Le pouvoir du Changement a-t-il comblé les attentes ? (Analyse croisée des commentaires de l'Abbé Quenum et du Président Bruno Amoussou): Le mandat à mi parcours du Président Yayi Boni suscite depuis quelques mois des commentaires de toute sorte au niveau des observateurs et de la classe politique nationale. En effet, le nombre de députés soutenant l'action du Chef de l'Etat est passé de 54 à 35 sur les quatre vingt trois députés. Aujourd'hui les débauchages font tourner ce nombre entre 38 à 39 députés alors qu'il en faut 42 pour former une majorité étriquée ou au-delà pour une majorité confortable. Au cours de l'année 2008, la crise a atteint un niveau tel que le nombre de lois votées à l'Assemblée nationale tourne seulement autour d'une dizaine ; bilan le plus médiocre depuis la 1ère législature de 1991 à 1995. La conclusion la plus évidente et la plus importante que l'on puisse tirer de tous les commentaires et vécus quotidiens est que tout est virtuel et non vertueux ou vérité avec le Chef de l'Etat. Or la parole du Chef doit être sacrée. Il est prudent de rappeler que l'Etat est surtout un faisceau de réflexions et de réactions collectives au seuil d'une analyse qui ne prétend pas répondre à la question de Montesquieu : « Quand un homme n'a rien de nouveau à dire, que ne se tait-il ? » Mais pourquoi se taire lorsqu'on estime après avoir bénéficié des soutiens, que les accords signés entre les deux tours y compris les accords de législature n'engagent que ceux qui y croient. Un accord, n'est-il pas un engagement écrit ou non écrit de deux parties dont le respect ne doit souffrir d'aucun manquement de l'une des parties ? Si tant est que l'application de ces accords violerait les intérêts du peuple, pourquoi les avoir signés alors que le régime prône le changement ? Pour accéder au pouvoir, les hommes politiques utilisent tous les stratagèmes même les plus répugnants. Il est clair que l'ascension aux fonctions de l'Etat moderne ressemble au cercle de Pascal dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Il n'y a en fait de problème politique en soi, il n'y a que des problèmes d'organisation sociale dont l'opinion s'empare et auxquels elle subordonne l'exercice des mandats électoraux. Ce contraste déconcertant, découlant des sollicitudes constantes souvent médiocres des candidats aux élections et le discrédit qu'il s'attache parfois à la politique amène le Chancelier BACON à affirmer « on accède aux dignités par les indignités, l'ascension au pouvoir se fait toujours par un escalier tournant, le suffrage universel devrait concerner les gens dignes de l'exercer.» Une sagesse populaire de chez – nous enseigne pourtant « on descend de l'arbre par la branche où on est monté.» Vouloir expérimenter une autre issue pourra être la source des malheurs. La branche s'est-elle jamais cassée dans les bras du caméléon qui se rassure de ses arrières gardes avant d'avancer ? Face à la crise politique entre l'exécutif et le législatif dont les effets collatéraux ne cessent d'avoir des répercussions sur l'ensemble des couches sociales, le groupe d'artistes AZIZA Plus vient de tourner un téléfilm dénommé : Monsieur le Président l'heure est grave. Tout en respectant l'opinion de l'Abbé Quenum qui conclu à la politique de l'échec sur la rencontre de " l'union fait la nation" de Bohicon, qu'il me soit permis d'avoir une autre approche de la situation sociopolitique au Bénin. A lire l'opinion de l'Abbé Quenum, on a l'impression que le Président Yayi Boni est l'incarnation du Président Nicéphore Soglo que "la vieille classe politique" s'active à nouveau de renverser en 2011. Mais après une analyse approfondie suivant une rigueur scientifique on pourrait être tenté de revisiter à l'ère du changement l'endoctrinement du peuple, l'embrigadement des libertés civiles et politiques, les manipulations à travers les remerciements, les marches de soutien "aux actions salvatrices," la grande corruption dénoncée sous le Président Kérékou. Ne pas le faire par soucis d'hypocrisie habituelle revient à décerner une prime à la médiocrité. Je me souviens aussi avec force conviction de la volonté manifeste du chef de l'Etat à demeurer un homme nouveau, neutre et sans parti pris dans les choix qui engagent l'avenir de notre pays.
Je m'interroge sur le revirement spectaculaire de ceux qui, hier avaient contribué au second tour à l'amélioration des 35% du candidat Yayi Boni au 1er tour des élections présidentielles à 75% soit 40% des suffrages exprimés. Je dois m'interroger d'autant plus qu'ils se retrouvent ensemble avec le candidat malheureux qui, malgré le sursaut national de 2006 a recueilli 25% des voies. Ces interrogations sont si utiles lorsqu'on considère que dans notre pays la politique de victimisation ou de martyrisation prononcée du pouvoir fait le lit du gagnant. Lors des élections communales, municipales et locales, le choix de Jérôme Dandjinou par le pouvoir pour éjecter le Président Soglo de son siège à la Mairie de Cotonou après l'avoir vilipendé et couvert d'opprobre a-t-il payé.
Cela ne saurait non plus prospérer avec la méthode visant à jeter en prison Mme Cakpo-chichi Solange et Messieurs Makpénon et Doubogan tous barons de la renaissance du Bénin sous le prétexte fallacieux de vol de 50.000 cartes d'électeur. Lorsqu'on analyse les faits politiques au Bénin, il est clair que le rapprochement du pouvoir avec le sommet de la RB ne pourra jamais avoir un soutien à la base de ce parti qui n'a jamais cautionné la ruse et les injonctions. Aussi, le pouvoir se rend t-il compte de son impopularité en procédant à l'installation sur mesure des conseils communaux. Le chef de l'Etat a-t-il besoin de se comporter comme le chef des FCBE comme à l'ère du PRPB pour mener à bien les tâches de développement harmonieux du Bénin ?
Prenant appuie sur ces éléments sommaires, j'avoue mes difficultés à suivre le prélat dans ses analyses qui ne sont pas loin des propos bruyamment agités par les griots du changement en faisant passer les G et F pour ceux qui sont contre le développement du pays amorcé sous le changement. La vision du Président Bruno Amoussou à travers ses analyses qui prennent en compte le monde en pleine mutation et surtout après la première crise financière de l'ère de la mondialisation me semble plus pertinente et demande plus de rigueur dans les analyses. C'est pourquoi, en cette période de crise grave entre le gouvernement (pouvoir exécutif) et l'Assemblée Nationale (l'organe délibérant de l'Etat) notre étude va s'appuyer sur la différence entre le savoir et la connaissance (Cf. Michel Foucaut, l'archéologie du savoir). Différence de degré et non de nature, le savoir est constitutif de la connaissance scientifique sans se confondre avec elle. Il touche de plus près ou moins près la connaissance mais subsistent en son sein des zones d'ombre. Il est le champ d'expérimentation des sciences humaines et politiques grâce auquel celle-ci pourra prendre corps. Ceci étant, on peut ne pas accepter l'homme (le Président Bruno Amoussou) mais ses idées tiennent-elles la route ? La meilleure expérience est celle vécue par soi-même. Comme l'affirme deux adages populaires fon « La souris qui dort sur la cantine ne connaît même pas le contenu.» Allons nous être comme notre fameux «Dansou dont les gendarmes, après avoir découvert dans sa voiture lors d'une fouille le SODABI, une boisson prohibée et qui s'en étonne par la suite ? (Je le découvre en même temps que vous, avoue t-il ce revendeur du produit prohibé) ». Dans les discours sociaux de politesse de tous dirigeants se cachent parfois des pièges. Face aux bouleversements du monde unipolaire dominé par la puissance des Etats-Unis qui montre déjà ses limites, il est évident que nous allons sentir les mois à venir les effets de la crise financière de l'ère de la mondialisation comme une barrasque si nous continuons à vénérer le Chef par des louanges même en cas de dérapages. Ce n'est donc que par une approche systémique que nous pouvons amener nos dirigeants à prendre conscience des actes qu'ils posent. L'approche analytique à laquelle nous sommes habitués nous éloigne parfois de la réalité. Elle isole un fait et en tire toutes les conséquences (c'est le meilleur outil des courtisans). Par contre le système relie les faits entre eux, reste attentif à leur interaction. Mieux, il se contente de vérifier rigoureusement le caractère bénéfique d'une action en comparant à posteriori l'objectif désiré et le résultat obtenu (c'est le guide du bon gestionnaire). Le Bénin ayant expérimenté après 1960 à 1972 tous les régimes politiques ou presque, le système parlementaire en régime présidentiel, du bicéphalisme au troïka en passant par les gouvernements provisoires des comités militaires soit révolutionnaire, soit de rénovation nationale doit nous interpeller sous l'Etat FCBE qui prend déjà les allures de l'Etat PRPB dont les résultats amères sont encore vivace dans nos mémoires. La constitution de 1990 en vigueur, prenant appuie sur les reformes de 1956 – 1957 consécutives à la loi cadre-Deferre et toutes celles qui l'ont précédé affirme de la façon la plus solennelle toutes les Institutions de la République. Pourquoi avons-nous opté pour la création d'autres Institutions : Le Haut conseil du changement, le Haut commissariat à la Gouvernance concertée, le Médiateur de la République etc. Que recherchons-nous en passant à 30 ministères pour une population de moins de dix millions d'habitants contre 40 ministères au Nigéria pour une population de plus de 120.000.000 habitants ? Depuis des décennies le nombre de ministères est resté le même aux Etats-Unis. Sommes-nous autant préoccupé par le ratio population équipement dans tous les autres secteurs et notamment à la police et à la gendarmerie dont une étude révèle le ratio d'un gendarme pour plus de six mille (6000) habitants ? Au niveau de l'enseignement 30% des élèves qui passent en 6ème ne savent pas lire. Quelles sont les dispositions que nous prenons pour y remédier ? Pourquoi encore la proclamation des résultats à taux bonifié aux différents examens ? Certes, la volonté manifeste du Chef de l'Etat à sortir le Bénin du mal développement est manifeste, cependant on lui reproche la recherche de visibilité exagérée autour de ses actions. La réalisation sélective sur fond de régionalisme de certains projets à grand renfort médiatique. Le coût publicitaire plus élevé des micros crédits au plus pauvres sous le parrainage parasitaire des FCBE. Le folklore orchestré sur la réduction du train de vie de l'Etat. Le culte sans précédent de la personnalité (hier Kérékou était un "Demi-Dieu", aujourd'hui nous avons un "Dieu entier" et infaillible). La situation de vanité autour des projets (passage supérieur de Houéyiho, St Michel, Godomey) dont l'exécution suscite aussitôt des marches nocturnes avec lampion en main par ces temps de renchérissement du coût du pétrole et sans la moindre reconnaissance des mérites de ceux qui ont œuvré à la naissance de «ces anciens projets exécutés sous le changement.» Si cela était avéré, pourquoi donc s'en prendre aux initiateurs du séminaire l'union fait la nation qui ont voulu à cette occasion décharger une partie du trop plein d'adrénaline longtemps conservé pour libérer les hormones. Après tout, n'ont-ils pas apporté 40% au second tour au 35% du 1er tour pour élire le Chef de l'Etat en 2006 ? N'ont-ils pas le droit de dénoncer "un dieu à dimension militaire" qui prend son drapeau (l'émergence) et qui leur demande de le suivre à pas forcé sans droit à la différence ? Ce sont les commentaires à forte coloration politique et les différents actes posés par le gouvernement qui doivent nous faire réfléchir dans la recherche de la vérité pour situer les responsabilités.» En tout état de cause, l'étude de quelques griefs et reproches ci-dessous au pouvoir pourra nous édifier et l'amener à rectifier le tir. Il s'agit entre autres de : Dans la recherche du bien fondé de cette affirmation, il m'a été donné de constater que par lettre en date du 15 février 2008, le Président de la République a désigné les Ministres de la République payés par les contribuables pour coordonner les activités des Forces Cauris pour un Bénin Emergent dans tous nos départements. A ce titre ils sont spécifiquement chargés entre autres de rendre compte au jour le jour au Président de la République du Comportement des autres adversaires politiques. Les moyens matériels et financiers des ministères sont donc implicitement désignés dans l'application diligente de cette tâche. Mieux, l'implication personnelle et visible du Chef de l'Etat dans les campagnes électorales n'a pas été sans dérives. Pour Tidjani Serpos et Fikara Saka, c'est un parjure de dire dans certaines de nos localités aux populations : « Si elles ne votent pas la liste FCBE du chef de l'Etat elles n'auront pas le courant, l'électricité et l'eau ». Ces menaces sont si fréquentes qu'elles empêchent les partis de l'opposition de rendre publique leur déclaration. Qui peut accepter être le porte malheur de sa région à plus de deux (2) ans de la fin du règne d'un pouvoir ? Dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire de l'assemblée nationale, il a été prouvé l'utilisation des ressources du parlement dans les préparatifs partisans des élections communales 2008. Ainsi, de nombreuses activités des FCBE ont-elles été baptisées « missions parlementaires dans la forme mais sur le fond il s'agit des locations de salles dans les hôtels, les restaurations, les frais afférents à la confection des listes FCBE. Tout le monde retient son souffle pour les autres Institutions de l'Etat. Certes, l'administration est un aspect du pouvoir, mais l'obéissance au pouvoir ne saurait devenir l'obédience au parti qui exerce le pouvoir. Comment peut-on construire une administration de développement si les textes et les normes universellement reconnus ne sont pas respectés. Selon le porte parole du FONAC Mr Jean Baptiste Elias, « les textes ont été élaborés, des Institutions ont été mises en place et des critères ont été définis. Seulement dans l'application, il y a eu des problèmes. A titre d'illustration, nous avons le Décret N°2006-68 du 14 Juin 2006, fixant les structures types des ministères, les critères de nomination des directeurs de cabinet, des directeurs adjoints de cabinet…. Ces derniers doivent être des cadres A1 ou équivalent et avoir 15 ans d'ancienneté… Le même Décret dit également que les Directeurs centraux doivent être des cadres A1 et avoir au moins dix années d'ancienneté…. Beaucoup de Directeur de cabinet, de Directeur Adjoint de cabinet, de Secrétaires Généraux et de Directeurs centraux ne remplissent pas les critères contenus dans ce décret. La bonne gouvernance et la lutte contre la corruption ont ainsi pris un coup.» Les administrateurs, grands commis de l'Etat formés pour mieux gérer l'administration publique sont écartés au profit des baby boum politiques du changement sortis de nulle part. Il en découle une instabilité dans la structure des ministères. En management public tout comme dans l'armée, le pouvoir d'une personne A sur une personne B c'est la capacité de A d'obtenir que B fasse quelque chose qu'il n'aurait pas fait sans l'intervention de A. Il y a une tradition africaine du cadeau qu'une personne pourvue d'un poste d'autorité est autorisée à s'attendre (et pas seulement à exiger) à recevoir quelque forme de considération autrefois un don en nature, mais maintenant en argent habituellement pour ce qu'elle fait dans l'exercice de ses fonctions en faveur du donateur. La corruption devient à nos jours une tradition dénaturée par la loi de l'évolution des sociétés. Plus les dépenses sont élevées mieux les soupçons de corruption sont agités. C'est le cas des dépenses incompréhensibles telles que la réfection du CIC à plus de 7 milliards, la fête nationale du 1er Août à plus de 3 milliards à Parakou, la méthode des épis pour sauver 7 km de plage pour la somme de 32,5 milliards contre 4 milliards au plus par le procédé des Danois. Il aurait été utile au gouvernement d'accepter un débat contradictoire sollicité par les G et F pour clarifier ces situations aussi bien que d'autres sur les marchés de gré à gré et les ordres de paiements. C'est ce qui fait dire «les cuillères à café ont été remplacées par les louches avec le regret que Dieu n'ait pas crée une troisième main.» La lutte contre la corruption a échoué sous Yayi (cf Martin Assogba Pt Alcrer, l'événement précis N°363 du vendredi 14/11/08). Par ailleurs, des cas de corruptions avérées ont été cités dans le rapport de vérification de la gestion du Président Nago à l'assemblée nationale. (A suivre dans les prochaines éditions) Claude DjankakiIII - De la corruption déguiséeII - De la politisation de l'administrationI - Des moyens de l'Etat pour financer un parti Etat à l'instar du PRPB. Les raisons du choix d'une approche systémique |