La clef des drames
27 MARS 2009 - LA CROIX DU BENIN
Drame des clés ou clés du drame ! Ouidah a fini, le week-end dernier, par retrouver la clé égarée par ses fils en l’absence de Monsieur le Maire. Et de la banalisation des symboles à la supercherie politique, on en est à deux clés pour la même «maison du champ» : l’originale pour le Maire, la contrefaçon pour le PR. Ou, est-ce le contraire ? Au finish, déjà les clés poussent des vies à la porte du non retour… On dirait qu’à l’ère des progrès avancés de la cybernétique et du numérique, nos forgerons de Ouidah, d’Allada, de Calavi ou d’on ne sait où encore, en sont à fabriquer des clés à capacité mortelle.
Le citoyen de Kétou ou de Djougou connaît les conflits qui secouent sa cité à lui. Mais loin de Ouidah qu’il observe de l’extérieur, il peut se demander : comment une affaire de clé symbolique remise au président de la République dans son palais de la Marina peut-elle conduire à la mort du fils de Dagbohounon ? La vérité est que, de parts en parts, la nation est traversée par de multiples tensions locales et nous n’en avons pas encore une conscience nationale. De temps à autre, des chefferies traditionnelles se divisent, des églises et des mosquées aussi, des partis se fragmentent. Parfois, le sang coule. Le cas de Ouidah est médiatisé. Bien des cas ailleurs comme à Kilibo, il y a quelques mois, ne sont pas médiatisés.
Les causes nouvelles de ces conflits sont liées aux pratiques politiques de division et de régionalisation qui, si elles ne datent pas d’aujourd’hui, ne font que s’aggraver depuis le changement. Les partis politiques étant atomisés, la Fcbe elle-même affaiblie, les lieux et les mécanismes de mobilisation des masses se sont déplacés pour se cristalliser sur la politisation excessive de l’administration, de l’ethnie, du village, du sang, de la terre et de la foi. On a beau dénoncer la pratique, elle ne fait que prendre de l’ampleur, au point de devenir la méthode principale de ce qui se révèle être probablement la campagne électorale la plus précoce et la plus longue du renouveau démocratique. De plus, alors que certains ont tous les moyens de l’Etat, il faut craindre le fait qu’on ne sait pas d’où viendront les moyens pour l’ambition des autres.
Abbé André S. Quenum