritive. Et Donc, on peut développer des maladies dont on ne connaît pas l’origine. De deux, cela nous installe dans un laisser-aller, dans une dépendance alimentaire qui ne nous permet pas de faire des efforts pour augmenter la production locale. C’est suffisamment grave et malheureusement, les pouvoirs publics qui ont peur des manifestations publiques acceptent des solutions aussi graves pour l’économie et la santé des populations.