25 mars 2009
Les Béninois ont découvert Yayi Boni au tournant des élections de mars 2006. Il a alors étrenné son image séduisante d’homme nouveau, propre, qui n’avait pas le tort d’avoir participé à la politique au Bénin. Celle-ci, par la médiocrité et l’irresponsabilité de ses acteurs, ayant enfoncé le pays dans la pauvreté, c’est tout naturellement que le champion de la génération spontanée en politique a ramassé la mise. En apparaissant comme l’homme providentiel qu’il fallait au Bénin, à l’issue du règne catastrophique et douteux de Kérékou.
Or, à y voir de près, rien d’aussi providentiel dans la démarche de Yayi Boni ; rien d’aussi naïf, rien qui découlât du hasard : tout était subtilement préparé de longue date. Sachant que les Béninois avaient faim, étaient frustrés de voir quelques-uns s’enrichir au moment où la multitude était pauvre, Yayi Boni a compris que l’argent facile faisait rêver le Béninois, le faisait saliver. C’est pour cela qu’il a choisi de se pré-positionner dans une banque sous-régionale, utilisée alors comme un véritable cheval de Troie. Il a pu créditer dans l’imaginaire de ses concitoyens médusés l’image diurne du Banquier, par opposition à son image nocturne de trafiquant, de malhonnête, de corrupteur, de falsificateur, et de blanchisseur d’argent sale, etc.. Pour cela, il a fallu d’abord faire école sous Soglo au moment où, comme c’est toujours le cas en Afrique, par décret des Occidentaux, on a mis au goût du jour, l’image du Financier international en raison des excès des régimes monolithiques des Houphouët, Mobutu et autres Eyadema. Comme on le voit avec ses heurts actuels avec Soglo, sa famille personnelle et son parti, l’allégeance à Soglo était purement tactique, le fait d’une ruse ; une manière de faire l’âne pour avoir du foin ; ou pire, un déguisement du loup en agneau afin d’attaquer le moment venu toute la bergerie, y compris le berger lui-même. Ensuite, de façon opportuniste, alors que l’idée du Changement avait été fortement préconisée par d’autres, notamment son plus considérable adversaire dans la course présidentielle (Cf. "Il n'y a de richesse que d'hommes, Adrien Houngbédji") Monsieur Yayi Boni se saisit de ce slogan et le fit sien. La subtilisation passa inaperçue et la chose réussit d’autant plus facilement qu’en homme prétendument nouveau, il pouvait se prévaloir d’être le naturel dépositaire de l’idée du changement. Par rapport à Adrien Houngbédji, il lui a fallu aussi peaufiner son image intellectuelle. En effet, face à la réalité d’un adversaire dont l’image est internationalement reconnue et respectée : Avocat talentueux et homme de culture qui venait de publier un livre dans le cadre de la campagne, il fallait que Yayi donnât du poids pour rééquilibrer l’indigence intrinsèque de son image intellectuelle. En effet, un Banquier n’a jamais été l’idéaltype de l’Intellectuel. C’est pour cela qu’avec subtilité l’homme n’a pas hésité à dégainer son titre de Docteur. Sans vergogne et pince sans rire, à se faire appeler docteur, alors qu’il n’était ni médecin ni chercheur. Attitude qui est souvent le propre de frimeurs légers dont le ronflant des titres académiques n’a d’égales que la concavité intellectuelle et l’ignorance des sources vives du savoir.
Puis vint la volatilité de son état civil, de ses origines, religieuses et géographiques, tantôt musulman tantôt chrétien, tantôt proto-Yoruba, tantôt Nordique pur et dur. Yayi Boni avant son élection, n’hésite pas à faire croire à ceux qui ne le savent pas que Boni, un nom très typique du Nord, est son patronyme, à la place d’un Yayi plus Tchabè et en tout cas sans éclat ethnique particulier. Puis se fait appeler Thomas Boni Yayi après son élection pour entrer sous la sainte tutelle de la coterie d’évangélistes, adeptes du business de la foi qui depuis Kérékou ont pion sur rue au sommet du Pouvoir et saignent à blanc le pays.
Mais là où éclata publiquement le parti-pris de la ruse chez Yayi Boni, ce fut son refus de respecter le contrat qu’il avait passé entre les deux tours des élections avec les membres du groupe Wologuèdè, de vieux routiers de la politique qui se sont laissé berner par un soi-disant novice. Le quitus qu’il reçut alors de ce contrat frauduleux fut à l’origine de son élection-plébiscite au score mirobolant de 75%, érigé depuis lors en fonds de commerce et justification de son arrogance populiste.
Dans la gestion au quotidien des affaires de l’Etat plus d’une vicissitude ont trahit aussi ce naturel roué de Yayi Boni, sa tournure d’esprit qui le porte à ne voir que ruse et coups fourrés dans les rapports politiques. Cela donne parfois le sentiment d’un homme désireux de changer les choses mais qui, n’ayant pas les moyens constitutionnels et politiques de son ambition, pense y arriver obstinément par ruses et attrape-nigauds. Ce parti-pris pousse le Président à préférer l’apparence à la réalité, la forme au fond dans ses décisions ; comme si celles-ci ne visent pas le but affiché ou prétendu, mais d’abord et avant tout à entourlouper aussi bien la classe politique que le peuple. Dans cette veine, on ne compte pas le nombre de décisions annoncées dans la hâte sans avoir été mûrement étudiées : de la gratuité de l’école primaire à la gratuité de la Césarienne en passant par la suppression de la vente de kpayo.
La crise politique qui dure depuis plus d’une année maintenant est aussi en grande partie la conséquence de cette obsession de la roublardise qui caractérise Yayi Boni. Et ce depuis ses démêlées avec les G13 et Force clé qui étaient initialement de sa mouvance, jusqu’aux rebondissements successifs de ses rapports avec la RB de Rosine Soglo, plus d’une fois piégée et amadouée, attaquée et caressée dans le sens du poil de promesses sans lendemain, et qui se sont tour à tour révélées de véritables miroirs aux alouettes. Yayi Boni à l’âme de ces violeurs perfides qui miroitent un appât facile à leurs victimes pour les attirer dans l’antre délétère de leurs vices sordides, le temps d’un viol à sec qui finit dans l’humiliation et le pied de nez sur le mode du « Tiens, je t’ai eue, pauvre conne ! » Ce penchant viscéral explique pourquoi Yayi Boni est très enclin à placer ses interlocuteurs devant le fait accompli. Car pour lui ce qui compte c’est la forme des choses et le théâtre de leur exécution ; et il n’hésite pas à piéger les gens sur ce théâtre, sans aucun respect pour le fond et le sens de vérité qu’il recèle.
Ainsi s’explique le vote bizarre du budget 2009 par toute l’opposition sous la houlette de la RB de Rosine Soglo à qui on a miroité des choses, notamment au niveau de la municipalité de Cotonou qui se sont révélées totalement illusoires et trompeuses. Ainsi s’explique la précipitation avec laquelle Yayi Boni a anticipé la nomination des représentants de l’Assemblée nationale à la Cour constitutionnelle, parce qu’il savait que le vent de la majorité allait tourner en sa défaveur, et que peu lui importait qu’il fût réellement majoritaire au moment où la Cour viendrait à être installée, pourvu qu’il le soit par la force des choses.
Certes c’est une banalité que dans l’arène politique ce qui compte, c’est le rapport des forces et que nul n’y fait de cadeau à son adversaire. Mais l’obsession du fait accompli, dénué de toute idée de moralité, et pour tout dire, passionnément amoral, est assez typique de la personnalité de Yayi Boni pour qu’on le souligne. C’est cette obsession qui le perd, et avec lui le Bénin tout entier. Elle montre très bien les limites du bienfait de la génération spontanée en politique pour autant qu’elle en eût. C’est aussi cette obsession des coups fourrés, et du fait accompli sans aucun égard au bon sens, à la morale et à la sagesse, qui explique les récents événements dramatiques de Ouidah qui se sont soldés par une mort d’homme et des blessés graves. Encore une fois, Monsieur Yayi ne peut s’estimer tout à fait blanc dans cette affaire, lui qui, comble du cynisme, aurait reçu les clefs de Ouidah lors d’une cérémonie haut en couleur en son palais, en l’absence du maire de la ville et de ses représentants attitrés !
Les dessous frauduleux de cette cérémonie farfelue, comme bien d’autres auxquelles le Chef de l’Etat s’adonne frénétiquement depuis son élection, seraient restés inconnus du large public n’eût été le drame de Ouidah. Puisse ce drame servir à déciller les yeux du peuple sur cet activisme suborneur du chef de l’Etat.
En attendant, force est de crier haro sur cette inclination à la ruse qui chez Yayi Boni est une seconde nature. Crier haro pour que dans les mois à venir cette manie ne nous conduise pas aux portes d’un drame national dont le Bénin, pays de paix, pourrait bien faire l’économie.
Aminou Balogoun
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