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Roger Gbégnonvi, le complexe de Janus

 

La nouvelle tribune 24 octobre 2008


 

Je l’avais prévenu dès qu’il avait été nommé ministre. Ainsi pour une seconde fois, je l’ai pris en flagrant délit de transgression de cette règle d’or que doit observer tout homme politique et ne me chantez surtout pas la ritournelle qu’un ministre, parce qu’il serait issu de la soi-disant société civile, n’est pas ipso facto un homme politique. Mon ami Roger GBEGNONVI a encore confondu à ses risques et périls, l’action politique qui se déroule essentiellement dans une arène où tous les coups sont permis et où il faut se garder de donner à l’adversaire à l’affût l’occasion de vous porter le coup fatal, avec un forum de rhétorique et d’expression dialectique des idées dont raffolent les intellectuels en général, les universitaires en particulier. En effet, quelle guêpe a-t-elle piqué l’ancien Ministre de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales, pour oser faire cette malheureuse sortie du lundi 13 octobre dernier sur Golfe TV à une heure de grande écoute ? Ne sait-il donc pas que comme l’avait dit Jean-Pierre CHEVENEMENT « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne » ? Eh oui ! Dans une équipe gouvernementale, la seule personne qui a le monopole de la parole politique, c’est le Chef du gouvernement qui dans le régime qui est le nôtre, est en même temps le Chef de l’Etat, Président de la République ! Cependant, le cas Roger GBEGNONVI mérite qu’on s’y attarde ; comme l’ont fait abondamment déjà, non pas les béotiens habituels à l’inculture « puante », mais des gens respectables dans la Cité, comme Jérôme CARLOS et d’autres. Aussi beaucoup d’écrivains et de scientifiques, tels que Marcel PAGNOL dans Topaze, Max WEBER dans Le savant et le politique, ont-ils mis l’accent sur la difficulté pour l’intellectuel en général, l’universitaire en particulier, de ne pas détonner dans cette faune particulière que constituent les hommes politiques et leurs commis. Parce que le savant, par définition éducateur, est avant tout un moraliste invétéré ; dans un monde dont Nicolas MACHIAVEL dans son célèbre Le prince, a mis en exergue les principales caractéristiques avant tout apparemment immorales : le cynisme, le réalisme impitoyable du gladiateur dans un monde qui évoque essentiellement l’arène antique. Il faut donc accepter les fourches caudines du silence et se faire personnellement une raison lors donc que les « braves gens » n’auront d’autre alternative que de stigmatiser ce privilégié dont les émoluments s’élèvent à près de deux millions de francs par mois et qui ose par goût immodéré pour la vérité, la faconde et par impudeur, chercher noise à des pauvres hères dont les revenus mensuels dans le meilleur des cas, ne dépassent pas cinq cent mille francs par mois ! Roger GBEGNONVI ressemble comme un frère au scientifique sans peur et sans reproche que j’étais il y a dix ans ; comme il ressemble comme deux gouttes d’eau à Jérôme CARLOS, un autre célèbre chroniqueur. L’ancien Ministre chargé de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales dont les media, au grand dam de l’intéressé, avaient réduit le ministère à la seule alphabétisation, ne pourra jamais s’entendre avec la plupart de ses anciens collègues et collaborateurs pour une raison simple : tout ce beau monde, sans aucun état d’âme, sans aucune préoccupation pour la bonne gouvernance salutaire pour un petit pays aux ressources limitées comme le nôtre, s’est tranquillement moulé pendant dix ans dans le système KEREKOU, alors qu’un intellectuel comme lui et moi et d’autres « indécrottables » ne pouvaient rien imaginer alors comme alternative que dix ans d’opposition ! Changement ou pas, Révolution ou non, ces gens ont pris des habitudes solides et le Docteur Boni YAYI, malgré toute sa bonne volonté, aura du mal à inverser la tendance dans ce système fortifié par deux décennies d’incurie et de gabegie. C’est bien triste pour tous ceux qui espèrent encore, malgré les prophéties apocalyptiques que ces justes déchanteront bientôt et qu’ils se rendront compte qu’ils se sont lourdement « gourés » ! Voire. Un homme politique, par définition prêt à toutes les incertitudes et logiques du champ politique, ne saurait jamais accepter qu’il s’est trompé dans son soutien à un système ou un régime ; sinon, c’est un « con » ou un naïf, tout juste bon à se pavaner devant les étudiants dans un amphithéâtre. On est avec le Docteur Boni YAYI pour le meilleur et le pire ou on n’est pas avec lui ; c’est aussi simple que ça.

 

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

Tag(s) : #EDITORIAL
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